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Balzac Louis Lambert DEDICACE Et nunc et semper dilectae dicatum. Louis Lambert naquit, en 1797, Ă Montoire, petite ville du VendĂÂŽmois, oĂÂč son pĂšre exploitait une tannerie de mĂ©diocre importance et comptait faire de lui son successeur ; mais les dispositions qu'il manifesta prĂ©maturĂ©ment pour l'Ă©tude modifiĂšrent l'arrĂÂȘt paternel. D'ailleurs le tanneur et sa femme chĂ©rissaient Louis comme on chĂ©rit un fils unique et ne le contrariaient en rien. L'Ancien et le Nouveau Testament Ă©taient tombĂ©s entre les mains de Louis Ă l'ĂÂąge de cinq ans ; et ce livre, oĂÂč sont contenus tant de livres, avait dĂ©cidĂ© de sa destinĂ©e. Cette enfantine imagination comprit-elle dĂ©jĂ la mystĂ©rieuse profondeur des Ecritures, pouvait-elle dĂ©jĂ suivre l'Esprit-Saint dans son vol Ă travers les mondes, s'Ă©prit-elle seulement des romanesques attraits qui abondent en ces poĂšmes tout orientaux ; ou, dans sa premiĂšre innocence, cette ĂÂąme sympathisa-t-elle avec le sublime religieux que des mains divines ont Ă©panchĂ© dans ce livre ! Pour quelques lecteurs, notre rĂ©cit rĂ©soudra ces questions. Un fait rĂ©sulta de cette premiĂšre lecture de la Bible Louis allait par tout Montoire, y quĂÂȘtant des livres qu'il obtenait Ă la faveur de ces sĂ©ductions dont le secret n'appartient qu'aux enfants, et auxquelles personne ne sait rĂ©sister. En se livrant Ă ces Ă©tudes, dont le cours n'Ă©tait dirigĂ© par personne, il atteignit sa dixiĂšme annĂ©e. A cette Ă©poque, les remplaçants Ă©taient rares ; dĂ©jĂ plusieurs familles riches les retenaient d'avance pour n'en pas manquer au moment du tirage. Le peu de fortune des pauvres tanneurs ne leur permettant pas d'acheter un homme Ă leur fils, ils trouvĂšrent dans l'Ă©tat ecclĂ©siastique le seul moyen que leur laissĂÂąt la loi de le sauver de la conscription, et ils l'envoyĂšrent, en 1807, chez son oncle maternel, curĂ© de Mer, autre petite ville situĂ©e sur la Loire, prĂšs de Blois. Ce parti satisfaisait tout Ă la fois la passion de Louis pour la science et le dĂ©sir qu'avaient ses parents de ne point l'exposer aux hasards de la guerre. Ses goĂ»ts studieux et sa prĂ©coce intelligence donnaient d'ailleurs l'espoir de lui voir faire une grande fortune dans l'Eglise. AprĂšs ĂÂȘtre restĂ© pendant environ trois ans chez son oncle, vieil oratorien assez instruit, Louis en sortit au commencement de 1811 pour entrer au collĂšge de VendĂÂŽme, oĂÂč il fut mis et entretenu aux frais de madame de StaĂl. Lambert dut la protection de cette femme cĂ©lĂšbre au hasard ou sans doute Ă la Providence qui sait toujours aplanir les voies au gĂ©nie dĂ©laissĂ©. Mais pour nous, de qui les regards s'arrĂÂȘtent Ă la superficie des choses humaines, ces vicissitudes, dont tant d'exemples nous sont offerts dans la vie des grands hommes, ne semblent ĂÂȘtre que le rĂ©sultat d'un phĂ©nomĂšne tout physique ; et, pour la plupart des biographes, la tĂÂȘte d'un homme de gĂ©nie tranche sur une masse de figures enfantines comme une belle plante qui par son Ă©clat attire dans les champs les yeux du botaniste. Cette comparaison pourrait s'appliquer Ă l'aventure de Louis Lambert il venait ordinairement passer dans la maison paternelle le temps que son oncle lui accordait pour ses vacances ; mais au lieu de s'y livrer, selon l'habitude des Ă©coliers, aux douceurs de ce bon farniente qui nous affriole Ă tout ĂÂąge, il emportait dĂšs le matin du pain et des livres ; puis il allait lire et mĂ©diter au fond des bois pour se dĂ©rober aux remontrances de sa mĂšre, Ă laquelle de si constantes Ă©tudes paraissaient dangereuses. Admirable instinct de mĂšre ! DĂšs ce temps, la lecture Ă©tait devenue chez Louis une espĂšce de faim que rien ne pouvait assouvir il dĂ©vorait des livres de tout genre, et se repaissait indistinctement d'oeuvres religieuses, d'histoire, de philosophie et de physique. Il m'a dit avoir Ă©prouvĂ© d'incroyables dĂ©lices en lisant des dictionnaires, Ă dĂ©faut d'autres ouvrages, et je l'ai cru volontiers. Quel Ă©colier n'a maintes fois trouvĂ© du plaisir Ă chercher le sens probable d'un substantif inconnu ? L'analyse d'un mot, sa physionomie, son histoire Ă©taient pour Lambert l'occasion d'une longue rĂÂȘverie. Mais ce n'Ă©tait pas la rĂÂȘverie instinctive par laquelle un enfant s'habitue aux phĂ©nomĂšnes de la vie, s'enhardit aux perceptions ou morales ou physiques ; culture involontaire, qui plus tard porte ses fruits et dans l'entendement et dans le caractĂšre ; non, Louis embrassait les faits, il les expliquait aprĂšs en avoir recherchĂ© tout Ă la fois le principe et la fin avec une perspicacitĂ© de sauvage. Aussi, par un de ces jeux effrayants auxquels se plaĂt parfois la Nature, et qui prouvait l'anomalie de son existence, pouvait-il dĂšs l'ĂÂąge de quatorze ans Ă©mettre facilement des idĂ©es dont la profondeur ne m'a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e que longtemps aprĂšs. - Souvent, me dit-il, en parlant de ses lectures, j'ai accompli de dĂ©licieux voyages, embarquĂ© sur un mot dans les abĂmes du passĂ©, comme l'insecte qui flotte au grĂ© d'un fleuve sur quelque brin d'herbe. Parti de la GrĂšce, j'arrivais Ă Rome et traversais l'Ă©tendue des ĂÂąges modernes. Quel beau livre ne composerait-on pas en racontant la vie et les aventures d'un mot ? sans doute il a reçu diverses impressions des Ă©vĂ©nements auxquels il a servi ; selon les lieux il a rĂ©veillĂ© des idĂ©es diffĂ©rentes ; mais n'est-il pas plus grand encore Ă considĂ©rer sous le triple aspect de l'ĂÂąme, du corps et du mouvement ? A le regarder, abstraction faite de ses fonctions, de ses effets et de ses actes, n'y a-t-il pas de quoi tomber dans un ocĂ©an de rĂ©flexions ? La plupart des mots ne sont-ils pas teints de l'idĂ©e qu'ils reprĂ©sentent extĂ©rieurement ? Ă quel gĂ©nie sont-ils dus ! S'il faut une grande intelligence pour crĂ©er un mot, quel ĂÂąge a donc la parole humaine ? L'assemblage des lettres, leurs formes, la figure qu'elles donnent Ă un mot, dessinent exactement, suivant le caractĂšre de chaque peuple, des ĂÂȘtres inconnus dont le souvenir est en nous. Qui nous expliquera philosophiquement la transition de la sensation Ă la pensĂ©e, de la pensĂ©e au verbe, du verbe Ă son expression hiĂ©roglyphique, des hiĂ©roglyphes Ă l'alphabet, de l'alphabet Ă l'Ă©loquence Ă©crite, dont la beautĂ© rĂ©side dans une suite d'images classĂ©es par les rhĂ©teurs, et qui sont comme les hiĂ©roglyphes de la pensĂ©e ? L'antique peinture des idĂ©es humaines configurĂ©es par les formes zoologiques n'aurait-elle pas dĂ©terminĂ© les premiers signes dont s'est servi l'Orient pour Ă©crire ses langages ? Puis n'aurait-elle pas traditionnellement laissĂ© quelques vestiges dans nos langues modernes, qui toutes se sont partagĂ© les dĂ©bris du verbe primitif des nations, verbe majestueux et solennel, dont la majestĂ©, dont la solennitĂ© dĂ©croissent Ă mesure que vieillissent les sociĂ©tĂ©s ; dont les retentissements si sonores dans la Bible hĂ©braĂÂŻque, si beaux encore dans la GrĂšce, s'affaiblissent Ă travers les progrĂšs de nos civilisations successives ? Est-ce Ă cet ancien Esprit que nous devons les mystĂšres enfouis dans toute parole humaine ? N'existe-t-il pas dans le mot VRAI une sorte de rectitude fantastique ? ne se trouve-t-il pas dans le son bref qu'il exige une vague image de la chaste nuditĂ©, de la simplicitĂ© du vrai en toute chose ? Cette syllabe respire je ne sais quelle fraĂcheur. J'ai pris pour exemple la formule d'une idĂ©e abstraite, ne voulant pas expliquer le problĂšme par un mot qui le rendĂt trop facile Ă comprendre, comme celui de VOL, oĂÂč tout parle aux sens. N'en est-il pas ainsi de chaque verbe ? tous sont empreints d'un vivant pouvoir qu'ils tiennent de l'ĂÂąme, et qu'ils lui restituent par les mystĂšres d'une action et d'une rĂ©action merveilleuse entre la parole et la pensĂ©e. Ne dirait-on pas d'un amant qui puise sur les lĂšvres de sa maĂtresse autant d'amour qu'il en communique ? Par leur seule physionomie, les mots raniment dans notre cerveau les crĂ©atures auxquelles ils servent de vĂÂȘtement. Semblables Ă tous les ĂÂȘtres, ils n'ont qu'une place oĂÂč leurs propriĂ©tĂ©s puissent pleinement agir et se dĂ©velopper. Mais ce sujet comporte peut-ĂÂȘtre une science tout entiĂšre ! Et il haussait les Ă©paules comme pour me dire Nous sommes et trop grands et trop petits ! La passion de Louis pour la lecture avait Ă©tĂ© d'ailleurs fort bien servie. Le curĂ© de Mer possĂ©dait environ deux Ă trois mille volumes. Ce trĂ©sor provenait des pillages faits pendant la rĂ©volution dans les abbayes et les chĂÂąteaux voisins. En sa qualitĂ© de prĂÂȘtre assermentĂ©, le bonhomme avait pu choisir les meilleurs ouvrages parmi les collections prĂ©cieuses qui furent alors vendues au poids. En trois ans, Louis Lambert s'Ă©tait assimilĂ© la substance des livres qui, dans la bibliothĂšque de son oncle, mĂ©ritaient d'ĂÂȘtre lus. L'absorption des idĂ©es par la lecture Ă©tait devenue chez lui un phĂ©nomĂšne curieux ; son oeil embrassait sept Ă huit lignes d'un coup, et son esprit en apprĂ©ciait le sens avec une vĂ©locitĂ© pareille Ă celle de son regard ; souvent mĂÂȘme un mot dans la phrase suffisait pour lui en faire saisir le suc. Sa mĂ©moire Ă©tait prodigieuse. Il se souvenait avec une mĂÂȘme fidĂ©litĂ© des pensĂ©es acquises par la lecture et de celles que la rĂ©flexion ou la conversation lui avaient suggĂ©rĂ©es. Enfin il possĂ©dait toutes les mĂ©moires celles des lieux, des noms, des mois, des choses et des figures. Non-seulement il se rappelait les objets Ă volontĂ© ; mais encore il les revoyait en lui-mĂÂȘme situĂ©s, Ă©clairĂ©s, colorĂ©s comme ils l'Ă©taient au moment oĂÂč il les avait aperçus. Cette puissance s'appliquait Ă©galement aux actes les plus insaisissables de l'entendement. Il se souvenait, suivant son expression, non-seulement du gisement des pensĂ©es dans le livre oĂÂč il les avait prises, mais encore des dispositions de son ĂÂąme Ă des Ă©poques Ă©loignĂ©es. Par un privilĂ©ge inouĂÂŻ, sa mĂ©moire pouvait donc lui retracer les progrĂšs et la vie entiĂšre de son esprit, depuis l'idĂ©e la plus anciennement acquise jusqu'Ă la derniĂšre Ă©close, depuis la plus confuse jusqu'Ă la plus lucide. Son cerveau, habituĂ© jeune encore au difficile mĂ©canisme de la concentration des forces humaines, tirait de ce riche dĂ©pĂÂŽt une foule d'images admirables de rĂ©alitĂ©, de fraĂcheur, desquelles il se nourrissait pendant la durĂ©e de ses limpides contemplations. - Quand je le veux, me disait-il dans son langage auquel les trĂ©sors du souvenir communiquaient une hĂÂątive originalitĂ©, je tire un voile sur mes yeux. Soudain je rentre en moi-mĂÂȘme, et j'y trouve une chambre noire oĂÂč les accidents de la nature viennent se reproduire sous une forme plus pure que la forme sous laquelle ils sont d'abord apparus Ă mes sens extĂ©rieurs. A l'ĂÂąge de douze ans, son imagination, stimulĂ©e par le perpĂ©tuel exercice de ses facultĂ©s, s'Ă©tait dĂ©veloppĂ©e au point de lui permettre d'avoir des notions si exactes sur les choses qu'il percevait par la lecture seulement, que l'image imprimĂ©e dans son ĂÂąme n'en eĂ»t pas Ă©tĂ© plus vive s'il les avait rĂ©ellement vues ; soit qu'il procĂ©dĂÂąt par analogie, soit qu'il fĂ»t douĂ© d'une espĂšce de seconde vue par laquelle il embrassait la nature. - En lisant le rĂ©cit de la bataille d'Austerlitz, me dit-il un jour, j'en ai vu tous les incidents. Les volĂ©es de canon, les cris des combattants retentissaient Ă mes oreilles et m'agitaient les entrailles ; je sentais la poudre, j'entendais le bruit des chevaux et la voix des hommes ; j'admirais la plaine oĂÂč se heurtaient des nations armĂ©es, comme si j'eusse Ă©tĂ© sur la hauteur du Santon. Ce spectacle me semblait effrayant comme une page de l'Apocalypse. Quand il employait ainsi toutes ses forces dans une lecture, il perdait en quelque sorte la conscience de sa vie physique, et n'existait plus que par le jeu tout-puissant de ses organes intĂ©rieurs dont la portĂ©e s'Ă©tait dĂ©mesurĂ©ment Ă©tendue il laissait, suivant son expression, l'espace derriĂšre lui. Mais je ne veux pas anticiper sur les phases intellectuelles de sa vie. MalgrĂ© moi dĂ©jĂ , je viens d'intervertir l'ordre dans lequel je dois dĂ©rouler l'histoire de cet homme qui transporta toute son action dans sa pensĂ©e, comme d'autres placent toute leur vie dans l'action. Un grand penchant l'entraĂnait vers les ouvrages mystiques. - Abyssus abyssum, me disait-il. Notre esprit est un abĂme qui se plaĂt dans les abĂmes. Enfants, hommes, vieillards, nous sommes toujours friands de mystĂšres, sous quelque forme qu'ils se prĂ©sentent. Cette prĂ©dilection lui fut fatale, s'il est permis toutefois de juger sa vie selon les lois ordinaires, et de toiser le bonheur d'autrui avec la mesure du nĂÂŽtre, ou d'aprĂšs les prĂ©jugĂ©s sociaux. Ce goĂ»t pour les choses du ciel, autre locution qu'il employait souvent, ce mens divinior Ă©tait dĂ» peut-ĂÂȘtre Ă l'influence exercĂ©e sur son esprit par les premiers livres qu'il lut chez son oncle. Sainte ThĂ©rĂšse et madame Guyon lui continuĂšrent la Bible, eurent les prĂ©mices de son adulte intelligence, et l'habituĂšrent Ă ces vives rĂ©actions de l'ĂÂąme dont l'extase est Ă la fois et le moyen et le rĂ©sultat. Cette Ă©tude, ce goĂ»t Ă©levĂšrent son coeur, le purifiĂšrent, l'ennoblirent, lui donnĂšrent appĂ©tit de la nature divine, et peut-ĂÂȘtre leur sublime n'est-il que le besoin de dĂ©vouement qui distingue la femme, mais transportĂ© dans les grandes choses. GrĂÂące Ă ces premiĂšres impressions, Louis resta pur au collĂšge. Cette noble virginitĂ© de sens eut nĂ©cessairement pour effet d'enrichir la chaleur de son sang et d'agrandir les facultĂ©s de sa pensĂ©e. La baronne de StaĂl, bannie Ă quarante lieues de Paris, vint passer plusieurs mois de son exil dans une terre situĂ©e prĂšs de VendĂÂŽme. Un jour, en se promenant, elle rencontra sur la lisiĂšre du parc l'enfant du tanneur presque en haillons, absorbĂ© par un livre. Ce livre Ă©tait une traduction du CIEL ET DE L'ENFER. A cette Ă©poque, MM. Saint-Martin, de Gence et quelques autres Ă©crivains français, Ă moitiĂ© allemands, Ă©taient presque les seules personnes qui, dans l'empire français, connussent le nom de Swedenborg. EtonnĂ©e, madame de StaĂl prit le livre avec cette brusquerie qu'elle affectait de mettre dans ses interrogations, ses regards et ses gestes ; puis, lançant un coup d'oeil Ă Lambert - Est-ce que tu comprends cela ? lui dit-elle. - Priez-vous Dieu ? demanda l'enfant. - Mais... oui. - Et le comprenez-vous ? La baronne resta muette pendant un moment ; puis elle s'assit auprĂšs de Lambert, et se mit Ă causer avec lui. Malheureusement ma mĂ©moire, quoique fort Ă©tendue, est loin d'ĂÂȘtre aussi fidĂšle que l'Ă©tait celle de mon camarade, et j'ai tout oubliĂ© de cette conversation, hormis les premiers mots. Cette rencontre Ă©tait de nature Ă vivement frapper madame de StaĂl ; Ă son retour au chĂÂąteau, elle en parla peu, malgrĂ© le besoin d'expansion qui, chez elle, dĂ©gĂ©nĂ©rait en loquacitĂ© ; mais elle en parut fortement prĂ©occupĂ©e. La seule personne encore vivante qui ait gardĂ© le souvenir de cette aventure, et que j'ai questionnĂ©e afin de recueillir le peu de paroles alors Ă©chappĂ©es Ă madame de StaĂl, retrouva difficilement dans sa mĂ©moire ce mot dit par la baronne, Ă propos de Lambert C'est un vrai voyant. Louis ne justifia point aux yeux des gens du monde les belles espĂ©rances qu'il avait inspirĂ©es Ă sa protectrice. La prĂ©dilection passagĂšre qui se porta sur lui fut donc considĂ©rĂ©e comme un caprice de femme, comme une de ces fantaisies particuliĂšres aux artistes. Madame de StaĂl voulut arracher Louis Lambert Ă l'Empereur et Ă l'Eglise, pour le rendre Ă la noble destinĂ©e qui, disait-elle, l'attendait ; car elle en faisait dĂ©jĂ quelque nouveau MoĂÂŻse sauvĂ© des eaux. Avant son dĂ©part, elle chargea l'un de ses amis, monsieur de Corbigny, alors prĂ©fet Ă Blois, de mettre en temps utile son MoĂÂŻse au collĂšge de VendĂÂŽme ; puis elle l'oublia probablement. EntrĂ© lĂ vers l'ĂÂąge de quatorze ans, au commencement de 1811, Lambert dut en sortir Ă la fin de 1814, aprĂšs avoir achevĂ© sa philosophie. Je doute que, pendant ce temps, il ait jamais reçu le moindre souvenir de sa bienfaitrice, si toutefois ce fut un bienfait que de payer durant trois annĂ©es la pension d'un enfant sans songer Ă son avenir, aprĂšs l'avoir dĂ©tournĂ© d'une carriĂšre oĂÂč peut-ĂÂȘtre eĂ»t-il trouvĂ© le bonheur. Les circonstances de l'Ă©poque et le caractĂšre de Louis Lambert peuvent largement absoudre madame de StaĂl et de son insouciance et de sa gĂ©nĂ©rositĂ©. La personne choisie pour lui servir d'intermĂ©diaire dans ses relations avec l'enfant quitta Blois au moment oĂÂč il sortait du collĂšge. Les Ă©vĂ©nements politiques qui survinrent alors justifiĂšrent assez l'indiffĂ©rence de ce personnage pour le protĂ©gĂ© de la baronne. L'auteur de Corinne n'entendit plus parler de son petit MoĂÂŻse. Cent louis donnĂ©s par elle Ă monsieur de Corbigny, qui, je crois, mourut lui-mĂÂȘme en 1812, n'Ă©taient pas une somme assez importante pour rĂ©veiller les souvenirs de madame de StaĂl dont l'ĂÂąme exaltĂ©e rencontra sa pĂÂąture, et dont tous les intĂ©rĂÂȘts furent vivement mis en jeu pendant les pĂ©ripĂ©ties des annĂ©es 1814 et 1815. Louis Lambert se trouvait Ă cette Ă©poque et trop pauvre et trop fier pour rechercher sa bienfaitrice, qui voyageait Ă travers l'Europe. NĂ©anmoins il vint Ă pied de Blois Ă Paris dans l'intention de la voir, et arriva malheureusement le jour oĂÂč la baronne mourut. Deux lettres Ă©crites par Lambert Ă©taient restĂ©es sans rĂ©ponse. Le souvenir des bonnes intentions de madame de StaĂl pour Louis n'est donc demeurĂ© que dans quelques jeunes mĂ©moires, frappĂ©es comme le fut la mienne par le merveilleux de cette histoire. Il faut avoir Ă©tĂ© dans notre collĂšge pour comprendre et l'effet que produisait ordinairement sur nos esprits l'annonce d'un nouveau, et l'impression particuliĂšre que l'aventure de Lambert devait nous causer. Ici, quelques renseignements sur les lois primitives de notre Institution, jadis moitiĂ© militaire et moitiĂ© religieuse, deviennent nĂ©cessaires pour expliquer la nouvelle vie que Lambert allait y mener. Avant la rĂ©volution, l'Ordre des Oratoriens, vouĂ©, comme celui de JĂ©sus, Ă l'Ă©ducation publique, et qui lui succĂ©da dans quelques maisons, possĂ©dait plusieurs Ă©tablissements provinciaux, dont les plus cĂ©lĂšbres Ă©taient les collĂšges de VendĂÂŽme, de Tournon, de La FlĂšche, de Pont-le-Voy, de SorrĂšze et de Juilly. Celui de VendĂÂŽme, aussi bien que les autres, Ă©levait, je crois, un certain nombre de cadets destinĂ©s Ă servir dans l'armĂ©e. L'abolition des Corps enseignants, dĂ©crĂ©tĂ©e par la Convention, influa trĂšs peu sur l'Institution de VendĂÂŽme. La premiĂšre crise passĂ©e, le collĂšge recouvra ses bĂÂątiments ; quelques Oratoriens dissĂ©minĂ©s aux environs y revinrent, et le rĂ©tablirent en lui conservant son ancienne rĂšgle, ses habitudes, ses usages et ses moeurs, qui lui prĂÂȘtaient une physionomie Ă laquelle je n'ai rien pu comparer dans aucun des lycĂ©es oĂÂč je suis allĂ© aprĂšs ma sortie de VendĂÂŽme. SituĂ© au milieu de la ville, sur la petite riviĂšre du Loir qui en baigne les bĂÂątiments, le collĂšge forme une vaste enceinte soigneusement close oĂÂč sont enfermĂ©s les Ă©tablissements nĂ©cessaires Ă une Institution de ce genre une chapelle, un thĂ©ĂÂątre, une infirmerie, une boulangerie, des jardins, des cours d'eau. Ce collĂšge, le plus cĂ©lĂšbre foyer d'instruction que possĂšdent les provinces du centre, est alimentĂ© par elles et par nos colonies. L'Ă©loignement ne permet donc pas aux parents d'y venir souvent voir leurs enfants. La rĂšgle interdisait d'ailleurs les vacances externes. Une fois entrĂ©s, les Ă©lĂšves ne sortaient du collĂšge qu'Ă la fin de leurs Ă©tudes. A l'exception des promenades faites extĂ©rieurement sous la conduite des PĂšres, tout avait Ă©tĂ© calculĂ© pour donner Ă cette maison les avantages de la discipline conventuelle. De mon temps, le Correcteur Ă©tait encore un vivant souvenir, et la classique fĂ©rule de cuir y jouait avec honneur son terrible rĂÂŽle. Les punitions jadis inventĂ©es par la Compagnie de JĂ©sus, et qui avaient un caractĂšre aussi effrayant pour le moral que pour le physique, Ă©taient demeurĂ©es dans l'intĂ©gritĂ© de l'ancien programme. Les lettres aux parents Ă©taient obligatoires Ă certains jours, aussi bien que la confession. Ainsi nos pĂ©chĂ©s et nos sentiments se trouvaient en coupe rĂ©glĂ©e. Tout portait l'empreinte de l'uniforme monastique. Je me rappelle, entre autres vestiges de l'ancien Institut, l'inspection que nous subissions tous les dimanches nous Ă©tions en grande tenue, rangĂ©s comme des soldats, attendant les deux directeurs qui, suivis des fournisseurs et des maĂtres, nous examinaient sous les triples rapports du costume, de l'hygiĂšne et du moral. Les deux ou trois cents Ă©lĂšves que pouvait loger le collĂšge Ă©taient divisĂ©s, suivant l'ancienne coutume, en quatre sections, nommĂ©es les Minimes, les Petits, les Moyens et les Grands. La division des Minimes embrassait les classes dĂ©signĂ©es sous le nom de huitiĂšme et septiĂšme ; celle des Petits, la sixiĂšme, la cinquiĂšme et la quatriĂšme ; celle des Moyens, la troisiĂšme et la seconde ; enfin celle des Grands, la rhĂ©torique, la philosophie, les mathĂ©matiques spĂ©ciales, la physique et la chimie. Chacun de ces collĂšges particuliers possĂ©dait son bĂÂątiment, ses classes et sa cour dans un grand terrain commun sur lequel les salles d'Ă©tude avaient leur sortie, et qui aboutissaient au rĂ©fectoire. Ce rĂ©fectoire, digne d'un ancien Ordre religieux, contenait tous les Ă©coliers. Contrairement Ă la rĂšgle des autres corps enseignants, nous pouvions y parler en mangeant, tolĂ©rance oratorienne qui nous permettait de faire des Ă©changes de plats selon nos goĂ»ts. Ce commerce gastronomique est constamment restĂ© l'un des plus vifs plaisirs de notre vie collĂ©giale. Si quelque Moyen, placĂ© en tĂÂȘte de sa table, prĂ©fĂ©rait une portion de pois rouges Ă son dessert, car nous avions du dessert, la proposition suivante passait de bouche en bouche - Un dessert pour des pois ! jusqu'Ă ce qu'un gourmand l'eĂ»t acceptĂ© ; alors celui-ci d'envoyer sa portion de pois, qui allait de main en main jusqu'au demandeur dont le dessert arrivait par la mĂÂȘme voie. Jamais il n'y avait d'erreur. Si plusieurs demandes Ă©taient semblables, chacune portait son numĂ©ro, et l'on disait Premiers pois pour premier dessert. Les tables Ă©taient longues, notre trafic perpĂ©tuel y mettait tout en mouvement ; et nous parlions, nous mangions, nous agissions avec une vivacitĂ© sans exemple. Aussi le bavardage de trois cents jeunes gens, les allĂ©es et venues des domestiques occupĂ©s Ă changer les assiettes, Ă servir les plats, Ă donner le pain, l'inspection des directeurs faisaient-ils du rĂ©fectoire de VendĂÂŽme un spectacle unique en son genre, et qui Ă©tonnait toujours les visiteurs. Pour adoucir notre vie, privĂ©e de toute communication avec le dehors et sevrĂ©e des caresses de la famille, les PĂšres nous permettaient encore d'avoir des pigeons et des jardins. Nos deux ou trois cents cabanes, un millier de pigeons nichĂ©s autour de notre mur d'enceinte et une trentaine de jardins formaient un coup d'oeil encore plus curieux que ne l'Ă©tait celui de nos repas. Mais il serait trop fastidieux de raconter les particularitĂ©s qui font du collĂšge de VendĂÂŽme un Ă©tablissement Ă part, et fertile en souvenirs pour ceux dont l'enfance s'y est Ă©coulĂ©e. Qui de nous ne se rappelle encore avec dĂ©lices, malgrĂ© les amertumes de la science, les bizarreries de cette vie claustrale ? C'Ă©tait les friandises achetĂ©es en fraude durant nos promenades, la permission de jouer aux cartes et celle d'Ă©tablir des reprĂ©sentations thĂ©ĂÂątrales pendant les vacances, maraude et libertĂ©s nĂ©cessitĂ©es par notre solitude ; puis encore notre musique militaire, dernier vestige des Cadets ; notre acadĂ©mie, notre chapelain, nos PĂšres professeurs ; enfin, les jeux particuliers dĂ©fendus ou permis la cavalerie de nos Ă©chasses, les longues glissoires faites en hiver, le tapage de nos galoches gauloises, et surtout le commerce introduit par la boutique Ă©tablie dans l'intĂ©rieur de nos cours. Cette boutique Ă©tait tenue par une espĂšce de maĂtre Jacques auquel grands et petits pouvaient demander, suivant le prospectus boites, Ă©chasses, outils, pigeons cravatĂ©s, pattus, livres de messe article rarement vendu, canifs, papiers, plumes, crayons, encre de toutes les couleurs, balles, billes ; enfin le monde entier des fascinantes fantaisies de l'enfance, et qui comprenait tout, depuis la sauce des pigeons que nous avions Ă tuer jusqu'aux poteries oĂÂč nous conservions le riz de notre souper pour le dĂ©jeuner du lendemain. Qui de nous est assez malheureux pour avoir oubliĂ© ses battements de coeur Ă l'aspect de ce magasin pĂ©riodiquement ouvert pendant les rĂ©crĂ©ations du dimanche, et oĂÂč nous allions Ă tour de rĂÂŽle dĂ©penser la somme qui nous Ă©tait attribuĂ©e ; mais oĂÂč la modicitĂ© de la pension accordĂ©e par nos parents Ă nos menus plaisirs nous obligeait de faire un choix entre tous les objets qui exerçaient de si vives sĂ©ductions sur nos ĂÂąmes ? La jeune Ă©pouse Ă laquelle, durant les premiers jours de miel, son mari remet douze fois dans l'annĂ©e une bourse d'or, le joli budget de ses caprices, a-t-elle rĂÂȘvĂ© jamais autant d'acquisitions diverses dont chacune absorbe la somme, que nous n'en avons mĂ©ditĂ© la veille des premiers dimanches du mois ? Pour six francs, nous possĂ©dions, pendant une nuit, l'universalitĂ© des biens de l'inĂ©puisable boutique ! et, durant la messe, nous ne chantions pas un rĂ©pons qui ne brouillĂÂąt nos secrets calculs. Qui de nous peut se souvenir d'avoir eu quelques sous Ă dĂ©penser le second dimanche ? Enfin qui n'a pas obĂ©i par avance aux lois sociales en plaignant, en secourant, en mĂ©prisant les Pariahs que l'avarice oĂÂč le malheur paternel laissaient sans argent ? Quiconque voudra se reprĂ©senter l'isolement de ce grand collĂšge avec ses bĂÂątiments monastiques, au milieu d'une petite ville, et les quatre parcs dans lesquels nous Ă©tions hiĂ©rarchiquement casĂ©s, aura certes une idĂ©e de l'intĂ©rĂÂȘt que devait nous offrir l'arrivĂ©e d'un nouveau , vĂ©ritable passager survenu dans un navire. Jamais jeune duchesse prĂ©sentĂ©e Ă la cour n'y fut aussi malicieusement critiquĂ©e que l'Ă©tait le nouveau dĂ©barquĂ© par tous les Ă©coliers de sa Division. Ordinairement, pendant la rĂ©crĂ©ation du soir, avant la priĂšre, les flatteurs habituĂ©s Ă causer avec celui des deux PĂšres chargĂ©s de nous garder une semaine chacun Ă leur tour, qui se trouvait alors en fonctions, entendaient les premiers ces paroles authentiques - " Vous aurez demain un Nouveau ! " Tout Ă coup ce cri - " Un Nouveau ! un Nouveau ! " retentissait dans les cours. Nous accourions tous pour nous grouper autour du RĂ©gent, qui bientĂÂŽt Ă©tait rudement interrogĂ©. - D'oĂÂč venait-il ? Comment se nommait-il ? En quelle classe serait-il ? etc. L'arrivĂ©e de Louis Lambert fut le texte d'un conte digne des Mille et une Nuits. J'Ă©tais alors en quatriĂšme chez les Petits. Nous avions pour RĂ©gents deux hommes auxquels nous donnions par tradition le nom de PĂšres, quoiqu'ils fussent sĂ©culiers. De mon temps, il n'existait plus Ă VendĂÂŽme que trois vĂ©ritables Oratoriens auxquels ce titre appartĂnt lĂ©gitimement ; en 1814, ils quittĂšrent le collĂšge, qui s'Ă©tait insensiblement sĂ©cularisĂ©, pour se rĂ©fugier auprĂšs des autels dans quelques presbytĂšres de campagne, Ă l'exemple du curĂ© de Mer. Le pĂšre Haugoult, le RĂ©gent de semaine, Ă©tait assez bon homme, mais dĂ©pourvu de hautes connaissances, il manquait de ce tact si nĂ©cessaire pour discerner les diffĂ©rents caractĂšres des enfants et leur mesurer les punitions suivant leurs forces respectives. Le pĂšre Haugoult se mit donc Ă raconter fort complaisamment les singuliers Ă©vĂ©nements qui allaient, le lendemain, nous valoir le plus extraordinaire des Nouveaux. AussitĂÂŽt les jeux cessĂšrent. Tous les Petits arrivĂšrent en silence pour Ă©couter l'aventure de ce Louis Lambert, trouvĂ©, comme un aĂ©rolithe, par madame de StaĂl au coin d'un bois. Monsieur Haugoult dut nous expliquer madame de StaĂl pendant cette soirĂ©e, elle me parut avoir dix pieds ; depuis j'ai vu le tableau de Corinne, oĂÂč GĂ©rard l'a reprĂ©sentĂ©e et si grande et si belle ; hĂ©las ! la femme idĂ©ale rĂÂȘvĂ©e par mon imagination la surpassait tellement, que la vĂ©ritable madame de StaĂl a constamment perdu dans mon esprit, mĂÂȘme aprĂšs la lecture du livre tout viril intitulĂ© De l'Allemagne. Mais Lambert fut alors une bien autre merveille aprĂšs l'avoir examinĂ©, monsieur Mareschal, le directeur des Ă©tudes, avait hĂ©sitĂ©, disait le pĂšre Haugoult, Ă le mettre chez les Grands. La faiblesse de Louis en latin l'avait fait rejeter en quatriĂšme, mais il sauterait sans doute une classe chaque annĂ©e ; par exception, il devait ĂÂȘtre de l'acadĂ©mie. Proh pudor ! nous allions avoir l'honneur de compter parmi les Petits un habit dĂ©corĂ© du ruban rouge que portaient les acadĂ©miciens de VendĂÂŽme. Aux acadĂ©miciens Ă©taient octroyĂ©s de brillants privilĂšges ; ils dĂnaient souvent Ă la table du Directeur, et tenaient par an deux sĂ©ances littĂ©raires auxquelles nous assistions pour entendre leurs oeuvres. Un acadĂ©micien Ă©tait un petit grand homme. Si chaque VendĂÂŽmien veut ĂÂȘtre franc, il avouera que, plus tard, un vĂ©ritable acadĂ©micien de la vĂ©ritable AcadĂ©mie française lui a paru bien moins Ă©tonnant que ne l'Ă©tait l'enfant gigantesque illustrĂ© par la croix et par le prestigieux ruban rouge, insignes de notre acadĂ©mie. Il Ă©tait bien difficile d'appartenir Ă ce corps glorieux avant d'ĂÂȘtre parvenu en seconde, car les acadĂ©miciens devaient tenir tous les jeudis, pendant les vacances, des sĂ©ances publiques, et nous lire des contes en vers ou en prose, des Ă©pĂtres, des traitĂ©s, des tragĂ©dies, des comĂ©dies ; compositions interdites Ă l'intelligence des classes secondaires. J'ai longtemps gardĂ© le souvenir d'un conte, intitulĂ© l'Ane vert, qui, je crois, est l'oeuvre la plus saillante de cette acadĂ©mie inconnue. Un quatriĂšme ĂÂȘtre de l'acadĂ©mie ! Parmi nous serait cet enfant de quatorze ans, dĂ©jĂ poĂšte, aimĂ© de madame de StaĂl, un futur gĂ©nie, nous disait le pĂšre Haugoult ; un sorcier, un gars capable de faire un thĂšme ou une version pendant qu'on nous appellerait en classe, et d'apprendre ses leçons en les lisant une seule fois. Louis Lambert confondait toutes nos idĂ©es. Puis la curiositĂ© du pĂšre Haugoult, l'impatience qu'il tĂ©moignait de voir le Nouveau, attisaient encore nos imaginations enflammĂ©es. - S'il a des pigeons, il n'aura pas de cabane. Il n'y a plus de place. Tant pis ! disait l'un de nous qui, depuis, a Ă©tĂ© grand agriculteur. - AuprĂšs de qui sera-t-il ? demandait un autre. - Oh ! que je voudrais ĂÂȘtre son faisant ! s'Ă©criait un exaltĂ©. Dans notre langage collĂ©gial, ce mot ĂÂȘtre faisants constituait un idiotisme difficile Ă traduire. Il exprimait un partage fraternel des biens et des maux de notre vie enfantine, une promiscuitĂ© d'intĂ©rĂÂȘts fertile en brouilles et en raccommodements, un pacte d'alliance offensive et dĂ©fensive. Chose bizarre ! jamais, de mon temps, je n'ai connu de frĂšres qui fussent Faisants. Si l'homme ne vit que par les sentiments, peut-ĂÂȘtre croit-il appauvrir son existence en confondant une affection trouvĂ©e dans une affection naturelle. L'impression que les discours du pĂšre Haugoult firent sur moi pendant cette soirĂ©e est une des plus vives de mon enfance, et je ne puis la comparer qu'Ă la lecture de Robinson CrusoĂ©. Je dus mĂÂȘme plus tard au souvenir de ces sensations prodigieuses, une remarque peut-ĂÂȘtre neuve sur les diffĂ©rents effets que produisent les mois dans chaque entendement. Le verbe n'a rien d'absolu nous agissons plus sur le mot qu'il n'agit sur nous ; sa force est en raison des images que nous avons acquises et que nous y groupons ; mais l'Ă©tude de ce phĂ©nomĂšne exige de larges dĂ©veloppements, hors de propos ici. Ne pouvant dormir, j'eus une longue discussion avec mon voisin de dortoir sur l'ĂÂȘtre extraordinaire que nous devions avoir parmi nous le lendemain. Ce voisin, naguĂšre officier, maintenant Ă©crivain Ă hautes vues philosophiques, Barchou de PenhoĂn, n'a dĂ©menti ni sa prĂ©destination, ni le hasard qui rĂ©unissait dans la mĂÂȘme classe, sur le mĂÂȘme banc et sous le mĂÂȘme toit, les deux seuls Ă©coliers de VendĂÂŽme de qui VendĂÂŽme entende parler aujourd'hui. Le rĂ©cent traducteur de Fichte, l'interprĂšte et l'ami de Ballanche, Ă©tait occupĂ© dĂ©jĂ , comme je l'Ă©tais moi-mĂÂȘme, de questions mĂ©taphysiques ; il dĂ©raisonnait souvent avec moi sur Dieu, sur nous et sur la nature. Il avait alors des prĂ©tentions au pyrrhonisme. Jaloux de soutenir son rĂÂŽle, il nia les facultĂ©s de Lambert ; tandis qu'ayant nouvellement lu les Enfants cĂ©lĂšbres, je l'accablais de preuves en lui citant le petit Montcalm, Pic de La Mirandole, Pascal, enfin tous les cerveaux prĂ©coces ; anomalies cĂ©lĂšbres dans l'histoire de l'esprit humain, et les prĂ©dĂ©cesseurs de Lambert. J'Ă©tais alors moi-mĂÂȘme passionnĂ© pour la lecture. GrĂÂące Ă l'envie que mon pĂšre avait de me voir Ă l'Ecole Polytechnique, il payait pour moi des leçons particuliĂšres de mathĂ©matiques. Mon rĂ©pĂ©titeur, bibliothĂ©caire du collĂšge, me laissait prendre des livres sans trop regarder ceux que j'emportais de la bibliothĂšque, lieu tranquille oĂÂč, pendant les rĂ©crĂ©ations, il me faisait venir pour me donner ses leçons. Je crois qu'il Ă©tait ou peu habile ou fort occupĂ© de quelque grave entreprise, car il me permettait trĂšs volontiers de lire pendant le temps des rĂ©pĂ©titions, et travaillait je ne sais Ă quoi. Donc, en vertu d'un pacte tacitement convenu entre nous deux, je ne me plaignais point de ne rien apprendre, et lui se taisait sur mes emprunts de livres. EntraĂnĂ© par cette intempestive passion, je nĂ©gligeais mes Ă©tudes pour composer des poĂšmes qui devaient certes inspirer peu d'espĂ©rances, si j'en juge par ce trop long vers, devenu cĂ©lĂšbre parmi mes camarades, et qui commençait une Ă©popĂ©e sur les Incas O Inca ! ĂÂŽ roi infortunĂ© et malheureux ! Je fus surnommĂ© le PoĂšte en dĂ©rision de mes essais ; mais les moqueries ne me corrigĂšrent pas. Je rimaillai toujours, malgrĂ© le sage conseil de monsieur Mareschal, notre directeur, qui tĂÂącha de me guĂ©rir d'une manie malheureusement invĂ©tĂ©rĂ©e, en me racontant dans un apologue les malheurs d'une fauvette tombĂ©e de son nid pour avoir voulu voler avant que ses ailes ne fussent poussĂ©es. Je continuai mes lectures, je devins l'Ă©colier le moins agissant, le plus paresseux, le plus contemplatif de la Division des Petits, et partant le plus souvent puni. Cette digression autobiographique doit faire comprendre la nature des rĂ©flexions par lesquelles je fus assailli Ă l'arrivĂ©e de Lambert. J'avais alors douze ans. J'Ă©prouvai tout d'abord une vague sympathie pour un enfant avec qui j'avais quelques similitudes de tempĂ©rament. J'allais donc rencontrer un compagnon de rĂÂȘverie et de mĂ©ditation. Sans savoir encore ce qu'Ă©tait la gloire, je trouvais glorieux d'ĂÂȘtre le camarade d'un enfant dont l'immortalitĂ© Ă©tait prĂ©conisĂ©e par madame de StaĂl. Louis Lambert me semblait un gĂ©ant. Le lendemain si attendu vint enfin. Un moment avant le dĂ©jeuner, nous entendĂmes dans la cour silencieuse le double pas de monsieur Mareschal et du Nouveau. Toutes les tĂÂȘtes se tournĂšrent aussitĂÂŽt vers la porte de la classe. Le pĂšre Haugoult, qui partageait les tortures de notre curiositĂ©, ne nous fit pas entendre le sifflement par lequel il imposait silence Ă nos murmures et nous rappelait au travail. Nous vĂmes alors ce fameux Nouveau, que monsieur Mareschal tenait par la main. Le RĂ©gent descendit de sa chaire, et le Directeur lui dit solennellement, suivant l'Ă©tiquette - Monsieur, je vous amĂšne monsieur Louis Lambert, vous le mettrez avec les QuatriĂšmes, il entrera demain en classe. Puis, aprĂšs avoir causĂ© Ă voix basse avec le RĂ©gent, il dit tout haut - OĂÂč allez-vous le placer ? Il eĂ»t Ă©tĂ© injuste de dĂ©ranger l'un de nous pour le Nouveau ; et comme il n'y avait plus qu'un seul pupitre de libre, Louis Lambert vint l'occuper, prĂšs de moi qui Ă©tais entrĂ© le dernier dans la classe. MalgrĂ© le temps que nous avions encore Ă rester en Ă©tude, nous nous levĂÂąmes tous pour examiner Lambert. Monsieur Mareschal entendit nos colloques, nous vit en insurrection, et dit avec cette bontĂ© qui nous le rendait particuliĂšrement cher - Au moins, soyez sages, ne dĂ©rangez pas les autres classes. Ces paroles nous mirent en rĂ©crĂ©ation quelque temps avant l'heure du dĂ©jeuner, et nous vĂnmes tous environner Lambert pendant que monsieur Mareschal se promenait dans la cour avec le pĂšre Haugoult. Nous Ă©tions environ quatre-vingts diables, hardis comme des oiseaux de proie. Quoique nous eussions tous passĂ© par ce cruel noviciat, nous ne faisions jamais grĂÂące Ă un Nouveau des rires moqueurs, des interrogations, des impertinences qui se succĂ©daient en semblable occurrence, Ă la grande honte du nĂ©ophyte de qui l'on essayait ainsi les moeurs, la force et le caractĂšre. Lambert, ou calme ou abasourdi, ne rĂ©pondit Ă aucune de nos questions. L'un de nous dit alors qu'il sortait sans doute de l'Ă©cole de Pythagore. Un rire gĂ©nĂ©ral Ă©clata. Le Nouveau fut surnommĂ© Pythagore pour toute sa vie de collĂšge. Cependant le regard perçant de Lambert, le dĂ©dain peint sur sa figure pour nos enfantillages en dĂ©saccord avec la nature de son esprit, l'attitude aisĂ©e dans laquelle il restait, sa force apparente en harmonie avec son ĂÂąge, imprimĂšrent un certain respect aux plus mauvais sujets d'entre nous. Quant Ă moi, j'Ă©tais prĂšs de lui, occupĂ© Ă l'examiner silencieusement. Louis Ă©tait un enfant maigre et fluet, haut de quatre pieds et demi ; sa figure halĂ©e, ses mains brunies par le soleil paraissaient accuser une vigueur musculaire que nĂ©anmoins il n'avait pas Ă l'Ă©tat normal. Aussi, deux mois aprĂšs son entrĂ©e au collĂšge, quand le sĂ©jour de la classe lui eut fait perdre sa coloration presque vĂ©gĂ©tale, le vĂmes-nous devenir pĂÂąle et blanc comme une femme. Sa tĂÂȘte Ă©tait d'une grosseur remarquable. Ses cheveux, d'un beau noir et bouclĂ©s par masses, prĂÂȘtaient une grĂÂące indicible Ă son front, dont les dimensions avaient quelque chose d'extraordinaire, mĂÂȘme pour nous, insouciants, comme on peut le croire, des pronostics de la phrĂ©nologie, science alors au berceau. La beautĂ© de son front prophĂ©tique provenait surtout de la coupe extrĂÂȘmement pure des deux arcades sous lesquelles brillait son oeil noir, qui semblaient taillĂ©es dans l'albĂÂątre, et dont les lignes, par un attrait assez rare, se trouvaient d'un parallĂ©lisme parfait en se rejoignant Ă la naissance du nez. Mais il Ă©tait difficile de songer Ă sa figure, d'ailleurs fort irrĂ©guliĂšre, en voyant ses yeux, dont le regard possĂ©dait une magnifique variĂ©tĂ© d'expression et qui paraissaient doublĂ©s d'une ĂÂąme. TantĂÂŽt clair et pĂ©nĂ©trant Ă Ă©tonner, tantĂÂŽt d'une douceur cĂ©leste, ce regard devenait terne, sans couleur pour ainsi dire, dans les moments oĂÂč il se livrait Ă ses contemplations. Son oeil ressemblait alors Ă une vitre d'oĂÂč le soleil se serait retirĂ© soudain aprĂšs l'avoir illuminĂ©e. Il en Ă©tait de sa force et de son organe comme de son regard mĂÂȘme mobilitĂ©, mĂÂȘmes caprices. Sa voix se faisait douce comme une voix de femme qui laisse tomber un aveu ; puis elle Ă©tait, parfois, pĂ©nible, incorrecte, raboteuse, s'il est permis d'employer ces mots pour peindre des effets nouveaux. Quant Ă sa force, habituellement il Ă©tait incapable de supporter la fatigue des moindres jeux, et semblait ĂÂȘtre dĂ©bile, presque infirme. Mais, pendant les premiers jours de son noviciat, un de nos matadors s'Ă©tant moquĂ© de cette maladive dĂ©licatesse qui le rendait impropre aux violents exercices en vogue dans le collĂšge, Lambert prit de ses deux mains et par le bout une de nos tables qui contenait douze grands pupitres encastrĂ©s sur deux rangs et en dos d'ĂÂąne, il s'appuya contre la chaire du RĂ©gent ; puis il retint la table par ses pieds en les plaçant sur la traverse d'en bas, et dit - Mettez-vous dix et essayez de la faire bouger ! J'Ă©tais lĂ , je puis attester ce singulier tĂ©moignage de force il fut impossible de lui arracher la table. Lambert possĂ©dait le don d'appeler Ă lui, dans certains moments, des pouvoirs extraordinaires, et de rassembler ses forces sur un point donnĂ© pour les projeter. Mais les enfants habituĂ©s, aussi bien que les hommes, Ă juger de tout d'aprĂšs leurs premiĂšres impressions, n'Ă©tudiĂšrent Louis que pendant les premiers jours de son arrivĂ©e ; il dĂ©mentit alors entiĂšrement les prĂ©dictions de madame de StaĂl, en ne rĂ©alisant aucun des prodiges que nous attendions de lui. AprĂšs un trimestre d'Ă©preuves, Louis passa pour un Ă©colier trĂšs ordinaire. Je fus donc seul admis Ă pĂ©nĂ©trer dans cette ĂÂąme sublime, et pourquoi ne dirais-je pas divine ? qu'y a-t-il de plus prĂšs de Dieu que le gĂ©nie dans un coeur d'enfant ? La conformitĂ© de nos goĂ»ts et de nos pensĂ©es nous rendit amis et Faisants. Notre fraternitĂ© devint si grande que nos camarades accolĂšrent nos deux noms ; l'un ne se prononçait pas sans l'autre ; et, pour appeler l'un de nous, ils criaient Le PoĂšte-et-Pythagore ! D'autres noms offraient l'exemple d'un semblable mariage. Ainsi je demeurai pendant deux annĂ©es l'ami de collĂšge du pauvre Louis Lambert ; et ma vie se trouva, pendant cette Ă©poque, assez intimement unie Ă la sienne pour qu'il me soit possible aujourd'hui d'Ă©crire son histoire intellectuelle. J'ai longtemps ignorĂ© la poĂ©sie et les richesses cachĂ©es dans le coeur et sous le front de mon camarade il a fallu que j'arrivasse Ă trente ans, que mes observations se soient mĂ»ries et condensĂ©es, que le jet d'une vive lumiĂšre les ait mĂÂȘme Ă©clairĂ©es de nouveau pour que je comprisse la portĂ©e des phĂ©nomĂšnes desquels je fus alors l'inhabile tĂ©moin ; j'en ai joui sans m'en expliquer ni la grandeur ni le mĂ©canisme, j'en ai mĂÂȘme oubliĂ© quelques-uns et ne me souviens que des plus saillants ; mais aujourd'hui ma mĂ©moire les a coordonnĂ©s, et je me suis initiĂ© aux secrets de cette tĂÂȘte fĂ©conde en me reportant aux jours dĂ©licieux de notre jeune amitiĂ©. Le temps seul me fit donc pĂ©nĂ©trer le sens des Ă©vĂ©nements et des faits qui abondent en cette vie inconnue, comme en celle de tant d'autres hommes perdus pour la science. Aussi cette histoire est-elle, dans l'expression et l'apprĂ©ciation des choses, pleine d'anachronismes purement moraux qui ne nuiront peut-ĂÂȘtre point Ă son genre d'intĂ©rĂÂȘt. Pendant les premiers mois de son sĂ©jour Ă VendĂÂŽme, Louis devint la proie d'une maladie dont les symptĂÂŽmes furent imperceptibles Ă l'oeil de nos surveillants, et qui gĂÂȘna nĂ©cessairement l'exercice de ses hautes facultĂ©s. AccoutumĂ© au grand air, Ă l'indĂ©pendance d'une Ă©ducation laissĂ©e au hasard, caressĂ© par les tendres soins d'un vieillard qui le chĂ©rissait, habituĂ© Ă penser sous le soleil, il lui fut bien difficile de se plier Ă la rĂšgle du collĂšge, de marcher dans le rang, de vivre entre les quatre murs d'une salle oĂÂč quatre-vingts jeunes gens Ă©taient silencieux, assis sur un banc de bois, chacun devant son pupitre. Ses sens possĂ©daient une perfection qui leur donnait une exquise dĂ©licatesse, et tout souffrit chez lui de cette vie en commun. Les exhalaisons par lesquelles l'air Ă©tait corrompu, mĂÂȘlĂ©es Ă la senteur d'une classe toujours sale et encombrĂ©e des dĂ©bris de nos dĂ©jeuners ou de nos goĂ»ters, affectĂšrent son odorat ; ce sens qui, plus directement en rapport que les autres avec le systĂšme cĂ©rĂ©bral, doit causer par ses altĂ©rations d'invisibles Ă©branlements aux organes de la pensĂ©e. Outre ces causes de corruption atmosphĂ©rique, il se trouvait dans nos salles d'Ă©tude des baraques oĂÂč chacun mettait son butin, les pigeons tuĂ©s pour les jours de fĂÂȘte, ou les mets dĂ©robĂ©s au rĂ©fectoire. Enfin, nos salles contenaient encore une pierre immense oĂÂč restaient en tout temps deux seaux pleins d'eau, espĂšce d'abreuvoir oĂÂč nous allions chaque matin nous dĂ©barbouiller le visage et nous laver les mains Ă tour de rĂÂŽle en prĂ©sence du maĂtre. De lĂ , nous passions Ă une table oĂÂč des femmes nous peignaient et nous poudraient. NettoyĂ© une seule fois par jour, avant notre rĂ©veil, notre local demeurait toujours malpropre. Puis, malgrĂ© le nombre des fenĂÂȘtres et la hauteur de la porte, l'air y Ă©tait incessamment viciĂ© par les Ă©manations du lavoir, par la peignerie, par la baraque, par les mille industries de chaque Ă©colier, sans compter nos quatre-vingts corps entassĂ©s. Cette espĂšce d' humus collĂ©gial, mĂÂȘlĂ© sans cesse Ă la boue que nous rapportions des cours, formait un fumier d'une insupportable puanteur. La privation de l'air pur et parfumĂ© des campagnes dans lequel il avait jusqu'alors vĂ©cu, le changement de ses habitudes, la discipline, tout contrista Lambert. La tĂÂȘte toujours appuyĂ©e sur sa main gauche et le bras accoudĂ© sur son pupitre, il passait les heures d'Ă©tude Ă regarder dans la cour le feuillage des arbres ou les nuages du ciel ; il semblait Ă©tudier ses leçons ; mais voyant sa plume immobile ou sa page restĂ©e blanche, le RĂ©gent lui criait Vous ne faites rien, Lambert ! Ce Vous ne faites rien, Ă©tait un coup d'Ă©pingle qui blessait Louis au coeur. Puis il ne connut pas le loisir des rĂ©crĂ©ations, il eut des pensum Ă Ă©crire. Le pensum, punition dont le genre varie selon les coutumes de chaque collĂšge, consistait Ă VendĂÂŽme en un certain nombre de lignes copiĂ©es pendant les heures de rĂ©crĂ©ation. Nous fĂ»mes, Lambert et moi, si accablĂ©s de pensum, que nous n'avons pas eu six jours de libertĂ© durant nos deux annĂ©es d'amitiĂ©. Sans les livres que nous tirions de la bibliothĂšque, et qui entretenaient la vie dans notre cerveau, ce systĂšme d'existence nous eĂ»t menĂ©s Ă un abrutissement complet. Le dĂ©faut d'exercice est fatal aux enfants. L'habitude de la reprĂ©sentation, prise dĂšs le jeune ĂÂąge, altĂšre, dit-on, sensiblement la constitution des personnes royales quand elles ne corrigent pas les vices de leur destinĂ©e par les moeurs du champ de bataille ou par les travaux de la chasse. Si les lois de l'Ă©tiquette et des cours influent sur la moelle Ă©piniĂšre au point de fĂ©miniser le bassin des rois, d'amollir leurs fibres cĂ©rĂ©brales et d'abĂÂątardir ainsi la race, quelles lĂ©sions profondes, soit au physique, soit au moral, une privation continuelle d'air, de mouvement, de gaietĂ©, ne doit-elle pas produire chez les Ă©coliers ? Aussi le rĂ©gime pĂ©nitentiaire observĂ© dans les collĂšges exigera-t-il l'attention des autoritĂ©s de l'enseignement public lorsqu'il s'y rencontrera des penseurs qui ne penseront pas exclusivement Ă eux. Nous nous attirions le pensum de mille maniĂšres. Notre mĂ©moire Ă©tait si belle que nous n'apprenions jamais nos leçons. Il nous suffisait d'entendre rĂ©citer Ă nos camarades les morceaux de français, de latin ou de grammaire, pour les rĂ©pĂ©ter Ă notre tour ; mais si par malheur le maĂtre s'avisait d'intervertir les rangs et de nous interroger les premiers, souvent nous ignorions en quoi consistait la leçon le pensum arrivait alors malgrĂ© nos plus habiles excuses. Enfin, nous attendions toujours au dernier moment pour faire nos devoirs. Avions-nous un livre Ă finir, Ă©tions-nous plongĂ©s dans une rĂÂȘverie, le devoir Ă©tait oubliĂ© nouvelle source de pensum ! Combien de fois nos versions ne furent-elles pas Ă©crites pendant le temps que le premier, chargĂ© de les recueillir en entrant en classe, mettait Ă demander Ă chacun la sienne ! Aux difficultĂ©s morales que Lambert Ă©prouvait Ă s'acclimater dans le collĂšge se joignit encore un apprentissage non moins rude et par lequel nous avions passĂ© tous, celui des douleurs corporelles qui pour nous variaient Ă l'infini. Chez les enfants, la dĂ©licatesse de l'Ă©piderme exige des soins minutieux, surtout en hiver, oĂÂč, constamment emportĂ©s par mille causes, ils quittent la glaciale atmosphĂšre d'une cour boueuse pour la chaude tempĂ©rature des classes. Aussi, faute des attentions maternelles qui manquaient aux Petits et aux Minimes, Ă©taient-ils dĂ©vorĂ©s d'engelures et de crevasses si douloureuses, que ces maux nĂ©cessitaient pendant le dĂ©jeuner un pansement particulier, mais trĂšs imparfait Ă cause du grand nombre de mains, de pieds, de talons endoloris. Beaucoup d'enfants Ă©taient d'ailleurs obligĂ©s de prĂ©fĂ©rer le mal au remĂšde ne leur fallait-il pas souvent choisir entre leurs devoirs Ă terminer, les plaisirs de la glissoire, et le lever d'un appareil insouciamment mis, plus insouciamment gardĂ© ? Puis les moeurs du collĂšge avaient amenĂ© la mode de se moquer des pauvres chĂ©tifs qui allaient au pansement, et c'Ă©tait Ă qui ferait sauter les guenilles que l'infirmiĂšre leur avait mises aux mains. Donc, en hiver, plusieurs d'entre nous, les doigts et les pieds demi-morts, tout rongĂ©s de douleurs, Ă©taient peu disposĂ©s Ă travailler parce qu'ils souffraient, et punis parce qu'ils ne travaillaient point. Trop souvent la dupe de nos maladies postiches, le PĂšre ne tenait aucun compte des maux rĂ©els. Moyennant le prix de la pension, les Ă©lĂšves Ă©taient entretenus aux frais du collĂšge. L'administration avait coutume de passer un marchĂ© pour la chaussure et l'habillement ; de lĂ cette inspection hebdomadaire de laquelle j'ai dĂ©jĂ parlĂ©. Excellent pour l'administrateur, ce mode a toujours de tristes rĂ©sultats pour l'administrĂ©. Malheur au Petit qui contractait la mauvaise habitude d'Ă©culer, de dĂ©chirer ses souliers, ou d'user prĂ©maturĂ©ment leurs semelles, soit par un vice de marche, soit en les dĂ©chiquetant pendant les heures d'Ă©tude pour obĂ©ir au besoin d'action qu'Ă©prouvent les enfants. Durant tout l'hiver celui-lĂ n'allait pas en promenade sans de vives souffrances d'abord la douleur de ses engelures se rĂ©veillait atroce autant qu'un accĂšs de goutte ; puis les agrafes et les ficelles destinĂ©es Ă retenir le soulier partaient, ou les talons Ă©culĂ©s empĂÂȘchaient la maudite chaussure d'adhĂ©rer aux pieds de l'enfant ; il Ă©tait alors forcĂ© de la traĂner pĂ©niblement en des chemins glacĂ©s oĂÂč parfois il lui fallait la disputer aux terres argileuses du VendĂÂŽmois ; enfin l'eau, la neige y entraient souvent par une dĂ©cousure inaperçue, par un bĂ©quet mal mis, et le pied de se gonfler. Sur soixante enfants, il ne s'en rencontrait pas dix qui cheminassent sans quelque torture particuliĂšre ; nĂ©anmoins tous suivaient le gros de la troupe, entraĂnĂ©s par la marche, comme les hommes sont poussĂ©s dans la vie par la vie. Combien de fois un gĂ©nĂ©reux enfant ne pleura-t-il pas de rage, tout en trouvant un reste d'Ă©nergie pour aller en avant ou pour revenir au bercail malgrĂ© ses peines ; tant Ă cet ĂÂąge l'ĂÂąme encore neuve redoute et le rire et la compassion, deux genres de moquerie. Au collĂšge, ainsi que dans la sociĂ©tĂ©, le fort mĂ©prise dĂ©jĂ le faible, sans savoir en quoi consiste la vĂ©ritable force. Ce n'Ă©tait rien encore. Point de gants aux mains. Si par hasard les parents, l'infirmiĂšre ou le directeur en faisaient donner aux plus dĂ©licats d'entre nous, les loustics ou les grands de la classe mettaient les gants sur le poĂÂȘle, s'amusaient Ă les dessĂ©cher, Ă les gripper ; puis, si les gants Ă©chappaient aux fureteurs, ils se mouillaient, se recroquevillaient faute de soin. Il n'y avait pas de gants possibles. Les gants paraissaient ĂÂȘtre un privilĂšge, et les enfants veulent se voir Ă©gaux. Ces diffĂ©rents genres de douleur assaillirent Louis Lambert. Semblable aux hommes mĂ©ditatifs qui, dans le calme de leurs rĂÂȘveries, contractent l'habitude de quelque mouvement machinal, il avait la manie de jouer avec ses souliers et les dĂ©truisait en peu de temps. Son teint de femme, la peau de ses oreilles, ses lĂšvres se gerçaient au moindre froid. Ses mains si molles, si blanches, devenaient rouges et turgides. Il s'enrhumait constamment. Louis fut donc enveloppĂ© de souffrances jusqu'Ă ce qu'il eĂ»t accoutumĂ© sa vie aux moeurs vendĂÂŽmoises. Instruit Ă la longue par la cruelle expĂ©rience des maux, force lui fut de songer Ă ses affaires, pour me servir d'une expression collĂ©giale. Il lui fallut prendre soin de sa baraque, de son pupitre, de ses habits, de ses souliers ; ne se laisser voler ni son encre, ni ses livres, ni ses cahiers, ni ses plumes ; enfin, penser Ă ces mille dĂ©tails de notre existence enfantine, dont s'occupaient avec tant de rectitude ces esprits Ă©goĂÂŻstes et mĂ©diocres auxquels appartiennent infailliblement les prix d'excellence ou de bonne conduite ; mais que nĂ©gligeait un enfant plein d'avenir, qui, sous le joug d'une imagination presque divine, s'abandonnait avec amour au torrent de ses pensĂ©es. Ce n'est pas tout. Il existe une lutte continuelle entre les maĂtres et les Ă©coliers, lutte sans trĂÂȘve, Ă laquelle rien n'est comparable dans la sociĂ©tĂ©, si ce n'est le combat de l'Opposition contre le MinistĂšre dans un gouvernement reprĂ©sentatif. Mais les journalistes et les orateurs de l'Opposition sont peut-ĂÂȘtre moins prompts Ă profiter d'un avantage, moins durs Ă reprocher un tort, moins ĂÂąpres dans leurs moqueries, que ne le sont les enfants envers les gens chargĂ©s de les rĂ©genter. A ce mĂ©tier, la patience Ă©chapperait Ă des anges. Il n'en faut donc pas trop vouloir Ă un pauvre prĂ©fet d'Ă©tudes, peu payĂ©, partant peu sagace, d'ĂÂȘtre parfois injuste ou de s'emporter. Sans cesse Ă©piĂ© par une multitude de regards moqueurs, environnĂ© de piĂ©ges, il se venge quelquefois des torts qu'il se donne, sur des enfants trop prompts Ă les apercevoir. ExceptĂ© les grandes malices pour lesquelles il existait d'autres chĂÂątiments, la fĂ©rule Ă©tait, Ă VendĂÂŽme, l' ultima ratio Patrum. Aux devoirs oubliĂ©s, aux leçons mal sues, aux incartades vulgaires, le pensum suffisait ; mais l'amour-propre offensĂ© parlait chez le maĂtre par sa fĂ©rule. Parmi les souffrances physiques auxquelles nous Ă©tions soumis, la plus vive Ă©tait certes celle que nous causait cette palette de cuir, Ă©paisse d'environ deux doigts, appliquĂ©e sur nos faibles mains de toute la force, de toute la colĂšre du RĂ©gent. Pour recevoir cette correction classique, le coupable se mettait Ă genoux au milieu de la salle. Il fallait se lever de son banc, aller s'agenouiller prĂšs de la chaire, et subir les regards curieux, souvent moqueurs de nos camarades. Aux ĂÂąmes tendres, ces prĂ©paratifs Ă©taient donc un double supplice, semblable au trajet du Palais Ă la GrĂšve que faisait jadis un condamnĂ© vers son Ă©chafaud. Selon les caractĂšres, les uns criaient en pleurant Ă chaudes larmes, avant ou aprĂšs la fĂ©rule ; les autres en acceptaient la douleur d'un air stoĂÂŻque ; mais, en l'attendant, les plus forts pouvaient Ă peine rĂ©primer la convulsion de leur visage. Louis Lambert fut accablĂ© de fĂ©rules, et les dut Ă l'exercice d'une facultĂ© de sa nature dont l'existence lui fut pendant longtemps inconnue. Lorsqu'il Ă©tait violemment tirĂ© d'une mĂ©ditation par le - Vous ne faites rien ! du RĂ©gent, il lui arriva souvent, Ă son insu d'abord, de lancer Ă cet homme un regard empreint de je ne sais quel mĂ©pris sauvage, chargĂ© de pensĂ©e comme une bouteille de Leyde est chargĂ©e d'Ă©lectricitĂ©. Cette oeillade causait sans doute une commotion au maĂtre, qui, blessĂ© par cette silencieuse Ă©pigramme, voulut dĂ©sapprendre Ă l'Ă©colier ce regard fulgurant. La premiĂšre fois que le PĂšre se formalisa de ce dĂ©daigneux rayonnement qui l'atteignit comme un Ă©clair, il dit cette phrase que je me suis rappelĂ©e - Si vous me regardez encore ainsi, Lambert, vous allez recevoir une fĂ©rule ! A ces mots, tous les nez furent en l'air, tous les yeux Ă©piĂšrent alternativement et le maĂtre et Louis. L'apostrophe Ă©tait si sotte que l'enfant accabla le PĂšre d'un coup d'oeil rutilant. De lĂ vint entre le RĂ©gent et Lambert une querelle qui se vida par une certaine quantitĂ© de fĂ©rules. Ainsi lui fut rĂ©vĂ©lĂ© le pouvoir oppresseur de son oeil. Ce pauvre poĂšte si nerveusement constituĂ©, souvent vaporeux autant qu'une femme, dominĂ© par une mĂ©lancolie chronique, tout malade de son gĂ©nie comme une jeune fille l'est de cet amour qu'elle appelle et qu'elle ignore ; cet enfant si fort et si faible, dĂ©plantĂ© par Corinne de ses belles campagnes pour entrer dans le moule d'un collĂšge auquel chaque intelligence, chaque corps doit, malgrĂ© sa portĂ©e, malgrĂ© son tempĂ©rament, s'adapter Ă la rĂšgle et Ă l'uniforme comme l'or s'arrondit en piĂšces sous le coup du balancier ; Louis Lambert souffrit donc par tous les points oĂÂč la douleur a prise sur l'ĂÂąme et sur la chair. AttachĂ© sur un banc Ă la glĂšbe de son pupitre, frappĂ© par la fĂ©rule, frappĂ© par la maladie, affectĂ© dans tous ses sens, pressĂ© par une ceinture de maux, tout le contraignit d'abandonner son enveloppe aux mille tyrannies du collĂšge. Semblable aux martyrs qui souriaient au milieu des supplices, il se rĂ©fugia dans les cieux que lui entrouvrait sa pensĂ©e. Peut-ĂÂȘtre cette vie tout intĂ©rieure aida-t-elle Ă lui faire entrevoir les mystĂšres auxquels il eut tant de foi ! Notre indĂ©pendance, nos occupations illicites, notre fainĂ©antise apparente, l'engourdissement dans lequel nous restions, nos punitions constantes, notre rĂ©pugnance pour nos devoirs et nos pensum, nous valurent la rĂ©putation incontestĂ©e d'ĂÂȘtre des enfants lĂÂąches et incorrigibles. Nos maĂtres nous mĂ©prisĂšrent, et nous tombĂÂąmes Ă©galement dans le plus affreux discrĂ©dit auprĂšs de nos camarades Ă qui nous cachions nos Ă©tudes de contrebande, par crainte de leurs moqueries. Cette double mĂ©sestime, injuste chez les PĂšres, Ă©tait un sentiment naturel chez nos condisciples. Nous ne savions ni jouer Ă la balle, ni courir, ni monter sur les Ă©chasses. Aux jours d'amnistie, ou quand par hasard nous obtenions un instant de libertĂ©, nous ne partagions aucun des plaisirs Ă la mode dans le collĂšge. Etrangers aux jouissances de nos camarades, nous restions seuls, mĂ©lancoliquement assis sous quelque arbre de la cour. Le PoĂšte-et-Pythagore furent donc une exception, une vie en dehors de la vie commune. L'instinct si pĂ©nĂ©trant, l'amour-propre si dĂ©licat des Ă©coliers leur fit pressentir en nous des esprits situĂ©s plus haut ou plus bas que ne l'Ă©taient les leurs. De lĂ , chez les uns, haine de notre muette aristocratie ; chez les autres, mĂ©pris de notre inutilitĂ©. Ces sentiments Ă©taient entre nous Ă notre insu, peut-ĂÂȘtre ne les ai-je devinĂ©s qu'aujourd'hui. Nous vivions donc exactement comme deux rats tapis dans le coin de la salle oĂÂč Ă©taient nos pupitres, Ă©galement retenus lĂ durant les heures d'Ă©tude et pendant celles des rĂ©crĂ©ations. Cette situation excentrique dut nous mettre et nous mit en Ă©tat de guerre avec les enfants de notre Division. Presque toujours oubliĂ©s, nous demeurions lĂ tranquilles, heureux Ă demi, semblables Ă deux vĂ©gĂ©tations, Ă deux ornements qui eussent manquĂ© Ă l'harmonie de la salle. Mais parfois les plus taquins de nos camarades nous insultaient pour manifester abusivement leur force, et nous rĂ©pondions par un mĂ©pris qui souvent fit rouer de coups le PoĂšte-et-Pythagore. La nostalgie de Lambert dura plusieurs mois. Je ne sais rien qui puisse peindre la mĂ©lancolie Ă laquelle il fut en proie. Louis m'a gĂÂątĂ© bien des chefs-d'oeuvre. Ayant jouĂ© tous les deux le rĂÂŽle du LEPREUX DE LA VALLEE D'AOSTE, nous avions Ă©prouvĂ© les sentiments exprimĂ©s dans le livre de monsieur de Maistre, avant de les lire traduits par cette Ă©loquente plume. Or, un ouvrage peut retracer les souvenirs de l'enfance, mais il ne luttera jamais contre eux avec avantage. Les soupirs de Lambert m'ont appris des hymnes de tristesse bien plus pĂ©nĂ©trants que ne le sont les plus belles pages de WERTHER. Mais aussi, peut-ĂÂȘtre n'est-il pas de comparaison entre les souffrances que cause une passion rĂ©prouvĂ©e Ă tort ou Ă raison par nos lois, et les douleurs d'un pauvre enfant aspirant aprĂšs la splendeur du soleil, la rosĂ©e des vallons et la libertĂ©. Werther est l'esclave d'un dĂ©sir, Louis Lambert Ă©tait toute une ĂÂąme esclave. A talent Ă©gal, le sentiment le plus touchant ou fondĂ© sur les dĂ©sirs les plus vrais, parce qu'ils sont les plus purs, doit surpasser les lamentations du gĂ©nie. AprĂšs ĂÂȘtre restĂ© longtemps Ă contempler le feuillage d'un des tilleuls de la cour, Louis ne me disait qu'un mot, mais ce mot annonçait une immense rĂÂȘverie. - Heureusement pour moi, s'Ă©cria-t-il un jour, il se rencontre de bons moments pendant lesquels il me semble que les murs de la classe sont tombĂ©s, et que je suis ailleurs, dans les champs ! Quel plaisir de se laisser aller au cours de sa pensĂ©e, comme un oiseau Ă la portĂ©e de son vol ! - Pourquoi la couleur verte est-elle si prodiguĂ©e dans la nature ? me demandait-il. Pourquoi y existe-t-il si peu de lignes droites ? Pourquoi l'homme dans ses oeuvres emploie-t-il si rarement les courbes ? Pourquoi lui seul a-t-il le sentiment de la ligne droite ? Ces paroles trahissaient une longue course faite Ă travers les espaces. Certes, il avait revu des paysages entiers, ou respirĂ© le parfum des forĂÂȘts. Il Ă©tait, vivante et sublime Ă©lĂ©gie, toujours silencieux, rĂ©signĂ© ; toujours souffrant sans pouvoir dire je souffre ! Cet aigle, qui voulait le monde pour pĂÂąture, se trouvait entre quatre murailles Ă©troites et sales ; aussi, sa vie devint-elle, dans la plus large acception de ce terme, une vie idĂ©ale. Plein de mĂ©pris pour les Ă©tudes presque inutiles auxquelles nous Ă©tions condamnĂ©s, Louis marchait dans sa route aĂ©rienne, complĂ©tement dĂ©tachĂ© des choses qui nous entouraient. ObĂ©issant au besoin d'imitation qui domine les enfants, je tĂÂąchai de conformer mon existence Ă la sienne. Louis m'inspira d'autant mieux sa passion pour l'espĂšce de sommeil dans lequel les contemplations profondes plongent le corps, que j'Ă©tais plus jeune et plus impressible. Nous nous habituĂÂąmes, comme deux amants, Ă penser ensemble, Ă nous communiquer nos rĂÂȘveries. DĂ©jĂ ses sensations intuitives avaient cette acuitĂ© qui doit appartenir aux perceptions intellectuelles des grands poĂštes, et les faire souvent approcher de la folie. - Sens-tu, comme moi, me demanda-t-il un jour, s'accomplir en toi, malgrĂ© toi, de fantasques souffrances ? Si, par exemple, je pense vivement Ă l'effet que produirait la lame de mon canif en entrant dans ma chair, j'y ressens tout Ă coup une douleur aiguĂ comme si je m'Ă©tais rĂ©ellement coupĂ© il n'y a de moins que le sang. Mais cette sensation arrive et me surprend comme un bruit soudain qui troublerait un profond silence. Une idĂ©e causer des souffrances physiques ?... Hein ! qu'en dis-tu ? Quand il exprimait des rĂ©flexions si tĂ©nues, nous tombions tous deux dans une rĂÂȘverie naĂÂŻve. Nous nous mettions Ă rechercher en nous-mĂÂȘmes les indescriptibles phĂ©nomĂšnes relatifs Ă la gĂ©nĂ©ration de la pensĂ©e, que Lambert espĂ©rait saisir dans ses moindres dĂ©veloppements, afin de pouvoir en dĂ©crire un jour l'appareil inconnu. Puis, aprĂšs des discussions, souvent mĂÂȘlĂ©es d'enfantillages, un regard jaillissait des yeux flamboyants de Lambert, il me serrait la main, et il sortait de son ĂÂąme un mot par lequel il tĂÂąchait de se rĂ©sumer. - Penser, c'est voir ! me dit-il un jour emportĂ© par une de nos objections sur le principe de notre organisation. Toute science humaine repose sur la dĂ©duction, qui est une vision lente par laquelle on descend de la cause Ă l'effet, par laquelle on remonte de l'effet Ă la cause ; ou, dans une plus large expression, toute poĂ©sie comme toute oeuvre d'art procĂšde d'une rapide vision des choses. Il Ă©tait spiritualiste ; mais, j'osais le contredire en m'armant de ses observations mĂÂȘmes pour considĂ©rer l'intelligence comme un produit tout physique. Nous avions raison tous deux. Peut-ĂÂȘtre les mots matĂ©rialisme et spiritualisme expriment-ils les deux cĂÂŽtĂ©s d'un seul et mĂÂȘme fait. Ses Ă©tudes sur la substance de la pensĂ©e lui faisaient accepter avec une sorte d'orgueil la vie de privations Ă laquelle nous condamnaient et notre paresse et notre dĂ©dain pour nos devoirs. Il avait une certaine conscience de sa valeur, qui le soutenait dans ses Ă©lucubrations. Avec quelle douceur je sentais son ĂÂąme rĂ©agissant sur la mienne ! Combien de fois ne sommes-nous pas demeurĂ©s assis sur notre banc, occupĂ©s tous deux Ă lire un livre, nous oubliant rĂ©ciproquement sans nous quitter ; mais nous sachant tous deux lĂ , plongĂ©s dans un ocĂ©an d'idĂ©es comme deux poissons qui nagent dans les mĂÂȘmes eaux ! Notre vie Ă©tait donc toute vĂ©gĂ©tative en apparence, mais nous existions par le coeur et par le cerveau. Les sentiments, les pensĂ©es Ă©taient les seuls Ă©vĂ©nements de notre vie scolaire. Lambert exerça sur mon imagination une influence de laquelle je me ressens encore aujourd'hui. J'Ă©coutais avidement ses rĂ©cits empreints de ce merveilleux qui fait dĂ©vorer avec tant de dĂ©lices, aux enfants comme aux hommes, les contes oĂÂč le vrai affecte les formes les plus absurdes. Sa passion pour les mystĂšres et la crĂ©dulitĂ© naturelle au jeune ĂÂąge nous entraĂnaient souvent Ă parler du Ciel et de l'Enfer. Louis tĂÂąchait alors, en m'expliquant Swedenborg, de me faire partager ses croyances relatives aux anges. Dans ses raisonnements les plus faux se rencontraient encore des observations Ă©tonnantes sur la puissance de l'homme, et qui imprimaient Ă sa parole ces teintes de vĂ©ritĂ© sans lesquelles rien n'est possible dans aucun art. La fin romanesque de laquelle il dotait la destinĂ©e humaine Ă©tait de nature Ă caresser le penchant qui porte les imaginations vierges Ă s'abandonner aux croyances. N'est-ce pas durant leur jeunesse que les peuples enfantent leurs dogmes, leurs idoles ? Et les ĂÂȘtres surnaturels devant lesquels ils tremblent ne sont-ils pas la personnification de leurs sentiments, de leurs besoins agrandis ? Ce qui me reste aujourd'hui dans la mĂ©moire des conversations pleines de poĂ©sie que nous eĂ»mes, Lambert et moi, sur le ProphĂšte suĂ©dois, de qui j'ai lu depuis les oeuvres par curiositĂ©, peut se rĂ©duire Ă ce prĂ©cis. Il y aurait en nous deux crĂ©atures distinctes. Selon Swedenborg, l'ange serait l'individu chez lequel l'ĂÂȘtre intĂ©rieur rĂ©ussit Ă triompher de l'ĂÂȘtre extĂ©rieur. Un homme veut-il obĂ©ir Ă sa vocation d'ange, dĂšs que la pensĂ©e lui dĂ©montre sa double existence, il doit tendre Ă nourrir la frĂÂȘle et exquise nature de l'ange qui est en lui. Si, faute d'avoir une vue translucide de sa destinĂ©e, il fait prĂ©dominer l'action corporelle au lieu de corroborer sa vie intellectuelle, toutes ses forces passent dans le jeu de ses sens extĂ©rieurs, et l'ange pĂ©rit lentement par cette matĂ©rialisation des deux natures. Dans le cas contraire, s'il substante son intĂ©rieur des essences qui lui sont propres, l'ĂÂąme l'emporte sur la matiĂšre et tĂÂąche de s'en sĂ©parer. Quand leur sĂ©paration arrive sous cette forme que nous appelons la Mort, l'ange, assez puissant pour se dĂ©gager de son enveloppe, demeure et commence sa vraie vie. Les individualitĂ©s infinies qui diffĂ©rencient les hommes ne peuvent s'expliquer que par cette double existence elles la font comprendre et la dĂ©montrent. En effet, la distance qui se trouve entre un homme dont l'intelligence inerte le condamne Ă une apparente stupiditĂ©, et celui que l'exercice de sa vue intĂ©rieure a douĂ© d'une force quelconque, doit nous faire supposer qu'il peut exister entre les gens de gĂ©nie et d'autres ĂÂȘtres la mĂÂȘme distance qui sĂ©pare les Aveugles des Voyants. Cette pensĂ©e, qui Ă©tend indĂ©finiment la crĂ©ation, donne en quelque sorte la clef des cieux. En apparence confondues ici-bas, les crĂ©atures y sont, suivant la perfection de leur ĂÂȘtre intĂ©rieur, partagĂ©es en sphĂšres distinctes dont les moeurs et le langage sont Ă©trangers les uns aux autres. Dans le monde invisible comme dans le monde rĂ©el, si quelque habitant des rĂ©gions infĂ©rieures arrive, sans en ĂÂȘtre digne, Ă un cercle supĂ©rieur, non seulement il n'en comprend ni les habitudes ni les discours, mais encore sa prĂ©sence y paralyse et les voix et les coeurs. Dans sa Divine ComĂ©die, Dante a peut-ĂÂȘtre eu quelque lĂ©gĂšre intuition de ces sphĂšres qui commencent dans le monde des douleurs et s'Ă©lĂšvent par un mouvement armillaire jusque dans les cieux. La doctrine de Swedenborg serait donc l'ouvrage d'un esprit lucide qui aurait enregistrĂ© les innombrables phĂ©nomĂšnes par lesquels les anges se rĂ©vĂšlent au milieu des hommes. Cette doctrine, que je m'efforce aujourd'hui de rĂ©sumer en lui donnant un sens logique, m'Ă©tait prĂ©sentĂ©e par Lambert avec toutes les sĂ©ductions du mystĂšre, enveloppĂ©e dans les langes de la phrasĂ©ologie particuliĂšre aux mystographes diction obscure, pleine d'abstractions, et si active sur le cerveau, qu'il est certains livres de Jacob Boehm, de Swedenborg ou de madame Guyon dont la lecture pĂ©nĂ©trante fait surgir des fantaisies aussi multiformes que peuvent l'ĂÂȘtre les rĂÂȘves produits par l'opium. Lambert me racontait des faits mystiques tellement Ă©tranges, il en frappait si vivement mon imagination, qu'il me causait des vertiges. J'aimais nĂ©anmoins Ă me plonger dans ce monde mystĂ©rieux, invisible aux sens oĂÂč chacun se plaĂt Ă vivre, soit qu'il se le reprĂ©sente sous la forme indĂ©finie de l'Avenir, soit qu'il le revĂÂȘte des formes indĂ©cises de la Fable. Ces rĂ©actions violentes de l'ĂÂąme sur elle-mĂÂȘme m'instruisaient Ă mon insu de sa force, et m'accoutumaient aux travaux de la pensĂ©e. Quant Ă Lambert, il expliquait tout par son systĂšme sur les anges. Pour lui, l'amour pur, l'amour comme on le rĂÂȘve au jeune ĂÂąge, Ă©tait la collision de deux natures angĂ©liques. Aussi rien n'Ă©galait-il l'ardeur avec laquelle il dĂ©sirait rencontrer un ange-femme. HĂ© ! qui plus que lui devait inspirer, ressentir l'amour ? Si quelque chose pouvait donner l'idĂ©e d'une exquise sensibilitĂ©, n'Ă©tait-ce pas le naturel aimable et bon empreint dans ses sentiments, dans ses paroles, dans ses actions et ses moindres gestes, enfin dans la conjugalitĂ© qui nous liait l'un Ă l'autre, et que nous exprimions en nous disant Faisants ? Il n'existait aucune distinction entre les choses qui venaient de lui et celles qui venaient de moi. Nous contrefaisions mutuellement nos deux Ă©critures, afin que l'un pĂ»t faire, Ă lui seul, les devoirs de tous les deux. Quand l'un de nous avait Ă finir un livre que nous Ă©tions obligĂ©s de rendre au maĂtre de mathĂ©matiques, il pouvait le lire sans interruption, l'un brochant la tĂÂąche et le pensum de l'autre. Nous nous acquittions de nos devoirs comme d'un impĂÂŽt frappĂ© sur notre tranquillitĂ©. Si ma mĂ©moire n'est pas infidĂšle, souvent ils Ă©taient d'une supĂ©rioritĂ© remarquable lorsque Lambert les composait. Mais, pris l'un et l'autre pour deux idiots, le professeur analysait toujours nos devoirs sous l'empire d'un prĂ©jugĂ© fatal, et les rĂ©servait mĂÂȘme pour en amuser nos camarades. Je me souviens qu'un soir, en terminant la classe qui avait lieu de deux Ă quatre heures, le maĂtre s'empara d'une version de Lambert. Le texte commençait par CaĂÂŻus Gracchus, vir nobilis. Louis avait traduit ces mots par CaĂÂŻus Gracchus Ă©tait un noble coeur. - OĂÂč voyez-vous du coeur dans nobilis ? dit brusquement le professeur. Et tout le monde de rire pendant que Lambert regardait le professeur d'un air hĂ©bĂ©tĂ©. - Que dirait madame la baronne de StaĂl en apprenant que vous traduisez par un contre-sens le mot qui signifie de race noble, d'origine patricienne ? - Elle dirait que vous ĂÂȘtes une bĂÂȘte ! m'Ă©criai-je Ă voix basse. - Monsieur le poĂšte, vous allez vous rendre en prison pour huit jours, rĂ©pliqua le professeur qui malheureusement m'entendit. Lambert reprit doucement en me jetant un regard d'une inexprimable tendresse Vir nobilis ! Madame de StaĂl causait, en partie, le malheur de Lambert. A tout propos maĂtres et disciples lui jetaient ce nom Ă la tĂÂȘte, soit comme une ironie, soit comme un reproche. Louis ne tarda pas Ă se faire mettre en prison pour me tenir compagnie. LĂ , plus libres que partout ailleurs, nous pouvions parler pendant des journĂ©es entiĂšres, dans le silence des dortoirs oĂÂč chaque Ă©lĂšve possĂ©dait une niche de six pieds carrĂ©s, dont les cloisons Ă©taient garnies de barreaux par le haut, dont la porte Ă claire-voie se fermait tous les soirs, et s'ouvrait tous les matins sous les yeux du PĂšre chargĂ© d'assister Ă notre lever et Ă notre coucher. Le cric-crac de ces portes, manoeuvrĂ©es avec une singuliĂšre promptitude par les garçons de dortoir, Ă©tait encore une des particularitĂ©s de ce collĂšge. Ces alcĂÂŽves ainsi bĂÂąties nous servaient de prison, et nous y restions quelquefois enfermĂ©s pendant des mois entiers. Les Ă©coliers mis en cage tombaient sous l'oeil sĂ©vĂšre du prĂ©fet, espĂšce de censeur qui venait, Ă ses heures ou Ă l'improviste, d'un pas lĂ©ger, pour savoir si nous causions au lieu de faire nos pensum. Mais les coquilles de noix semĂ©es dans les escaliers, ou la dĂ©licatesse de notre ouĂÂŻe nous permettaient presque toujours de prĂ©voir son arrivĂ©e, et nous pouvions nous livrer sans trouble Ă nos Ă©tudes chĂ©ries. Cependant, la lecture nous Ă©tant interdite, les heures de prison appartenaient ordinairement Ă des discussions mĂ©taphysiques ou au rĂ©cit de quelques accidents curieux relatifs aux phĂ©nomĂšnes de la pensĂ©e. Un des faits les plus extraordinaires est certes celui que je vais raconter, non seulement parce qu'il concerne Lambert, mais encore parce qu'il dĂ©cida peut-ĂÂȘtre sa destinĂ©e scientifique. Selon la jurisprudence des collĂšges, le dimanche et le jeudi Ă©taient nos jours de congĂ© ; mais les offices, auxquels nous assistions trĂšs exactement, employaient si bien le dimanche, que nous considĂ©rions le jeudi comme notre seul jour de fĂÂȘte. La messe une fois entendue, nous avions assez de loisir pour rester longtemps en promenade dans les campagnes situĂ©es aux environs de VendĂÂŽme. Le manoir de Rochambeau Ă©tait l'objet de la plus cĂ©lĂšbre de nos excursions, peut-ĂÂȘtre Ă cause de son Ă©loignement. Rarement les petits faisaient une course si fatigante ; nĂ©anmoins, une fois ou deux par an, les RĂ©gents leur proposaient la partie de Rochambeau comme une rĂ©compense. En 1812, vers la fin du printemps, nous dĂ»mes y aller pour la premiĂšre fois. Le dĂ©sir de voir le fameux chĂÂąteau de Rochambeau dont le propriĂ©taire donnait quelquefois du laitage aux Ă©lĂšves, nous rendit tous sages. Rien n'empĂÂȘcha donc la partie. Ni moi ni Lambert, nous ne connaissions la jolie vallĂ©e du Loir oĂÂč cette habitation a Ă©tĂ© construite. Aussi son imagination et la mienne furent-elles trĂšs prĂ©occupĂ©es la veille de cette promenade, qui causait dans le collĂšge une joie traditionnelle. Nous en parlĂÂąmes pendant toute la soirĂ©e, en nous promettant d'employer en fruits ou en laitage l'argent que nous possĂ©dions contrairement aux lois vendĂÂŽmoises. Le lendemain, aprĂšs le dĂner, nous partĂmes Ă midi et demi tous munis d'un cubique morceau de pain que l'on nous distribuait d'avance pour notre goĂ»ter. Puis, alertes comme des hirondelles, nous marchĂÂąmes en troupe vers le cĂ©lĂšbre castel, avec une ardeur qui ne nous permettait pas de sentir tout d'abord la fatigue. Quand nous fĂ»mes arrivĂ©s sur la colline d'oĂÂč nous pouvions contempler et le chĂÂąteau assis Ă mi-cĂÂŽte, et la vallĂ©e tortueuse oĂÂč brille la riviĂšre en serpentant dans une prairie gracieusement Ă©chancrĂ©e ; admirable paysage, un de ceux auxquels les vives sensations du jeune ĂÂąge, ou celles de l'amour, ont imprimĂ© tant de charmes, que plus tard il ne faut jamais les aller revoir, Louis Lambert me dit - Mais j'ai vu cela cette nuit en rĂÂȘve ! Il reconnut et le bouquet d'arbres sous lequel nous Ă©tions, et la disposition des feuillages, la couleur des eaux, les tourelles du chĂÂąteau, les accidents, les lointains, enfin tous les dĂ©tails du site qu'il apercevait pour la premiĂšre fois. Nous Ă©tions bien enfants l'un et l'autre ; moi du moins, qui n'avais que treize ans ; car, Ă quinze ans, Louis pouvait avoir la profondeur d'un homme de gĂ©nie ; mais Ă cette Ă©poque nous Ă©tions tous deux incapables de mensonge dans les moindres actes de notre vie d'amitiĂ©. Si Lambert pressentait d'ailleurs par la toute-puissance de sa pensĂ©e l'importance des faits, il Ă©tait loin de deviner d'abord leur entiĂšre portĂ©e ; aussi commença-t-il par ĂÂȘtre Ă©tonnĂ© de celui-ci. Je lui demandai s'il n'Ă©tait pas venu Ă Rochambeau pendant son enfance, ma question le frappa ; mais, aprĂšs avoir consultĂ© ses souvenirs, il me rĂ©pondit nĂ©gativement. Cet Ă©vĂ©nement, dont l'analogue peut se retrouver dans les phĂ©nomĂšnes du sommeil de beaucoup d'hommes, fera comprendre les premiers talents de Lambert ; en effet, il sut en dĂ©duire tout un systĂšme, en s'emparant, comme fit Cuvier dans un autre ordre de choses, d'un fragment de pensĂ©e pour reconstruire toute une crĂ©ation. En ce moment nous nous assĂmes tous deux sous une vieille truisse de chĂÂȘne ; puis, aprĂšs quelques moments de rĂ©flexion, Louis me dit - Si le paysage n'est pas venu vers moi, ce qui serait absurde Ă penser, j'y suis donc venu. Si j'Ă©tais ici pendant que je dormais dans mon alcĂÂŽve, ce fait ne constitue-t-il pas une sĂ©paration complĂšte entre mon corps et mon ĂÂȘtre intĂ©rieur ? N'atteste-t-il pas je ne sais quelle facultĂ© locomotive ou des effets Ă©quivalant Ă ceux de la locomotion ? Or, si mon esprit et mon corps ont pu se quitter pendant le sommeil, pourquoi ne les ferais-je pas Ă©galement divorcer ainsi pendant la veille ? Je n'aperçois point de moyens termes entre ces deux propositions. Mais allons plus loin, pĂ©nĂ©trons les dĂ©tails ? Ou ces faits se sont accomplis par la puissance d'une facultĂ© qui met en oeuvre un second ĂÂȘtre Ă qui mon corps sert d'enveloppe, puisque j'Ă©tais dans mon alcĂÂŽve et voyais le paysage, et ceci renverse bien des systĂšmes ; ou ces faits se sont passĂ©s, soit dans quelque centre nerveux dont le nom est Ă savoir et oĂÂč s'Ă©meuvent les sentiments, soit dans le centre cĂ©rĂ©bral oĂÂč s'Ă©meuvent les idĂ©es. Cette derniĂšre hypothĂšse soulĂšve des questions Ă©tranges. J'ai marchĂ©, j'ai vu, j'ai entendu. Le mouvement ne se conçoit point sans l'espace, le son n'agit que dans les angles ou sur les surfaces, et la coloration ne s'accomplit que par la lumiĂšre. Si, pendant la nuit, les yeux fermĂ©s, j'ai vu en moi-mĂÂȘme des objets colorĂ©s, si j'ai entendu des bruits dans le plus absolu silence, et sans les conditions exigĂ©es pour que le son se forme, si dans la plus parfaite immobilitĂ© j'ai franchi des espaces, nous aurions des facultĂ©s internes, indĂ©pendantes des lois physiques extĂ©rieures. La nature matĂ©rielle serait pĂ©nĂ©trable par l'esprit. Comment les hommes ont-ils si peu rĂ©flĂ©chi jusqu'alors aux accidents du sommeil qui accusent en l'homme une double vie ? N'y aurait-il pas une nouvelle science dans ce phĂ©nomĂšne ? ajouta-t-il en se frappant fortement le front ; s'il n'est pas le principe d'une science, il trahit certainement en l'homme d'Ă©normes pouvoirs ; il annonce au moins la dĂ©sunion frĂ©quente de nos deux natures, fait autour duquel je tourne depuis si longtemps. J'ai donc enfin trouvĂ© un tĂ©moignage de la supĂ©rioritĂ© qui distingue nos sens latents de nos sens apparents ! homo duplex ! - Mais, reprit-il aprĂšs une pause et en laissant Ă©chapper un geste de doute, peut-ĂÂȘtre n'existe-t-il pas en nous deux natures ? Peut-ĂÂȘtre sommes-nous tout simplement douĂ©s de qualitĂ©s intimes et perfectibles dont l'exercice, dont les dĂ©veloppements produisent en nous des phĂ©nomĂšnes d'activitĂ©, de pĂ©nĂ©tration, de vision encore inobservĂ©s. Dans notre amour du merveilleux, passion engendrĂ©e par notre orgueil, nous aurons transformĂ© ces effets en crĂ©ations poĂ©tiques, parce que nous ne les comprenions pas. Il est si commode de dĂ©ifier l'incomprĂ©hensible ! Ah ! j'avoue que je pleurerai la perte de mes illusions. J'avais besoin de croire Ă une double nature et aux anges de Swedenborg ! Cette nouvelle science les tuerait-elle donc ? Oui, l'examen de nos propriĂ©tĂ©s inconnues implique une science en apparence matĂ©rialiste, car L'ESPRIT emploie, divise, anime la substance ; mais il ne la dĂ©truit pas. Il demeura pensif, triste Ă demi. Peut-ĂÂȘtre voyait-il ses rĂÂȘves de jeunesse comme des langes qu'il lui faudrait bientĂÂŽt quitter. - La vue et l'ouĂÂŻe, dit-il en riant de son expression, sont sans doute les gaines d'un outil merveilleux ! Pendant tous les instants oĂÂč il m'entretenait du Ciel et de l'Enfer, il avait coutume de regarder la nature en maĂtre ; mais, en profĂ©rant ces derniĂšres paroles grosses de science, il plana plus audacieusement que jamais sur le paysage, et son front me parut prĂšs de crever sous l'effort du gĂ©nie ses forces, qu'il faut nommer morales jusqu'Ă nouvel ordre, semblaient jaillir par les organes destinĂ©s Ă les projeter ; ses yeux dardaient la pensĂ©e ; sa main levĂ©e, ses lĂšvres muettes et tremblantes parlaient ; son regard brĂ»lant rayonnait ; enfin sa tĂÂȘte, comme trop lourde ou fatiguĂ©e par un Ă©lan trop violent, retomba sur sa poitrine. Cet enfant, ce gĂ©ant se voĂ»ta, me prit la main, la serra dans la sienne qui Ă©tait moite, tant il Ă©tait enfiĂ©vrĂ© par la recherche de la vĂ©ritĂ© ; puis aprĂšs une pause il me dit - Je serai cĂ©lĂšbre ! - Mais toi aussi, ajouta-t-il vivement. Nous serons tous deux les chimistes de la volontĂ©. Coeur exquis ! Je reconnaissais sa supĂ©rioritĂ©, mais lui se gardait bien de jamais me la faire sentir. Il partageait avec moi les trĂ©sors de sa pensĂ©e, me comptait pour quelque chose dans ses dĂ©couvertes, et me laissait en propre mes infirmes rĂ©flexions. Toujours gracieux comme une femme qui aime, il avait toutes les pudeurs de sentiment, toutes les dĂ©licatesses d'ĂÂąme qui rendent la vie et si bonne et si douce Ă porter. Il commença le lendemain mĂÂȘme un ouvrage qu'il intitula TraitĂ© de la VolontĂ© ; ses rĂ©flexions en modifiĂšrent souvent le plan et la mĂ©thode ; mais l'Ă©vĂ©nement de cette journĂ©e solennelle en fut certes le germe, comme la sensation Ă©lectrique toujours ressentie par Mesmer Ă l'approche d'un valet fut l'origine de ses dĂ©couvertes en magnĂ©tisme, science jadis cachĂ©e au fond des mystĂšres d'Isis, de Delphes, dans l'antre de Trophonius, et retrouvĂ©e par cet homme prodigieux Ă deux pas de Lavater, le prĂ©curseur de Gall. EclairĂ©es par cette soudaine clartĂ©, les idĂ©es de Lambert prirent des proportions plus Ă©tendues ; il dĂ©mĂÂȘla dans ses acquisitions des vĂ©ritĂ©s Ă©parses, et les rassembla ; puis, comme un fondeur, il coula son groupe. AprĂšs six mois d'une application soutenue, les travaux de Lambert excitĂšrent la curiositĂ© de nos camarades et furent l'objet de quelques plaisanteries cruelles qui devaient avoir une funeste issue. Un jour, l'un de nos persĂ©cuteurs, qui voulut absolument voir nos manuscrits, ameuta quelques-uns de nos tyrans, et vint s'emparer violemment d'une cassette oĂÂč Ă©tait dĂ©posĂ© ce trĂ©sor que Lambert et moi nous dĂ©fendĂmes avec un courage inouĂÂŻ. La boĂte Ă©tait fermĂ©e, il fut impossible Ă nos agresseurs de l'ouvrir ; mais ils essayĂšrent de la briser dans le combat, noire mĂ©chancetĂ© qui nous fit jeter les hauts cris. Quelques camarades, animĂ©s d'un esprit de justice ou frappĂ©s de notre rĂ©sistance hĂ©roĂÂŻque, conseillaient de nous laisser tranquilles en nous accablant d'une insolente pitiĂ©. Soudain, attirĂ© par le bruit de la bataille, le pĂšre Haugoult intervint brusquement, et s'enquit de la dispute. Nos adversaires nous avaient distraits de nos pensum, le RĂ©gent venait dĂ©fendre ses esclaves. Pour s'excuser, les assaillants rĂ©vĂ©lĂšrent l'existence des manuscrits. Le terrible Haugoult nous ordonna de lui remettre la cassette si nous rĂ©sistions, il pouvait la faire briser ; Lambert lui en livra la clef, le RĂ©gent prit les papiers, les feuilleta ; puis il nous dit en les confisquant - VoilĂ donc les bĂÂȘtises pour lesquelles vous nĂ©gligez vos devoirs ! De grosses larmes tombĂšrent des yeux de Lambert, arrachĂ©es autant par la conscience de sa supĂ©rioritĂ© morale offensĂ©e que par l'insulte gratuite et la trahison qui nous accablaient. Nous lançĂÂąmes Ă nos accusateurs un regard de reproche ne nous avaient-ils pas vendus Ă l'ennemi commun ? s'ils pouvaient, suivant le Droit Ecolier, nous battre, ne devaient-ils pas garder le silence sur nos fautes ? Aussi eurent-ils pendant un moment quelque honte de leur lĂÂąchetĂ©. Le pĂšre Haugoult vendit probablement Ă un Ă©picier de VendĂÂŽme le TraitĂ© de la VolontĂ©, sans connaĂtre l'importance des trĂ©sors scientifiques dont les germes avortĂ©s se dissipĂšrent en d'ignorantes mains. Six mois aprĂšs, je quittai le collĂšge. J'ignore donc si Lambert, que notre sĂ©paration plongea dans une noire mĂ©lancolie, a recommencĂ© son ouvrage. Ce fut en mĂ©moire de la catastrophe arrivĂ©e au livre de Louis que, dans l'ouvrage par lequel commencent ces Etudes, je me suis servi pour une oeuvre fictive du titre rĂ©ellement inventĂ© par Lambert, et que j'ai donnĂ© le nom d'une femme qui lui fut chĂšre, Ă une jeune fille pleine de dĂ©vouement ; mais cet emprunt n'est pas le seul que je lui ai fait son caractĂšre, ses occupations m'ont Ă©tĂ© trĂšs utiles dans cette composition dont le sujet est dĂ» Ă quelque souvenir de nos jeunes mĂ©ditations. Maintenant cette Histoire est destinĂ©e Ă Ă©lever un modeste cippe oĂÂč soit attestĂ©e la vie de celui qui m'a lĂ©guĂ© tout son bien, sa pensĂ©e. Dans cet ouvrage d'enfant, Lambert dĂ©posa des idĂ©es d'homme. Dix ans plus tard, en rencontrant quelques savants sĂ©rieusement occupĂ©s des phĂ©nomĂšnes qui nous avaient frappĂ©s, et que Lambert analysa si miraculeusement, je compris l'importance de ses travaux, oubliĂ©s dĂ©jĂ comme un enfantillage. Je passai donc plusieurs mois Ă me rappeler les principales dĂ©couvertes de mon pauvre camarade. AprĂšs avoir rassemblĂ© mes souvenirs, je puis affirmer que, dĂšs 1812, il avait Ă©tabli, devinĂ©, discutĂ© dans son TraitĂ©, plusieurs faits importants dont, me disait-il, les preuves arriveraient tĂÂŽt ou tard. Ses spĂ©culations philosophiques devraient certes le faire admettre au nombre de ces grands penseurs apparus Ă divers intervalles parmi les hommes pour leur rĂ©vĂ©ler les principes tout nus de quelque science Ă venir, dont les racines poussent avec lenteur et portent un jour de beaux fruits dans les domaines de l'intelligence. Ainsi, un pauvre artisan, occupĂ© Ă fouiller les terres pour trouver le secret des Ă©maux, affirmait au seiziĂšme siĂšcle, avec l'infaillible autoritĂ© du gĂ©nie, les faits gĂ©ologiques dont la dĂ©monstration fait aujourd'hui la gloire de Buffon et de Cuvier. Je crois pouvoir offrir une idĂ©e du TraitĂ© de Lambert par les propositions capitales qui en formaient la base ; mais je les dĂ©pouillerai, malgrĂ© moi, des idĂ©es dans lesquelles il les avait enveloppĂ©es, et qui en Ă©taient le cortĂ©ge indispensable. Marchant dans un sentier autre que le sien, je prenais, de ses recherches, celles qui servaient le mieux mon systĂšme. J'ignore donc si, moi son disciple, je pourrai fidĂšlement traduire ses pensĂ©es, aprĂšs me les ĂÂȘtre assimilĂ©es de maniĂšre Ă leur donner la couleur des miennes. A des idĂ©es nouvelles, des mots nouveaux ou des acceptions de mots anciens Ă©largies, Ă©tendues, mieux dĂ©finies ; Lambert avait donc choisi, pour exprimer les bases de son systĂšme, quelques mots vulgaires qui dĂ©jĂ rĂ©pondaient vaguement Ă sa pensĂ©e. Le mot de VOLONTE servait Ă nommer le milieu oĂÂč la pensĂ©e fait ses Ă©volutions ; ou, dans une expression moins abstraite, la masse de force par laquelle l'homme peut reproduire, en dehors de lui-mĂÂȘme, les actions qui composent sa vie extĂ©rieure. La VOLITION, mot dĂ» aux rĂ©flexions de Locke, exprimait l'acte par lequel l'homme use de la VolontĂ©. Le mot de PENSEE, pour lui le produit quintessentiel de la VolontĂ©, dĂ©signait aussi le milieu oĂÂč naissaient les IDEES auxquelles elle sert de substance. L'IDEE, nom commun Ă toutes les crĂ©ations du cerveau, constituait l'acte par lequel l'homme use de la PensĂ©e. Ainsi la VolontĂ©, la PensĂ©e Ă©taient les deux moyens gĂ©nĂ©rateurs ; la Volition, l'IdĂ©e Ă©taient les deux produits. La Volition lui semblait ĂÂȘtre l'idĂ©e arrivĂ©e de son Ă©tat abstrait Ă un Ă©tat concret, de sa gĂ©nĂ©ration fluide Ă une expression quasi solide, si toutefois ces mots peuvent formuler des aperçus si difficiles Ă distinguer. Selon lui, la PensĂ©e et les IdĂ©es sont le mouvement et les actes de notre organisme intĂ©rieur, comme les Volitions et la VolontĂ© constituent ceux de la vie extĂ©rieure. Il avait fait passer la VolontĂ© avant la PensĂ©e. - " Pour penser, il faut vouloir, disait-il. Beaucoup d'ĂÂȘtres vivent Ă l'Ă©tat de VolontĂ©, sans nĂ©anmoins arriver Ă l'Ă©tat de PensĂ©e. Au Nord, la longĂ©vitĂ© ; au Midi, la briĂšvetĂ© de la vie ; mais aussi, dans le Nord, la torpeur ; au Midi, l'exaltation constante de la VolontĂ© ; jusqu'Ă la ligne oĂÂč, soit par trop de froid, soit par trop de chaleur, les organes sont presque annulĂ©s. " Son expression de milieu lui fut suggĂ©rĂ©e par une observation faite pendant son enfance, et de laquelle il ne soupçonna certes pas l'importance, mais dont la bizarrerie dut frapper son imagination si dĂ©licatement impressible. Sa mĂšre, personne fluette et nerveuse, tout dĂ©licate donc et tout aimante, Ă©tait une des crĂ©atures destinĂ©es Ă reprĂ©senter la Femme dans la perfection de ses attributs, mais que le sort abandonne par erreur au fond de l'Ă©tat social. Tout amour, partant toute souffrance, elle mourut jeune aprĂšs avoir jetĂ© ses facultĂ©s dans l'amour maternel. Lambert, enfant de six ans, couchĂ© dans un grand berceau, prĂšs du lit maternel, mais n'y dormant pas toujours, vit quelques Ă©tincelles Ă©lectriques jaillissant de la chevelure de sa mĂšre, au moment oĂÂč elle se peignait. L'homme de quinze ans s'empara pour la science de ce fait avec lequel l'enfant avait jouĂ©, fait irrĂ©cusable dont maintes preuves se rencontrent chez presque toutes les femmes auxquelles une certaine fatalitĂ© de destinĂ©e laisse des sentiments mĂ©connus Ă exhaler ou je ne sais quelle surabondance de force Ă perdre. A l'appui de ses dĂ©finitions, Lambert ajouta plusieurs problĂšmes Ă rĂ©soudre, beaux dĂ©fis jetĂ©s Ă la science et desquels il se proposait de rechercher les solutions, se demandant Ă lui-mĂÂȘme Si le principe constituant de l'Ă©lectricitĂ© n'entrait pas comme base dans le fluide particulier d'oĂÂč s'Ă©lançaient nos IdĂ©es et nos Volitions ? Si la chevelure qui se dĂ©colore, s'Ă©claircit, tombe et disparaĂt selon les divers degrĂ©s de dĂ©perdition ou de cristallisation des pensĂ©es, ne constituait pas un systĂšme de capillaritĂ© soit absorbante, soit exhalante, tout Ă©lectrique ? Si les phĂ©nomĂšnes fluides de notre VolontĂ©, substance procréée en nous et si spontanĂ©ment rĂ©active au grĂ© de conditions encore inobservĂ©es, Ă©taient plus extraordinaires que ceux du fluide invisible, intangible, et produits par la pile voltaĂÂŻque sur le systĂšme nerveux d'un homme mort ? Si la formation de nos idĂ©es et leur exhalation constante Ă©taient moins incomprĂ©hensibles que ne l'est l'Ă©vaporation des corpuscules imperceptibles et nĂ©anmoins si violents dans leur action, dont est susceptible un grain de musc, sans perdre de son poids ? Si, laissant au systĂšme cutanĂ© de notre enveloppe une destination toute dĂ©fensive, absorbante, exsudante et tactile, la circulation sanguine et son appareil ne rĂ©pondaient pas Ă la transsubstantiation de notre VolontĂ©, comme la circulation du fluide nerveux rĂ©pondait Ă celle de la PensĂ©e ? Enfin si l'affluence plus ou moins vive de ces deux substances rĂ©elles ne rĂ©sultait pas d'une certaine perfection ou imperfection d'organes dont les conditions devaient ĂÂȘtre Ă©tudiĂ©es dans tous leurs modes ? Ces principes Ă©tablis, il voulait classer les phĂ©nomĂšnes de la vie humaine en deux sĂ©ries d'effets distincts, et rĂ©clamait pour chacune d'elles une analyse spĂ©ciale, avec une instance ardente de conviction. En effet, aprĂšs avoir observĂ©, dans presque toutes les crĂ©ations, deux mouvements sĂ©parĂ©s, il les pressentait, les admettait mĂÂȘme pour notre nature, et nommait cet antagonisme vital L'ACTION et LA REACTION. - Un dĂ©sir, disait-il, est un fait entiĂšrement accompli dans notre VolontĂ© avant de l'ĂÂȘtre extĂ©rieurement. Ainsi, l'ensemble de nos Volitions et de nos IdĂ©es constituait l' Action , et l'ensemble de nos actes extĂ©rieurs, la RĂ©action. Lorsque, plus tard, je lus les observations faites par Bichat sur le dualisme de nos sens extĂ©rieurs, je fus comme Ă©tourdi par mes souvenirs, en reconnaissant une coĂÂŻncidence frappante entre les idĂ©es de ce cĂ©lĂšbre physiologiste et celles de Lambert. Morts tous deux avant le temps, ils avaient marchĂ© d'un pas Ă©gal Ă je ne sais quelles vĂ©ritĂ©s. La nature s'est complu en tout Ă donner de doubles destinations aux divers appareils constitutifs de ses crĂ©atures, et la double action de notre organisme, qui n'est plus un fait contestable, appuie par un ensemble de preuves d'une Ă©ventualitĂ© quotidienne les dĂ©ductions de Lambert relativement Ă l' Action et Ă la RĂ©action. L'ĂÂȘtre actionnel ou intĂ©rieur, mot qui lui servait Ă nommer le species inconnu, le mystĂ©rieux ensemble de fibrilles auquel sont dues les diffĂ©rentes puissances incomplĂ©tement observĂ©es de la PensĂ©e, de la VolontĂ© ; enfin cet ĂÂȘtre innommĂ© voyant, agissant, mettant tout Ă fin, accomplissant tout avant aucune dĂ©monstration corporelle, doit, pour se conformer Ă sa nature, n'ĂÂȘtre soumis Ă aucune des conditions physiques par lesquelles l'ĂÂȘtre rĂ©actionnel ou extĂ©rieur, l'homme visible est arrĂÂȘtĂ© dans ses manifestations. De lĂ dĂ©coulaient une multitude d'explications logiques sur les effets les plus bizarres en apparence de notre double nature, et la rectification de plusieurs systĂšmes Ă la fois justes et faux. Certains hommes ayant entrevu quelques phĂ©nomĂšnes du jeu naturel de l' ĂÂȘtre actionnel, furent, comme Swedenborg, emportĂ©s au delĂ du monde vrai par une ĂÂąme ardente, amoureuse de poĂ©sie, ivre du principe divin. Tous se plurent donc, dans leur ignorance des causes, dans leur admiration du fait, Ă diviniser cet appareil intime, Ă bĂÂątir un mystique univers. De lĂ , les anges ! dĂ©licieuses illusions auxquelles ne voulait pas renoncer Lambert, qui les caressait encore au moment oĂÂč le glaive de son Analyse en tranchait les Ă©blouissantes ailes. - Le Ciel, me disait-il, serait aprĂšs tout la survie de nos facultĂ©s perfectionnĂ©es, et l'Enfer le nĂ©ant oĂÂč retombent les facultĂ©s imparfaites. Mais comment, en des siĂšcles oĂÂč l'entendement avait gardĂ© les impressions religieuses et spiritualistes qui ont rĂ©gnĂ© pendant les temps intermĂ©diaires entre le Christ et Descartes, entre la Foi et le Doute, comment se dĂ©fendre d'expliquer les mystĂšres de notre nature intĂ©rieure autrement que par une intervention divine ? A qui, si ce n'est Ă Dieu mĂÂȘme, les savants pouvaient-ils demander raison d'une invisible crĂ©ature si activement, si rĂ©activement sensible, et douĂ©e de facultĂ©s si Ă©tendues, si perfectibles par l'usage, ou si puissantes sous l'empire de certaines conditions occultes, que tantĂÂŽt ils lui voyaient, par un phĂ©nomĂšne de vision ou de locomotion abolir l'espace dans ses deux modes de Temps et de Distance dont l'un est l'espace intellectuel, et l'autre l'espace physique ; tantĂÂŽt ils lui voyaient reconstruire le passĂ©, soit par la puissance d'une vue rĂ©trospective, soit par le mystĂšre d'une palingĂ©nĂ©sie assez semblable au pouvoir que possĂ©derait un homme de reconnaĂtre aux linĂ©aments, tĂ©guments et rudiments d'une graine, ses floraisons antĂ©rieures dans les innombrables modifications de leurs nuances, de leurs parfums et de leurs formes ; et que tantĂÂŽt enfin, ils lui voyaient deviner imparfaitement l'avenir, soit par l'aperçu des causes premiĂšres, soit par un phĂ©nomĂšne de pressentiment physique. D'autres hommes, moins poĂ©tiquement religieux, froids et raisonneurs, charlatans peut-ĂÂȘtre, enthousiastes du moins par le cerveau, sinon par le coeur, reconnaissant quelques-uns de ces phĂ©nomĂšnes isolĂ©s, les tinrent pour vrais sans les considĂ©rer comme les irradiations d'un centre commun. Chacun d'eux voulut alors convertir un simple fait en science. De lĂ vinrent la dĂ©monologie, l'astrologie judiciaire, la sorcellerie, enfin toutes les divinations fondĂ©es sur des accidents essentiellement transitoires, parce qu'ils variaient selon les tempĂ©raments, au grĂ© de circonstances encore complĂštement inconnues. Mais aussi de ces erreurs savantes et des procĂšs ecclĂ©siastiques oĂÂč succombĂšrent tant de martyrs de leurs propres facultĂ©s, rĂ©sultĂšrent des preuves Ă©clatantes du pouvoir prodigieux dont dispose l' ĂÂȘtre actionnel qui, suivant Lambert, peut s'isoler complĂštement de l' ĂÂȘtre rĂ©actionnel , en briser l'enveloppe, faire tomber les murailles devant sa toute-puissante vue, phĂ©nomĂšne nommĂ©, chez les Hindous, la Tokeiade au dire des missionnaires ; puis, par une autre facultĂ©, saisir dans le cerveau, malgrĂ© ses plus Ă©paisses circonvolutions, les idĂ©es qui s'y sont formĂ©es ou qui s'y forment, et tout le passĂ© de la conscience. - Si les apparitions ne sont pas impossibles, disait Lambert, elles doivent avoir lieu par une facultĂ© d'apercevoir les idĂ©es qui reprĂ©sentent l'homme dans son essence pure, et dont la vie, impĂ©rissable peut-ĂÂȘtre, Ă©chappe Ă nos sens extĂ©rieurs, mais peut devenir perceptible Ă l'ĂÂȘtre intĂ©rieur quand il arrive Ă un haut degrĂ© d'extase ou Ă une grande perfection de vue. Je sais, mais vaguement aujourd'hui, que, suivant pas Ă pas les effets de la PensĂ©e et de la VolontĂ© dans tous leurs modes ; aprĂšs en avoir Ă©tabli les lois, Lambert avait rendu compte d'une foule de phĂ©nomĂšnes qui jusqu'Ă lui passaient Ă juste titre pour incomprĂ©hensibles. Ainsi les sorciers, les possĂ©dĂ©s, les gens Ă seconde vue et les dĂ©moniaques de toute espĂšce, ces victimes du Moyen Age Ă©taient l'objet d'explications si naturelles, que souvent leur simplicitĂ© me parut ĂÂȘtre le cachet de la vĂ©ritĂ©. Les dons merveilleux que l'Eglise romaine, jalouse de mystĂšres, punissait par le bĂ»cher, Ă©taient selon Louis le rĂ©sultat de certaines affinitĂ©s entre les principes constituants de la MatiĂšre et ceux de la PensĂ©e, qui procĂšdent de la mĂÂȘme source. L'homme armĂ© de la baguette de coudrier obĂ©issait, en trouvant les eaux vives, Ă quelque sympathie ou Ă quelque antipathie Ă lui-mĂÂȘme inconnue. Il a fallu la bizarrerie de ces sortes d'effets pour donner Ă quelques-uns d'entre eux une certitude historique. Les sympathies ont Ă©tĂ© rarement constatĂ©es. Elles constituent des plaisirs que les gens assez heureux pour en ĂÂȘtre douĂ©s publient rarement, Ă moins de quelque singularitĂ© violente ; encore, est-ce dans le secret de l'intimitĂ© oĂÂč tout s'oublie. Mais les antipathies qui rĂ©sultent d'affinitĂ©s contrariĂ©es ont Ă©tĂ© fort heureusement notĂ©es quand elles se rencontraient en des hommes cĂ©lĂšbres. Ainsi Bayle Ă©prouvait des convulsions en entendant jaillir de l'eau. Scaliger pĂÂąlissait en voyant du cresson. Erasme avait la fiĂšvre en sentant du poisson. Ces trois antipathies procĂ©daient de substances aquatiques. Le duc d'Epernon s'Ă©vanouissait Ă la vue d'un levraut, TychobrahĂ© Ă celle d'un renard, Henri III Ă celle d'un chat, le marĂ©chal d'Albret Ă celle d'un marcassin ; antipathies toutes produites par des Ă©manations animales et ressenties souvent Ă des distances Ă©normes. Le chevalier de Guise, Marie de MĂ©dicis, et plusieurs autres personnages se trouvaient mal Ă l'aspect de toutes les roses, mĂÂȘme peintes. Que le chancelier Bacon fut ou non prĂ©venu d'une Ă©clipse de lune, il tombait en faiblesse au moment oĂÂč elle s'opĂ©rait ; et sa vie, suspendue pendant tout le temps que durait ce phĂ©nomĂšne, reprenait aussitĂÂŽt sans lui laisser la moindre incommoditĂ©. Ces effets d'antipathies authentiques prises parmi toutes celles que les hasards de l'histoire ont illustrĂ©es, peuvent suffire Ă comprendre les effets des sympathies inconnues. Ce fragment d'investigation que je me suis rappelĂ© entre tous les aperçus de Lambert, fera concevoir la mĂ©thode avec laquelle il procĂ©dait dans ses oeuvres. Je ne crois pas devoir insister sur la connexitĂ© qui liait Ă cette thĂ©orie les sciences Ă©quilatĂ©rales inventĂ©es par Gall et Lavater ; elles en Ă©taient les corollaires naturels, et tout esprit lĂ©gĂšrement scientifique apercevra les ramifications par lesquelles s'y rattachaient nĂ©cessairement les observations phrĂ©nologiques de l'un et les documents physiognomoniques de l'autre. La dĂ©couverte de Mesmer, si importante et si mal apprĂ©ciĂ©e encore, se trouvait tout entiĂšre dans un seul dĂ©veloppement de ce TraitĂ©, quoique Louis ne connĂ»t pas les oeuvres, d'ailleurs assez laconiques, du cĂ©lĂšbre docteur suisse. Une logique et simple dĂ©duction de ses principes lui avait fait reconnaĂtre que la VolontĂ© pouvait, par un mouvement tout contractile de l'ĂÂȘtre intĂ©rieur, s'amasser ; puis, par un autre mouvement, ĂÂȘtre projetĂ©e au dehors, et mĂÂȘme ĂÂȘtre confiĂ©e Ă des objets matĂ©riels. Ainsi la force entiĂšre d'un homme devait avoir la propriĂ©tĂ© de rĂ©agir sur les autres, et de les pĂ©nĂ©trer d'une essence Ă©trangĂšre Ă la leur, s'ils ne se dĂ©fendaient contre cette agression. Les preuves de ce thĂ©orĂšme de la Science humaine sont nĂ©cessairement multipliĂ©es ; mais rien ne les constate authentiquement. Il a fallu, soit l'Ă©clatant dĂ©sastre de Marius et son allocution au Cimbre chargĂ© de le tuer, soit l'auguste commandement d'une mĂšre au lion de Florence, pour faire connaĂtre historiquement quelques-uns de ces foudroiements de la pensĂ©e. Pour lui donc la VolontĂ©, la PensĂ©e Ă©taient des forces vives ; aussi en parlait-il de maniĂšre Ă vous faire partager ses croyances. Pour lui, ces deux puissances Ă©taient en quelque sorte et visibles et tangibles. Pour lui, la PensĂ©e Ă©tait lente ou prompte, lourde ou agile, claire ou obscure ; il lui attribuait toutes les qualitĂ©s des ĂÂȘtres agissants, la faisait saillir, se reposer, se rĂ©veiller, grandir, vieillir, se rĂ©trĂ©cir, s'atrophier, s'aviver ; il en surprenait la vie en en spĂ©cifiant tous les actes par les bizarreries de notre langage ; il en constatait la spontanĂ©itĂ©, la force, les qualitĂ©s avec une sorte d'intuition qui lui faisait reconnaĂtre tous les phĂ©nomĂšnes de cette substance. - Souvent au milieu du calme et du silence, me disait-il, lorsque nos facultĂ©s intĂ©rieures sont endormies, quand nous nous abandonnons Ă la douceur du repos, qu'il s'Ă©tend des espĂšces de tĂ©nĂšbres en nous, et que nous tombons dans la contemplation des choses extĂ©rieures, tout Ă coup une idĂ©e s'Ă©lance, passe avec la rapiditĂ© de l'Ă©clair Ă travers les espaces infinis dont la perception nous est donnĂ©e par notre vue intĂ©rieure. Cette idĂ©e brillante, surgie comme un feu follet, s'Ă©teint sans retour existence Ă©phĂ©mĂšre, pareille Ă celle de ces enfants qui font connaĂtre aux parents une joie et un chagrin sans bornes ; espĂšce de fleur mort-nĂ©e dans les champs de la pensĂ©e. Parfois l'idĂ©e, au lieu de jaillir avec force et de mourir sans consistance, commence Ă poindre, se balance dans les limbes inconnus des organes oĂÂč elle prend naissance; elle nous use par un long enfantement, se dĂ©veloppe, grandit, devient fĂ©conde, et se produit au dehors dans la grĂÂące de la jeunesse et parĂ©e de tous les attributs d'une longue vie ; elle soutient les plus curieux regards, elle les attire, ne les lasse jamais l'examen qu'elle provoque commande l'admiration que suscitent les oeuvres longtemps Ă©laborĂ©es. TantĂÂŽt les idĂ©es naissent par essaim, l'une entraĂne l'autre, elles s'enchaĂnent, toutes sont agaçantes, elles abondent, elles sont folles. TantĂÂŽt elles se lĂšvent pĂÂąles, confuses, dĂ©pĂ©rissent faute de force ou d'aliments ; la substance gĂ©nĂ©ratrice manque. Enfin, Ă certains jours, elles se prĂ©cipitent dans les abĂmes pour en Ă©clairer les immenses profondeurs ; elles nous Ă©pouvantent et laissent notre ĂÂąme abattue. Les idĂ©es sont en nous un systĂšme complet, semblable Ă l'un des rĂšgnes de la nature, une sorte de floraison dont l'iconographie sera retracĂ©e par un homme de gĂ©nie qui passera pour fou peut-ĂÂȘtre. Oui, tout, en nous et au dehors, atteste la vie de ces crĂ©ations ravissantes que je compare Ă des fleurs, en obĂ©issant Ă je ne sais quelle rĂ©vĂ©lation de leur nature ! Leur production comme fin de l'homme n'est d'ailleurs pas plus Ă©tonnante que celle des parfums et des couleurs dans la plante. Les parfums sont des idĂ©es peut-ĂÂȘtre ! En pensant que la ligne oĂÂč finit notre chair et oĂÂč l'ongle commence contient l'inexplicable et invisible mystĂšre de la transformation constante de nos fluides en corne, il faut reconnaĂtre que rien n'est impossible dans les merveilleuses modifications de la substance humaine. Mais ne se rencontre-t-il donc pas dans la nature morale des phĂ©nomĂšnes de mouvement et de pesanteur semblables Ă ceux de la nature physique ? L' attente, pour choisir un exemple qui puisse ĂÂȘtre vivement senti de tout le monde, n'est si douloureuse que par l'effet de la loi en vertu de laquelle le poids d'un corps est multipliĂ© par sa vitesse. La pesanteur du sentiment que produit l'attente ne s'accroĂt-elle point par une addition constante des souffrances passĂ©es, Ă la douleur du moment ? Enfin, Ă quoi, si ce n'est Ă une substance Ă©lectrique, peut-on attribuer la magie par laquelle la VolontĂ© s'intronise si majestueusement dans les regards pour foudroyer les obstacles aux commandements du gĂ©nie, Ă©clate dans la voix, ou filtre, malgrĂ© l'hypocrisie, au travers de l'enveloppe humaine ? Le courant de ce roi des fluides qui, suivant la haute pression de la PensĂ©e ou du Sentiment, s'Ă©panche Ă flots ou s'amoindrit et s'effile, puis s'amasse pour jaillir en Ă©clairs, est l'occulte ministre auquel sont dus soit les efforts ou funestes ou bienfaisants des arts et des passions, soit les intonations de la voix, rude, suave, terrible, lascive, horripilante, sĂ©ductrice tour Ă tour, et qui vibre dans le coeur, dans les entrailles ou dans la cervelle au grĂ© de nos vouloirs ; soit tous les prestiges du toucher, d'oĂÂč procĂšdent les transfusions mentales de tant d'artistes de qui les mains crĂ©atrices savent, aprĂšs mille Ă©tudes passionnĂ©es, Ă©voquer la nature ; soit enfin les dĂ©gradations infinies de l'oeil, depuis son atone inertie jusqu'Ă ses projections de lueurs les plus effrayantes. A ce systĂšme Dieu ne perd aucun de ses droits. La PensĂ©e matĂ©rielle m'en a racontĂ© de nouvelles grandeurs! AprĂšs l'avoir entendu parlant ainsi, aprĂšs avoir reçu dans l'ĂÂąme son regard comme une lumiĂšre, il Ă©tait difficile de ne pas ĂÂȘtre Ă©bloui par sa conviction, entraĂnĂ© par ses raisonnements. Aussi LA PENSEE m'apparaissait-elle comme une puissance toute physique, accompagnĂ©e de ses incommensurables gĂ©nĂ©rations. Elle Ă©tait une nouvelle HumanitĂ© sous une autre forme. Ce simple aperçu des lois que Lambert prĂ©tendait ĂÂȘtre la formule de notre intelligence doit suffire pour faire imaginer l'activitĂ© prodigieuse avec laquelle son ĂÂąme se dĂ©vorait elle-mĂÂȘme. Louis avait cherchĂ© des preuves Ă ses principes dans l'histoire des grands hommes dont l'existence, mise Ă jour par les biographes, fournit des particularitĂ©s curieuses sur les actes de leur entendement. Sa mĂ©moire lui ayant permis de se rappeler les faits qui pouvaient servir de dĂ©veloppement Ă ses assertions, il les avait annexĂ©s Ă chacun des chapitres auxquels ils servaient de dĂ©monstration, en sorte que plusieurs de ses maximes en acquĂ©raient une certitude presque mathĂ©matique. Les oeuvres de Cardan, homme douĂ© d'une singuliĂšre puissance de vision, lui donnĂšrent de prĂ©cieux matĂ©riaux. Il n'avait oubliĂ© ni Apollonius de Tyanes annonçant en Asie la mort du tyran et dĂ©peignant son supplice Ă l'heure mĂÂȘme oĂÂč il avait lieu dans Rome ; ni Plotin qui, sĂ©parĂ© par Porphyre, sentit l'intention oĂÂč Ă©tait celui-ci de se tuer, et accourut pour l'en dissuader ; ni le fait constatĂ© dans le siĂšcle dernier Ă la face de la plus moqueuse incrĂ©dulitĂ© qui se soit jamais rencontrĂ©e, fait surprenant pour les hommes habituĂ©s Ă faire du doute une arme contre Dieu seul, mais tout simple pour quelques croyants Alphonse-Marie de Liguori, Ă©vĂÂȘque de Sainte-Agathe, donna des consolations au pape Ganganelli, qui le vit, l'entendit, lui rĂ©pondit ; et dans ce mĂÂȘme temps, Ă une trĂšs grande distance de Rome, l'Ă©vĂÂȘque Ă©tait observĂ© en extase, chez lui, dans un fauteuil oĂÂč il s'asseyait habituellement au retour de la messe. En reprenant sa vie ordinaire, il trouva ses serviteurs agenouillĂ©s devant lui, qui tous le croyaient mort. - " Les amis, leur dit-il, le Saint-PĂšre vient d'expirer. " Deux jours aprĂšs, un courrier confirma cette nouvelle. L'heure de la mort du pape coĂÂŻncidait avec celle oĂÂč l'Ă©vĂÂȘque Ă©tait revenu Ă son Ă©tat naturel. Lambert n'avait pas omis l'aventure plus rĂ©cente encore, arrivĂ©e dans le siĂšcle dernier Ă une jeune Anglaise qui, aimant passionnĂ©ment un marin, partit de Londres pour aller le trouver, et le trouva, seule, sans guide, dans les dĂ©serts de l'AmĂ©rique septentrionale, oĂÂč elle arriva pour lui sauver la vie. Louis avait mis Ă contribution les mystĂšres de l'antiquitĂ©, les actes des martyrs oĂÂč sont les plus beaux titres de gloire pour la VolontĂ© humaine, les dĂ©monologues du moyen ĂÂąge, les procĂšs criminels, les recherches mĂ©dicales, en discernant partout le fait vrai, le phĂ©nomĂšne probable avec une admirable sagacitĂ©. Cette riche collection d'anecdotes scientifiques recueillies dans tant de livres, la plupart dignes de foi, servit sans doute Ă faire des cornets de papier ; et ce travail au moins curieux, enfantĂ© par la plus extraordinaire des mĂ©moires humaines, a dĂ» pĂ©rir. Entre toutes les preuves qui enrichissaient l'oeuvre de Lambert, se trouvait une histoire arrivĂ©e dans sa famille, et qu'il m'avait racontĂ©e avant d'entreprendre son traitĂ©. Ce fait, relatif Ă la post-existence de l'ĂÂȘtre intĂ©rieur, si je puis me permettre de forger un mot nouveau pour rendre un effet innommĂ©, me frappa si vivement que j'en ai gardĂ© le souvenir. Son pĂšre et sa mĂšre eurent Ă soutenir un procĂšs dont la perte devait entacher leur probitĂ©, seul bien qu'ils possĂ©dassent au monde. Donc l'anxiĂ©tĂ© fut grande quand s'agita la question de savoir si l'on cĂ©derait Ă l'injuste agression du demandeur, ou si l'on se dĂ©fendrait contre lui. La dĂ©libĂ©ration eut lieu par une nuit d'automne, devant un feu de tourbe, dans la chambre du tanneur et de sa femme. A ce conseil furent appelĂ©s deux ou trois parents et le bisaĂÂŻeul maternel de Louis, vieux laboureur tout cassĂ©, mais d'une figure vĂ©nĂ©rable et majestueuse, dont les yeux Ă©taient clairs, dont le crĂÂąne jauni par le temps conservait encore quelques mĂšches de cheveux blancs Ă©pars. Semblable Ă l' Obi des nĂšgres, au Sagamore des sauvages, il Ă©tait une espĂšce d'esprit oraculaire que l'on consultait dans les grandes occasions. Ses biens Ă©taient cultivĂ©s par ses petits-enfants, qui le nourrissaient et le servaient ; il leur pronostiquait la pluie, le beau temps, et leur indiquait le moment oĂÂč ils devaient faucher les prĂ©s ou rentrer les moissons. La justesse baromĂ©trique de sa parole, devenue cĂ©lĂšbre, augmentait toujours la confiance et le culte qui s'attachaient Ă lui. Il demeurait des journĂ©es entiĂšres immobile sur sa chaise. Cet Ă©tat d'extase lui Ă©tait familier depuis la mort de sa femme, pour laquelle il avait eu la plus vive et la plus constante des affections. Le dĂ©bat eut lieu devant lui, sans qu'il parĂ»t y prĂÂȘter une grande attention. - Mes enfants, leur dit-il quand il fut requis de donner son avis, cette affaire est trop grave pour que je la dĂ©cide seul. Il faut que j'aille consulter ma femme. Le bonhomme se leva, prit son bĂÂąton, et sortit, au grand Ă©tonnement des assistants qui le crurent tombĂ© en enfance. Il revint bientĂÂŽt et leur dit - Je n'ai pas eu besoin d'aller jusqu'au cimetiĂšre, votre mĂšre est venue au-devant de moi, je l'ai trouvĂ©e auprĂšs du ruisseau. Elle m'a dit que vous retrouveriez chez un notaire de Blois des quittances qui vous feraient gagner votre procĂšs. Ces paroles furent prononcĂ©es d'une voix ferme. L'attitude et la physionomie de l'aĂÂŻeul annonçaient un homme pour qui cette apparition Ă©tait habituelle. En effet, les quittances contestĂ©es se retrouvĂšrent, et le procĂšs n'eut pas lieu. Cette aventure arrivĂ©e sous le toit paternel, aux yeux de Louis, alors ĂÂągĂ© de neuf ans, contribua beaucoup Ă le faire croire aux visions miraculeuses de Swedenborg, qui donna pendant sa vie plusieurs preuves de la puissance de vision acquise Ă son ĂÂȘtre intĂ©rieur. En avançant en ĂÂąge et Ă mesure que son intelligence se dĂ©veloppait, Lambert devait ĂÂȘtre conduit Ă chercher dans les lois de la nature humaine les causes du miracle qui dĂšs l'enfance avait attirĂ© son attention. De quel nom appeler le hasard qui rassemblait autour de lui les faits, les livres relatifs Ă ces phĂ©nomĂšnes, et le rendit lui-mĂÂȘme le thĂ©ĂÂątre et l'acteur des plus grandes merveilles de la pensĂ©e ? Quand Louis n'aurait pour seul titre Ă la gloire que d'avoir, dĂšs l'ĂÂąge de quinze ans, Ă©mis cette maxime psychologique " Les Ă©vĂ©nements qui attestent l'action de l'HumanitĂ©, et qui sont le produit de son intelligence, ont des causes dans lesquelles ils sont prĂ©conçus, comme nos actions sont accomplies dans notre pensĂ©e avant de se reproduire au dehors ; les pressentiments ou les prophĂ©ties sont l' aperçu de ces causes ; " je crois qu'il faudrait dĂ©plorer en lui la perte d'un gĂ©nie Ă©gal Ă celui des Pascal, des Lavoisier, des Laplace. Peut-ĂÂȘtre ses chimĂšres sur les anges dominĂšrent-elles trop longtemps ses travaux ; mais n'est-ce pas en cherchant Ă faire de l'or que les savants ont insensiblement créé la Chimie ? Cependant, si plus tard Lambert Ă©tudia l'anatomie comparĂ©e, la physique, la gĂ©omĂ©trie et les sciences qui se rattachaient Ă ses dĂ©couvertes, il eut nĂ©cessairement l'intention de rassembler des faits et de procĂ©der par l'analyse, seul flambeau qui puisse nous guider aujourd'hui Ă travers les obscuritĂ©s de la moins saisissable des natures. Il avait certes trop de sens pour rester dans les nuages des thĂ©ories, qui toutes peuvent se traduire en quelques mots. Aujourd'hui, la dĂ©monstration la plus simple appuyĂ©e sur les faits n'est-elle pas plus prĂ©cieuse que ne le sont les plus beaux systĂšmes dĂ©fendus par des inductions plus ou moins ingĂ©nieuses ? Mais ne l'ayant pas connu pendant l'Ă©poque de sa vie oĂÂč il dut rĂ©flĂ©chir avec le plus de fruit, je ne puis que conjecturer la portĂ©e de ses oeuvres d'aprĂšs celle de ses premiĂšres mĂ©ditations. Il est facile de saisir en quoi pĂ©chait son traitĂ© de la VolontĂ©. Quoique douĂ© dĂ©jĂ des qualitĂ©s qui distinguent les hommes supĂ©rieurs, il Ă©tait encore enfant. Quoique riche et habile aux abstractions, son cerveau se ressentait encore des dĂ©licieuses croyances qui flottent autour de toutes les jeunesses. Sa conception touchait donc aux fruits mĂ»rs de son gĂ©nie par quelques points, et par une foule d'autres elle se rapprochait de la petitesse des germes. A quelques esprits amoureux de poĂ©sie, son plus grand dĂ©faut eĂ»t semblĂ© une qualitĂ© savoureuse. Son oeuvre portait les marques de la lutte que se livraient dans cette belle ĂÂąme ces deux grands principes, le Spiritualisme, le MatĂ©rialisme, autour desquels ont tournĂ© tant de beaux gĂ©nies, sans qu'aucun d'eux ait osĂ© les fondre en un seul. D'abord spiritualiste pur, Louis avait Ă©tĂ© conduit invinciblement Ă reconnaĂtre la matĂ©rialitĂ© de la pensĂ©e. Battu par les faits de l'analyse au moment oĂÂč son coeur lui faisait encore regarder avec amour les nuages Ă©pars dans les cieux de Swedenborg, il ne se trouvait pas encore de force Ă produire un systĂšme unitaire, compacte, fondu d'un seul jet. De lĂ venaient quelques contradictions empreintes jusque dans l'esquisse que je trace de ses premiers essais. Quelque incomplet que fĂ»t son ouvrage, n'Ă©tait-il pas le brouillon d'une science dont, plus tard, il aurait approfondi les mystĂšres, assurĂ© les bases, recherchĂ©, dĂ©duit et enchaĂnĂ© les dĂ©veloppements ? Six mois aprĂšs la confiscation du traitĂ© sur la VolontĂ©, je quittai le collĂšge. Notre sĂ©paration fut brusque. Ma mĂšre, alarmĂ©e d'une fiĂšvre qui depuis quelque temps ne me quittait pas, et Ă laquelle mon inaction corporelle donnait les symptĂÂŽmes du coma, m'enleva du collĂšge en quatre ou cinq heures. A l'annonce de mon dĂ©part, Lambert devint d'une tristesse effrayante. Nous nous cachĂÂąmes pour pleurer. - Te reverrai-je jamais ? me dit-il de sa voix douce en me serrant dans ses bras. - Tu vivras, toi, reprit-il ; mais moi, je mourrai. Si je le peux, je t'apparaĂtrai. Il faut ĂÂȘtre jeune pour prononcer de telles paroles avec un accent de conviction qui les fait accepter comme un prĂ©sage, comme une promesse dont l'effroyable accomplissement sera redoutĂ©. Pendant longtemps, j'ai pensĂ© vaguement Ă cette apparition promise. Il est encore certains jours de spleen, de doute, de terreur, de solitude, oĂÂč je suis obligĂ© de chasser les souvenirs de cet adieu mĂ©lancolique, qui cependant ne devait pas ĂÂȘtre le dernier. Lorsque je traversai la cour par laquelle nous sortions, Lambert Ă©tait collĂ© Ă l'une des fenĂÂȘtres grillĂ©es du rĂ©fectoire pour me voir passer. Sur mon dĂ©sir, ma mĂšre obtint la permission de le faire dĂner avec nous Ă l'auberge. A mon tour, le soir, je le ramenai au seuil fatal du collĂšge. Jamais amant et maĂtresse ne versĂšrent en se sĂ©parant plus de larmes que nous n'en rĂ©pandĂmes. - Adieu donc ! je vais ĂÂȘtre seul dans ce dĂ©sert, me dit-il en me montrant les cours oĂÂč deux cents enfants jouaient et criaient. Quand je reviendrai fatiguĂ©, demi-mort de mes longues courses Ă travers les champs de la pensĂ©e, dans quel coeur me reposerai-je ? Un regard me suffisait pour te dire tout. Qui donc maintenant me comprendra ? Adieu ! je voudrais ne t'avoir jamais rencontrĂ©, je ne saurais pas tout ce qui va me manquer. - Et moi, lui dis-je, que deviendrai-je ? ma situation n'est-elle pas plus affreuse ? je n'ai rien lĂ pour me consoler, ajoutai-je en me frappant le front. Il hocha la tĂÂȘte par un mouvement empreint d'une grĂÂące pleine de tristesse, et nous nous quittĂÂąmes. En ce moment, Louis Lambert avait cinq pieds deux pouces, il n'a plus grandi. Sa physionomie, devenue largement expressive, attestait la bontĂ© de son caractĂšre. Une patience divine dĂ©veloppĂ©e par les mauvais traitements, une concentration continuelle exigĂ©e par sa vie contemplative, avaient dĂ©pouillĂ© son regard de cette audacieuse fiertĂ© qui plaĂt dans certaines figures, et par laquelle il savait accabler nos RĂ©gents. Sur son visage Ă©clataient des sentiments paisibles, une sĂ©rĂ©nitĂ© ravissante que n'altĂ©rait jamais rien d'ironique ou de moqueur, car sa bienveillance native tempĂ©rait la conscience de sa force et de sa supĂ©rioritĂ©. Il avait de jolies mains, bien effilĂ©es, presque toujours humides. Son corps Ă©tait une merveille digne de la sculpture ; mais nos uniformes gris de fer Ă boutons dorĂ©s, nos culottes courtes, nous donnaient une tournure si disgracieuse, que le fini des proportions de Lambert et sa morbidesse ne pouvaient s'apercevoir qu'au bain. Quand nous nagions dans notre bassin du Loir, Louis se distinguait par la blancheur de sa peau, qui tranchait sur les diffĂ©rents tons de chair de nos camarades, tous marbrĂ©s par le froid ou violacĂ©s par l'eau. DĂ©licat de formes, gracieux de pose, doucement colorĂ©, ne frissonnant pas hors de l'eau, peut-ĂÂȘtre parce qu'il Ă©vitait l'ombre et courait toujours au soleil, Louis ressemblait Ă ces fleurs prĂ©voyantes qui ferment leurs calices Ă la bise, et ne veulent s'Ă©panouir que sous un ciel pur. Il mangeait trĂšs peu, ne buvait que de l'eau ; puis, soit par instinct, soit par goĂ»t, il se montrait sobre [Coquille dans l'Ă©dition Furne qui Ă©crit sombre ] de tout mouvement qui voulait une dĂ©pense de force ; ses gestes Ă©taient rares et simples comme le sont ceux des Orientaux ou des Sauvages, chez lesquels la gravitĂ© semble ĂÂȘtre un Ă©tat naturel. GĂ©nĂ©ralement, il n'aimait pas tout ce qui ressemblait Ă de la recherche pour sa personne. Il penchait assez habituellement sa tĂÂȘte Ă gauche, et restait si souvent accoudĂ©, que les manches de ses habits neufs Ă©taient promptement percĂ©es. A ce lĂ©ger portrait de l'homme, je dois ajouter une esquisse de son moral, car je crois aujourd'hui pouvoir impartialement en juger. Quoique naturellement religieux, Louis n'admettait pas les minutieuses pratiques de l'Eglise romaine ; ses idĂ©es sympathisaient plus particuliĂšrement avec celles de sainte ThĂ©rĂšse et de FĂ©nelon, avec celles de plusieurs PĂšres et de quelques saints, qui de nos jours seraient traitĂ©s d'hĂ©rĂ©siarques et d'athĂ©es. Il Ă©tait impassible durant les offices. Sa priĂšre procĂ©dait par des Ă©lancements, par des Ă©lĂ©vations d'ĂÂąme qui n'avaient aucun mode rĂ©gulier ; il se laissait aller en tout Ă la nature, et ne voulait pas plus prier que penser Ă heure fixe. Souvent, Ă la chapelle, il pouvait aussi bien songer Ă Dieu que mĂ©diter sur quelque idĂ©e philosophique. JĂ©sus-Christ Ă©tait pour lui le plus beau type de son systĂšme. Le Et verbum caro factum est ! lui semblait une sublime parole destinĂ©e Ă exprimer la formule traditionnelle de la VolontĂ©, du Verbe, de l'Action se faisant visibles. Le Christ ne s'apercevant pas de sa mort, ayant assez perfectionnĂ© l'ĂÂȘtre intĂ©rieur par des oeuvres divines pour qu'un jour la forme invisible en apparĂ»t Ă ses disciples, enfin les mystĂšres de l'Evangile, les guĂ©risons magnĂ©tiques du Christ et le don des langues lui confirmaient sa doctrine. Je me souviens de lui avoir entendu dire Ă ce sujet que le plus bel ouvrage Ă faire aujourd'hui Ă©tait l'Histoire de l'Eglise primitive. Jamais il ne s'Ă©levait autant vers la poĂ©sie qu'au moment oĂÂč il abordait, dans une conversation du soir, l'examen des miracles opĂ©rĂ©s par la puissance de la VolontĂ© pendant cette grande Ă©poque de foi. Il trouvait les plus fortes preuves de sa ThĂ©orie dans presque tous les martyres subis pendant le premier siĂšcle de l'Eglise, qu'il appelait la grande Ăšre de la pensĂ©e. - " Les phĂ©nomĂšnes arrivĂ©s dans la plupart des supplices si hĂ©roĂÂŻquement soufferts par les chrĂ©tiens pour l'Ă©tablissement de leurs croyances ne prouvent-ils pas, disait-il, que les forces matĂ©rielles ne prĂ©vaudront jamais contre la force des idĂ©es ou contre la VolontĂ© de l'homme ? Chacun peut conclure de cet effet produit par la volontĂ© de tous, en faveur de la sienne. " Je ne crois pas devoir parler de ses idĂ©es sur la poĂ©sie et sur l'histoire, ni de ses jugements sur les chefs-d'oeuvre de notre langue. Il n'y aurait rien de bien curieux Ă consigner ici des opinions devenues presque vulgaires aujourd'hui, mais qui, dans la bouche d'un enfant, pouvaient alors paraĂtre extraordinaires. Louis Ă©tait Ă la hauteur de tout. Pour exprimer en deux mots son talent, il eĂ»t Ă©crit Zadig aussi spirituellement que l'Ă©crivit Voltaire ; il aurait aussi fortement que Montesquieu pensĂ© le dialogue de Sylla et d'Eucrate. La grande rectitude de ses idĂ©es lui faisait dĂ©sirer avant tout, dans une oeuvre, un caractĂšre d'utilitĂ© ; de mĂÂȘme que son esprit fin y exigeait la nouveautĂ© de la pensĂ©e autant que celle de la forme. Tout ce qui ne remplissait pas ces conditions lui causait un profond dĂ©goĂ»t. L'une de ses apprĂ©ciations littĂ©raires les plus remarquables, et qui fera comprendre le sens de toutes les autres aussi bien que la luciditĂ© de ses jugements, est celle-ci, qui m'est restĂ©e dans la mĂ©moire " L'Apocalypse est une extase Ă©crite. " Il considĂ©rait la Bible comme une portion de l'histoire traditionnelle des peuples antĂ©diluviens, qui s'Ă©tait partagĂ©e l'humanitĂ© nouvelle. Pour lui, la mythologie des Grecs tenait Ă la fois de la Bible hĂ©braĂÂŻque et des Livres sacrĂ©s de l'Inde, que cette nation amoureuse de grĂÂące avait traduits Ă sa maniĂšre. - Il est impossible, disait-il, de rĂ©voquer en doute la prioritĂ© des Ecritures asiatiques sur nos Ecritures saintes. Pour qui sait reconnaĂtre avec bonne foi ce point historique, le monde s'Ă©largit Ă©trangement. N'est-ce pas sur le plateau de l'Asie que se sont rĂ©fugiĂ©s les quelques hommes qui ont pu survivre Ă la catastrophe subie par notre globe, si toutefois les hommes existaient avant ce renversement ou ce choc question grave dont la solution est Ă©crite au fond des mers. L'anthropogonie de la Bible n'est donc que la gĂ©nĂ©alogie d'un essaim sorti de la ruche humaine qui se suspendit aux flancs montagneux du Thibet, entre les sommets de l'Himalaya et ceux du Caucase. Le caractĂšre des idĂ©es premiĂšres de la horde que son lĂ©gislateur nomma le peuple de Dieu, sans doute pour lui donner de l'unitĂ©, peut-ĂÂȘtre aussi pour lui faire conserver ses propres lois et son systĂšme de gouvernement, car les livres de MoĂÂŻse sont un code religieux, politique et civil ; ce caractĂšre est marquĂ© au coin de la terreur la convulsion du globe est interprĂ©tĂ©e comme une vengeance d'en haut par des pensĂ©es gigantesques. Enfin, ne goĂ»tant aucune des douceurs que trouve un peuple assis dans une terre patriarcale, les malheurs de cette peuplade en voyage ne lui ont dictĂ© que des poĂ©sies sombres, majestueuses et sanglantes. Au contraire, le spectacle des promptes rĂ©parations de la terre, les effets prodigieux du soleil dont les premiers tĂ©moins furent les Hindous, leur ont inspirĂ© les riantes conceptions de l'amour heureux, le culte du feu, les personnifications infinies de la reproduction. Ces magnifiques images manquent Ă l'oeuvre des HĂ©breux. Un constant besoin de conservation, Ă travers les dangers et les pays parcourus jusqu'au lieu du repos, engendra le sentiment exclusif de ce peuple, et sa haine contre les autres nations. Ces trois Ecritures sont les archives du monde englouti. LĂ est le secret des grandeurs inouĂÂŻes de ces langages et de leurs mythes. Une grande histoire humaine gĂt sous ces noms d'hommes et de lieux, sous ces fictions qui nous attachent irrĂ©sistiblement, sans que nous sachions pourquoi. Peut-ĂÂȘtre y respirons-nous l'air natal de notre nouvelle humanitĂ©. Pour lui cette triple littĂ©rature impliquait donc toutes les pensĂ©es de l'homme. Il ne se faisait pas un livre, selon lui, dont le sujet ne s'y pĂ»t trouver en germe. Cette opinion montre combien ses premiĂšres Ă©tudes sur la Bible furent savamment creusĂ©es, et jusqu'oĂÂč elles le menĂšrent. Planant toujours au-dessus de la sociĂ©tĂ©, qu'il ne connaissait que par les livres, il la jugeait froidement. - " Les lois, disait-il, n'y arrĂÂȘtent jamais les entreprises des grands ou des riches, et frappent les petits, qui ont au contraire besoin de protection. " Sa bontĂ© ne lui permettait donc pas de sympathiser avec les idĂ©es politiques ; mais son systĂšme conduisait Ă l'obĂ©issance passive dont l'exemple fut donnĂ© par JĂ©sus-Christ. Pendant les derniers moments de mon sĂ©jour Ă VendĂÂŽme, Louis ne sentait plus l'aiguillon de la gloire, il avait, en quelque sorte, abstractivement joui de la renommĂ©e ; et aprĂšs l'avoir ouverte, comme les anciens sacrificateurs qui cherchaient l'avenir au coeur des hommes, il n'avait rien trouvĂ© dans les entrailles de cette ChimĂšre. MĂ©prisant donc un sentiment tout personnel - La gloire, me disait-il, est l'Ă©goĂÂŻsme divinisĂ©. Ici peut-ĂÂȘtre, avant de quitter cette enfance exceptionnelle, dois-je la juger par un rapide coup d'oeil. Quelque temps avant notre sĂ©paration, Lambert me disait - " A part les lois gĂ©nĂ©rales dont la formule sera peut ĂÂȘtre ma gloire, et qui doivent ĂÂȘtre celles de notre organisme, la vie de l'homme est un mouvement qui se rĂ©sout plus particuliĂšrement, en chaque ĂÂȘtre, au grĂ© de je ne sais quelle influence, par le Cerveau, par le Coeur, ou par le Nerf. Des trois constitutions reprĂ©sentĂ©es par ces mots vulgaires, dĂ©rivent les modes infinis de l'HumanitĂ©, qui tous rĂ©sultent des proportions dans lesquelles ces trois principes gĂ©nĂ©rateurs se trouvent plus ou moins bien combinĂ©s avec les substances qu'ils s'assimilent dans les milieux oĂÂč ils vivent. " Il s'arrĂÂȘta, se frappa le front, et me dit - Singulier fait ! chez tous les grands hommes dont les portraits ont frappĂ© mon attention, le col est court. Peut-ĂÂȘtre la Nature veut-elle que chez eux le coeur soit plus prĂšs du cerveau. Puis il reprit De lĂ procĂšde un certain ensemble d'actes qui compose l'existence sociale. A l'homme de Nerf, l'Action ou la force ; Ă l'homme de Cerveau, le GĂ©nie ; Ă l'homme de Coeur, la foi. Mais, ajouta-t-il tristement, Ă la Foi, les NuĂ©es du Sanctuaire ; Ă l'Ange seul, la ClartĂ©. Donc, suivant ses propres dĂ©finitions, Lambert fut tout coeur et tout cerveau. Pour moi, la vie de son intelligence s'est scindĂ©e en trois phases. Soumis, dĂšs l'enfance, Ă une prĂ©coce activitĂ©, due sans doute Ă quelque maladie ou Ă quelque perfection de ses organes ; dĂšs l'enfance, ses forces se rĂ©sumĂšrent par le jeu de ses sens intĂ©rieurs et par une surabondante production de fluide nerveux. Homme d'idĂ©es, il lui fallut Ă©tancher la soif de son cerveau qui voulait s'assimiler toutes les idĂ©es. De lĂ , ses lectures ; et, de ses lectures, ses rĂ©flexions qui lui donnĂšrent le pouvoir de rĂ©duire les choses Ă leur plus simple expression, de les absorber en lui-mĂÂȘme pour les y Ă©tudier dans leur essence. Les bĂ©nĂ©fices de cette magnifique pĂ©riode, accomplie chez les autres hommes aprĂšs de longues Ă©tudes seulement, Ă©churent donc Ă Lambert pendant son enfance corporelle ; enfance heureuse, enfance colorĂ©e par les studieuses fĂ©licitĂ©s du poĂšte. Le terme oĂÂč arrivent la plupart des cerveaux fut le point d'oĂÂč le sien devait partir un jour Ă la recherche de quelques nouveaux mondes d'intelligence. LĂ , sans le savoir encore, il s'Ă©tait créé la vie la plus exigeante et, de toutes, la plus avidement insatiable. Pour exister, ne lui fallait-il pas jeter sans cesse une pĂÂąture Ă l'abĂme qu'il avait ouvert en lui ? Semblable Ă certains ĂÂȘtres des rĂ©gions mondaines, ne pouvait-il pĂ©rir faute d'aliments pour d'excessifs appĂ©tits trompĂ©s ? N'Ă©tait-ce pas la dĂ©bauche importĂ©e dans l'ĂÂąme, et qui devait la faire arriver, comme les corps saturĂ©s d'alcool, Ă quelque combustion instantanĂ©e ? Cette premiĂšre phase cĂ©rĂ©brale me fut inconnue ; aujourd'hui seulement, je puis m'en expliquer ainsi les prodigieuses fructifications et les effets. Lambert avait alors treize ans. Je fus assez heureux pour assister aux premiers jours du second ĂÂąge. Lambert, et cela le sauva peut-ĂÂȘtre, y tomba dans toutes les misĂšres de la vie collĂ©giale, et y dĂ©pensa la surabondance de ses pensĂ©es. AprĂšs avoir passĂ© des choses Ă leur expression pure, des mots Ă leur substance idĂ©ale, de cette substance Ă des principes ; aprĂšs avoir tout abstrait, il aspirait, pour vivre, Ă d'autres crĂ©ations intellectuelles. DomptĂ© par les malheurs du collĂšge et par les crises de sa vie physique, il demeura mĂ©ditatif, devina les sentiments, entrevit de nouvelles sciences, vĂ©ritables masses d'idĂ©es ! ArrĂÂȘtĂ© dans sa course, et trop faible encore pour contempler les sphĂšres supĂ©rieures, il se contempla intĂ©rieurement. Il m'offrit alors le combat de la pensĂ©e rĂ©agissant sur elle-mĂÂȘme et cherchant Ă surprendre les secrets de sa nature, comme un mĂ©decin qui Ă©tudierait les progrĂšs de sa propre maladie. Dans cet Ă©tat de force et de faiblesse, de grĂÂące enfantine et de puissance surhumaine, Louis Lambert est l'ĂÂȘtre qui m'a donnĂ© l'idĂ©e la plus poĂ©tique et la plus vraie de la crĂ©ature que nous appelons un ange, en exceptant toutefois une femme de qui je voudrais dĂ©rober an monde le nom, les traits, la personne et la vie, afin d'avoir Ă©tĂ© seul dans le secret de son existence et pouvoir l'ensevelir au fond de mon coeur. La troisiĂšme phase dut m'Ă©chapper. Elle commençait lorsque je fus sĂ©parĂ© de Louis, qui ne sortit du collĂšge qu'Ă l'ĂÂąge de dix-huit ans, vers le milieu de l'annĂ©e 1815. Louis avait alors perdu son pĂšre et sa mĂšre depuis environ six mois. Ne rencontrant personne dans sa famille avec qui son ĂÂąme, tout expansive mais toujours comprimĂ©e depuis notre sĂ©paration, pĂ»t sympathiser, il se rĂ©fugia chez son oncle, nommĂ© son tuteur, et qui, chassĂ© de sa cure en sa qualitĂ© de prĂÂȘtre assermentĂ©, Ă©tait venu demeurer Ă Blois. Louis y sĂ©journa pendant quelque temps. DĂ©vorĂ© bientĂÂŽt par le dĂ©sir d'achever des Ă©tudes qu'il dut trouver incomplĂštes, il vint Ă Paris pour revoir madame de StaĂl, et pour puiser la science Ă ses plus hautes sources. Le vieux prĂÂȘtre, ayant un grand faible pour son neveu, laissa Louis libre de manger son hĂ©ritage pendant un sĂ©jour de trois annĂ©es Ă Paris, quoiqu'il y vĂ©cĂ»t dans la plus profonde misĂšre. Cet hĂ©ritage consistait en quelques milliers de francs. Lambert revint Ă Blois vers le commencement de l'annĂ©e 1820, chassĂ© de Paris par les souffrances qu'y trouvent les gens sans fortune. Pendant son sĂ©jour, il dut y ĂÂȘtre souvent en proie Ă des orages secrets, Ă ces horribles tempĂÂȘtes de pensĂ©es par lesquelles les artistes sont agitĂ©s, s'il en faut juger par le seul fait que son oncle se soit rappelĂ©, par la seule lettre que le bonhomme ait conservĂ©e de toutes celles que lui Ă©crivit Ă cette Ă©poque Louis Lambert, lettre gardĂ©e peut-ĂÂȘtre parce qu'elle Ă©tait la derniĂšre et la plus longue de toutes. Voici d'abord le fait. Louis se trouvait un jour au ThĂ©ĂÂątre-Français placĂ© sur une banquette des secondes galeries, prĂšs d'un de ces piliers entre lesquels Ă©taient alors les troisiĂšmes loges. En se levant pendant le premier entr'acte, il vit une jeune femme qui venait d'arriver dans la loge voisine. La vue de cette femme, jeune et belle, bien mise, dĂ©colletĂ©e peut-ĂÂȘtre, et accompagnĂ©e d'un amant pour lequel sa figure s'animait de toutes les grĂÂąces de l'amour, produisit sur l'ĂÂąme et sur les sens de Lambert un effet si cruel qu'il fut obligĂ© de sortir de la salle. S'il n'eut profitĂ© des derniĂšres lueurs de sa raison, qui, dans le premier moment de cette brĂ»lante passion, ne s'Ă©teignit pas complĂštement, peut-ĂÂȘtre aurait-il succombĂ© au dĂ©sir presque invincible qu'il ressentit alors de tuer le jeune homme auquel s'adressaient les regards de cette femme. N'Ă©tait-ce pas dans notre monde de Paris un Ă©clair de l'amour du Sauvage qui se jette sur la femme comme sur sa proie, un effet d'instinct bestial joint Ă la rapiditĂ© des jets presque lumineux d'une ĂÂąme comprimĂ©e sous la masse de ses pensĂ©es ? Enfin n'Ă©tait-ce pas le coup de canif imaginaire ressenti par l'enfant, devenu chez l'homme le coup de foudre de son besoin le plus impĂ©rieux, l'amour. Maintenant voici la lettre dans laquelle se peint l'Ă©tat de son ĂÂąme frappĂ©e par le spectacle de la civilisation parisienne. Son coeur, sans doute constamment froissĂ© dans ce gouffre d'Ă©goĂÂŻsme, dut toujours y souffrir ; il n'y rencontra peut-ĂÂȘtre ni amis pour le consoler, ni ennemis pour donner du ton Ă sa vie. Contraint de vivre sans cesse en lui-mĂÂȘme et ne partageant avec personne ses exquises jouissances, peut-ĂÂȘtre voulait-il rĂ©soudre l'oeuvre de sa destinĂ©e par l'extase, et rester sous une forme presque vĂ©gĂ©tale, comme un anachorĂšte des premiers temps de l'Eglise, en abdiquant ainsi l'empire du monde intellectuel. La lettre semble indiquer ce projet, auquel les ĂÂąmes grandes se sont prises Ă toutes les Ă©poques de rĂ©novation sociale. Mais cette rĂ©solution n'est-elle pas alors pour certaines d'entre elles l'effet d'une vocation ? ne cherchent-elles pas Ă concentrer leurs forces dans un long silence, afin d'en sortir propres Ă gouverner le monde, par la Parole ou par l'Action ? Certes, Louis avait dĂ» recueillir bien de l'amertume parmi les hommes, ou presser la sociĂ©tĂ© par quelque terrible ironie sans pouvoir en rien tirer, pour jeter une si vigoureuse clameur, pour arriver, lui pauvre ! au dĂ©sir que la lassitude de la puissance et de toute chose a fait accomplir Ă certains souverains. Peut-ĂÂȘtre aussi venait-il achever dans la solitude quelque grande oeuvre qui flottait indĂ©cise dans son cerveau ? Qui ne le croirait volontiers en lisant ce fragment de ses pensĂ©es oĂÂč se trahissent les combats de son ĂÂąme au moment oĂÂč cessait pour lui la jeunesse, oĂÂč commençait Ă Ă©clore la terrible facultĂ© de produire Ă laquelle auraient Ă©tĂ© dues les oeuvres de l'homme ? Cette lettre est en rapport avec l'aventure arrivĂ©e au thĂ©ĂÂątre. Le Fait et l'Ecrit s'illuminent rĂ©ciproquement, l'ĂÂąme et le corps s'Ă©taient mis au mĂÂȘme ton. Cette tempĂÂȘte de doutes et d'affirmations, de nuages et d'Ă©clairs qui souvent laisse Ă©chapper la foudre, et qui finit par une aspiration affamĂ©e vers la lumiĂšre cĂ©leste, jette assez de clartĂ© sur la troisiĂšme Ă©poque de son Ă©ducation morale pour la faire comprendre en entier. En lisant ces pages Ă©crites au hasard, prises et reprises suivant les caprices de la vie parisienne, ne semble-t-il pas voir un chĂÂȘne pendant le temps oĂÂč son accroissement intĂ©rieur fait crever sa jolie peau verte, le couvre de rugositĂ©s, de fissures, et oĂÂč se prĂ©pare sa forme majestueuse, si toutefois le tonnerre du ciel ou la hache de l'homme le respectent ! A cette lettre finira donc, pour le penseur comme pour le poĂšte, cette enfance grandiose et cette jeunesse incomprise. LĂ se termine le contour de ce germe moral les philosophes en regretteront les frondaisons atteintes par la gelĂ©e dans leurs bourgeons ; mais sans doute ils en verront les fleurs Ă©closes dans des rĂ©gions plus Ă©levĂ©es que ne le sont les plus hauts lieux de la terre. Paris, septembre-novembre 1819. " Cher oncle, je vais bientĂÂŽt quitter ce pays, oĂÂč je ne saurais vivre. Je n'y vois aucun homme aimer ce que j'aime, s'occuper de ce qui m'occupe, s'Ă©tonner de ce qui m'Ă©tonne. ForcĂ© de me replier sur moi-mĂÂȘme, je me creuse et souffre. La longue et patiente Ă©tude que je viens de faire de cette SociĂ©tĂ© donne des conclusions tristes oĂÂč le doute domine. Ici le point de dĂ©part en tout est l'argent. Il faut de l'argent, mĂÂȘme pour se passer d'argent. Mais quoique ce mĂ©tal soit nĂ©cessaire Ă qui veut penser tranquillement, je ne me sens pas le courage de le rendre l'unique mobile de mes pensĂ©es. Pour amasser une fortune, il faut choisir un Ă©tat ; en un mot, acheter par quelque privilĂšge de position ou d'achalandage, par un privilĂšge lĂ©gal ou fort habilement créé, le droit de prendre chaque jour, dans la bourse d'autrui, une somme assez mince qui, chaque annĂ©e, produit un petit capital ; lequel par vingt annĂ©es donne Ă peine quatre ou cinq mille francs de rente quand un homme se conduit honnĂÂȘtement. En quinze ou seize ans et aprĂšs son apprentissage, l'avouĂ©, le notaire, le marchand, tous les travailleurs patentĂ©s ont gagnĂ© du pain pour leurs vieux jours. Je ne me suis senti propre Ă rien en ce genre. Je prĂ©fĂšre la pensĂ©e Ă l'action, une idĂ©e Ă une affaire, la contemplation au mouvement. Je manque essentiellement de la constante attention nĂ©cessaire Ă qui veut faire fortune. Toute entreprise mercantile, toute obligation de demander de l'argent Ă autrui, me conduirait Ă mal, et je serais bientĂÂŽt ruinĂ©. Si je n'ai rien, au moins ne dois-je rien en ce moment. Il faut matĂ©riellement peu Ă celui qui vit pour accomplir de grandes choses dans l'ordre moral ; mais quoique vingt sous par jour puissent me suffire, je ne possĂšde pas la rente de cette oisivetĂ© travailleuse. Si je veux mĂ©diter, le besoin me chasse hors du sanctuaire oĂÂč se meut ma pensĂ©e. Que vais-je devenir ? La misĂšre ne m'effraie pas. Si l'on n'emprisonnait, si l'on ne flĂ©trissait, si l'on ne mĂ©prisait point les mendiants, je mendierais pour pouvoir rĂ©soudre Ă mon aise les problĂšmes qui m'occupent. Mais cette sublime rĂ©signation par laquelle je pourrais Ă©manciper ma pensĂ©e en la libĂ©rant de mon corps ne servirait Ă rien il faut encore de l'argent pour se livrer Ă certaines expĂ©riences. Sans cela, j'eusse acceptĂ© l'indigence apparente d'un penseur qui possĂšde la terre et le ciel. Pour ĂÂȘtre grand dans la misĂšre, il suffit de ne jamais s'avilir. L'homme qui combat et souffre en marchant vers un noble but, prĂ©sente certes un beau spectacle ; mais ici qui se sent la force de lutter ? On escalade des rochers, on ne peut pas toujours piĂ©tiner dans la boue. Ici tout dĂ©courage le vol en droite ligne d'un esprit qui tend Ă l'avenir. Je ne me craindrais pas dans une grotte au dĂ©sert, et je me crains ici. Au dĂ©sert, je serais avec moi-mĂÂȘme sans distraction ; ici, l'homme Ă©prouve une foule de besoins qui le rapetissent. Quand vous ĂÂȘtes sorti rĂÂȘveur, prĂ©occupĂ©, la voix du pauvre vous rappelle au milieu de ce monde de faim et de soif, en vous demandant l'aumĂÂŽne. Il faut de l'argent pour se promener. Les organes, incessamment fatiguĂ©s par des riens, ne se reposent jamais. La nerveuse disposition du poĂšte est ici sans cesse Ă©branlĂ©e et ce qui doit faire sa gloire devient son tourment son imagination y est sa plus cruelle ennemie. Ici l'ouvrier blessĂ©, l'indigente en couches, la fille publique devenue malade, l'enfant abandonnĂ©, le vieillard infirme, les vices, le crime lui-mĂÂȘme trouvent un asile et des soins ; tandis que le monde est impitoyable pour l'inventeur, pour tout homme qui mĂ©dite. Ici, tout doit avoir un rĂ©sultat immĂ©diat, rĂ©el ; l'on s'y moque des essais d'abord infructueux qui peuvent mener aux plus grandes dĂ©couvertes, et l'on n'y estime pas cette Ă©tude constante et profonde qui veut une longue concentration des forces. L'Etat pourrait solder le Talent, comme il solde la BaĂÂŻonnette ; mais il tremble d'ĂÂȘtre trompĂ© par l'homme d'intelligence, comme si l'on pouvait longtemps contrefaire le gĂ©nie. Ah ! mon oncle, quand on a dĂ©truit les solitudes conventuelles, assises au pied des monts, sous des ombrages verts et silencieux, ne devait-on pas construire des hospices pour les ĂÂąmes souffrantes qui par une seule pensĂ©e engendrent le mieux des nations, ou prĂ©parent les progrĂšs d'une science ? " 20 septembre. " L'Ă©tude m'a conduit ici, vous le savez ; j'y ai trouvĂ© des hommes vraiment instruits, Ă©tonnants pour la plupart ; mais l'absence d'unitĂ© dans les travaux scientifiques annule presque tous les efforts. Ni l'enseignement, ni la science n'ont de chef. Vous entendez au MusĂ©um un professeur prouvant que celui de la rue Saint-Jacques vous a dit d'absurdes niaiseries. L'homme de l'Ecole de MĂ©decine soufflette celui du collĂšge de France. A mon arrivĂ©e, je suis allĂ© entendre un vieil acadĂ©micien qui disait Ă cinq cents jeunes gens que Corneille est un gĂ©nie vigoureux et fier, Racine Ă©lĂ©giaque et tendre, MoliĂšre inimitable, Voltaire Ă©minemment spirituel, Bossuet et Pascal dĂ©sespĂ©rĂ©ment forts. Un professeur de philosophie devient illustre, en expliquant comment Platon est Platon. Un autre fait l'histoire des mots sans penser aux idĂ©es. Celui-ci vous explique Eschyle, celui-lĂ prouve assez victorieusement que les Communes Ă©taient les Communes et pas autre chose. Ces aperçus nouveaux et lumineux, paraphrasĂ©s pendant quelques heures, constituent le haut enseignement qui doit faire faire des pas de gĂ©ant aux connaissances humaines. Si le gouvernement avait une pensĂ©e, je le soupçonnerais d'avoir peur des supĂ©rioritĂ©s rĂ©elles qui, rĂ©veillĂ©es, mettraient la sociĂ©tĂ© sous le joug d'un pouvoir intelligent. Les nations iraient trop loin trop tĂÂŽt, les professeurs sont alors chargĂ©s de faire des sots. Comment expliquer autrement un professorat sans mĂ©thode, sans une idĂ©e d'avenir ? L'Institut pouvait ĂÂȘtre le grand gouvernement du monde moral et intellectuel ; mais il a Ă©tĂ© rĂ©cemment brisĂ© par sa constitution en acadĂ©mies sĂ©parĂ©es. La science humaine marche donc sans guide, sans systĂšme et flotte au hasard, sans s'ĂÂȘtre tracĂ© de route. Ce laisser-aller, cette incertitude existe en politique comme en science. Dans l'ordre naturel, les moyens sont simples, la fin est grande et merveilleuse ; ici, dans la science comme dans le gouvernement, les moyens sont immenses, la fin est petite. Cette force qui, dans la Nature, marche d'un pas Ă©gal et dont la somme s'ajoute perpĂ©tuellement Ă elle-mĂÂȘme, cet A + A qui produit tout, est destructif dans la SociĂ©tĂ©. La politique actuelle oppose les unes aux autres les forces humaines pour les neutraliser, au lieu de les combiner pour les faire agir dans un but quelconque. En s'en tenant Ă l'Europe, depuis CĂ©sar jusqu'Ă Constantin, du petit Constantin au grand Attila, des Huns Ă Charlemagne, de Charlemagne Ă LĂ©on X, de LĂ©on X Ă Philippe II, de Philippe II Ă Louis XIV, de Venise Ă l'Angleterre, de l'Angleterre Ă NapolĂ©on, de NapolĂ©on Ă l'Angleterre, je ne vois aucune fixitĂ© dans la politique, et son agitation constante n'a procurĂ© nul progrĂšs. Les nations tĂ©moignent de leur grandeur par des monuments, ou de leur bonheur par le bien-ĂÂȘtre individuel. Les monuments modernes valent-ils les anciens ? j'en doute. Les arts qui participent plus immĂ©diatement de l'homme individuel, les productions de son gĂ©nie ou de sa main ont peu gagnĂ©. Les jouissances de Lucullus valaient bien celles de Samuel Bernard, de Beaujon ou du roi de BaviĂšre. Enfin, la longĂ©vitĂ© humaine a perdu. Pour qui veut ĂÂȘtre de bonne foi, rien n'a donc changĂ©, l'homme est le mĂÂȘme la force est toujours son unique loi, le succĂšs sa seule sagesse. JĂ©sus-Christ, Mahomet, Luther n'ont fait que colorer diffĂ©remment le cercle dans lequel les jeunes nations ont fait leurs Ă©volutions. Nulle politique n'a empĂÂȘchĂ© la Civilisation, ses richesses, ses moeurs, son contrat entre les forts contre les faibles, ses idĂ©es et ses voluptĂ©s d'aller de Memphis Ă Tyr, de Tyr Ă Balbeck, de Tedmor Ă Carthage, de Carthage Ă Rome, de Rome Ă Constantinople, de Constantinople Ă Venise, de Venise en Espagne, d'Espagne en Angleterre, sans que nul vestige n'existe de Memphis, de Tyr, de Carthage, de Rome, de Venise ni de Madrid. L'esprit de ces grands corps s'est envolĂ©. Nul ne s'est prĂ©servĂ© de la ruine et n'a devinĂ© cet axiome Quand l'effet produit n'est plus en rapport avec sa cause, il y a dĂ©sorganisation. Le gĂ©nie le plus subtil ne peut dĂ©couvrir aucune liaison entre ces grands faits sociaux. Aucune thĂ©orie politique n'a vĂ©cu. Les gouvernements passent comme les hommes, sans se transmettre aucun enseignement, et nul systĂšme n'engendre un systĂšme plus parfait. Que conclure de la politique, quand le gouvernement appuyĂ© sur Dieu a pĂ©ri dans l'Inde et en Egypte ; quand le gouvernement du sabre et de la tiare a passĂ© ; quand le gouvernement d'un seul est mort ; quand le gouvernement de tous n'a jamais pu vivre ; quand aucune conception de la force intelligentielle, appliquĂ©e aux intĂ©rĂÂȘts matĂ©riels, n'a pu durer, et que tout est Ă refaire aujourd'hui comme Ă toutes les Ă©poques oĂÂč l'homme s'est Ă©criĂ© Je souffre ! Le code que l'on regarde comme la plus belle oeuvre de NapolĂ©on, est l'oeuvre la plus draconienne que je sache. La divisibilitĂ© territoriale poussĂ©e Ă l'infini, dont le principe y est consacrĂ© par le partage Ă©gal des biens, doit engendrer l'abĂÂątardissement de la nation, la mort des arts et celle des sciences. Le sol trop divisĂ© se cultive en cĂ©rĂ©ales, en petits vĂ©gĂ©taux ; les forĂÂȘts et partant les cours d'eau disparaissent ; il ne s'Ă©lĂšve plus ni boeufs, ni chevaux. Les moyens manquent pour l'attaque comme pour la rĂ©sistance. Vienne une invasion ; le peuple est Ă©crasĂ©, il a perdu ses grands ressorts, il a perdu ses chefs. Et voilĂ l'histoire des dĂ©serts ! La politique est donc une science sans principes arrĂÂȘtĂ©s, sans fixitĂ© possible ; elle est le gĂ©nie du moment, l'application constante de la force, suivant la nĂ©cessitĂ© du jour. L'homme qui verrait Ă deux siĂšcles de distance mourrait sur la place publique chargĂ© des imprĂ©cations du peuple ; ou serait, ce qui me semble pis, flagellĂ© par les mille fouets du ridicule. Les nations sont des individus qui ne sont ni plus sages ni plus forts que ne l'est l'homme, et leurs destinĂ©es sont les mĂÂȘmes. RĂ©flĂ©chir sur celui-ci, n'est-ce pas s'occuper de celles-lĂ . Au spectacle de cette sociĂ©tĂ© sans cesse tourmentĂ©e dans ses bases comme dans ses effets, dans ses causes comme dans son action, chez laquelle la philanthropie est une magnifique erreur, et le progrĂšs un non-sens, j'ai gagnĂ© la confirmation de cette vĂ©ritĂ©, que la vie est en nous et non au dehors ; que s'Ă©lever au-dessus des hommes pour leur commander est le rĂÂŽle agrandi d'un rĂ©gent de classe ; et que les hommes assez forts pour monter jusqu'Ă la ligne oĂÂč ils peuvent jouir du coup d'oeil des mondes, ne doivent pas regarder Ă leurs pieds. " 5 novembre. " Je suis assurĂ©ment occupĂ© de pensĂ©es graves, je marche Ă certaines dĂ©couvertes, une force invincible m'entraĂne vers une lumiĂšre qui a brillĂ© de bonne heure dans les tĂ©nĂšbres de ma vie morale ; mais quel nom donner Ă la puissance qui me lie les mains, me ferme la bouche, et m'entraĂne en sens contraire Ă ma vocation ? Il faut quitter Paris, dire adieu aux livres des bibliothĂšques, Ă ces beaux foyers de lumiĂšre, Ă ces savants si complaisants, si accessibles, Ă ces jeunes gĂ©nies avec lesquels je sympathisais. Qui me repousse ? est-ce le Hasard, est-ce la Providence ? Les deux idĂ©es que reprĂ©sentent ces mots sont inconciliables. Si le Hasard n'est pas, il faut admettre le Fatalisme, ou la coordination forcĂ©e des choses soumises Ă un plan gĂ©nĂ©ral. Pourquoi donc rĂ©sisterions-nous ? Si l'homme n'est plus libre, que devient l'Ă©chafaudage de sa morale ? Et s'il peut faire sa destinĂ©e, s'il peut par son libre arbitre arrĂÂȘter l'accomplissement du plan gĂ©nĂ©ral, que devient Dieu ? Pourquoi suis-je venu ? Si je m'examine, je le sais je trouve en moi des textes Ă dĂ©velopper ; mais alors pourquoi possedĂ©-je d'Ă©normes facultĂ©s sans pouvoir en user ? Si mon supplice servait Ă quelque exemple, je le concevrais ; mais non, je souffre obscurĂ©ment. Ce rĂ©sultat est aussi providentiel que peut l'ĂÂȘtre le sort de la fleur inconnue qui meurt au fond d'une forĂÂȘt vierge sans que personne en sente les parfums ou en admire l'Ă©clat. De mĂÂȘme qu'elle exhale vainement ses odeurs dans la solitude, j'enfante ici dans un grenier des idĂ©es sans qu'elles soient saisies. Hier, j'ai mangĂ© du pain et des raisins le soir, devant ma fenĂÂȘtre, avec un jeune mĂ©decin nommĂ© Meyraux. Nous avons causĂ© comme des gens que le malheur a rendus frĂšres, et je lui ai dit - Je m'en vais, vous restez, prenez mes conceptions et dĂ©veloppez-les ! - Je ne le puis, me rĂ©pondit-il avec une amĂšre tristesse, ma santĂ© trop faible ne rĂ©sistera pas Ă mes travaux, et je dois mourir jeune en combattant la misĂšre. Nous avons regardĂ© le ciel, en nous pressant les mains. Nous nous sommes rencontrĂ©s au Cours d'anatomie comparĂ©e et dans les galeries du MusĂ©um, amenĂ©s tous deux par une mĂÂȘme Ă©tude, l'unitĂ© de la composition zoologique. Chez lui, c'Ă©tait le pressentiment du gĂ©nie envoyĂ© pour ouvrir une nouvelle route dans les friches de l'intelligence ; chez moi, c'Ă©tait dĂ©duction d'un systĂšme gĂ©nĂ©ral. Ma pensĂ©e est de dĂ©terminer les rapports rĂ©els qui peuvent exister entre l'homme et Dieu. N'est-ce pas une nĂ©cessitĂ© de l'Ă©poque ? Sans de hautes certitudes, il est impossible de mettre un mors Ă ces sociĂ©tĂ©s que l'esprit d'examen et de discussion a dĂ©chaĂnĂ©es et qui crient aujourd'hui - Menez-nous dans une voie oĂÂč nous marcherons sans rencontrer des abĂmes ? Vous me demanderez ce que l'anatomie comparĂ©e a de commun avec une question si grave pour l'avenir des sociĂ©tĂ©s. Ne faut-il pas se convaincre que l'homme est le but de tous les moyens terrestres pour se demander s'il ne sera le moyen d'aucune fin ? Si l'homme est liĂ© Ă tout, n'y a-t-il rien au-dessus de lui, Ă quoi il se lie Ă son tour ? S'il est le terme des transmutations inexpliquĂ©es qui montent jusqu'Ă lui, ne doit-il pas ĂÂȘtre le lien entre la nature visible et une nature invisible ? L'action du monde n'est pas absurde, elle aboutit Ă une fin, et cette fin ne doit pas ĂÂȘtre une sociĂ©tĂ© constituĂ©e comme l'est la nĂÂŽtre. Il se rencontre une terrible lacune entre nous et le ciel. En l'Ă©tat actuel, nous ne pouvons ni toujours jouir, ni toujours souffrir ; ne faut-il pas un Ă©norme changement pour arriver au paradis et Ă l'enfer, deux conceptions sans lesquelles Dieu n'existe pas aux yeux de la masse ? Je sais qu'on s'est tirĂ© d'affaire en inventant l'ĂÂąme ; mais j'ai quelque rĂ©pugnance Ă rendre Dieu solidaire des lĂÂąchetĂ©s humaines, de nos dĂ©senchantements, de nos dĂ©goĂ»ts, de notre dĂ©cadence. Puis comment admettre en nous un principe divin contre lequel quelques verres de rhum puissent prĂ©valoir ? comment imaginer des facultĂ©s immatĂ©rielles que la matiĂšre rĂ©duise, dont l'exercice soit enchaĂnĂ© par un grain d'opium ? Comment imaginer que nous sentirons encore quand nous serons dĂ©pouillĂ©s des conditions de notre sensibilitĂ© ? Pourquoi Dieu pĂ©rirait-il, parce que la substance serait pensante ? L'animation de la substance et ses innombrables variĂ©tĂ©s, effets de ses instincts, sont-ils moins inexplicables que les effets de la pensĂ©e ? Le mouvement imprimĂ© aux mondes n'est-il pas suffisant pour prouver Dieu, sans aller se jeter dans les absurditĂ©s engendrĂ©es par notre orgueil ? Que d'une façon d'ĂÂȘtre pĂ©rissable, nous allions aprĂšs nos Ă©preuves Ă une existence meilleure, n'est-ce pas assez pour une crĂ©ature qui ne se distingue des autres que par un Instinct plus complet ? S'il n'existe pas en morale un principe qui ne mĂšne Ă l'absurde, ou ne soit contredit par l'Ă©vidence, n'est-il pas temps de se mettre en quĂÂȘte des dogmes Ă©crits au fond de la nature des choses ? Ne faudrait-il pas retourner la science philosophique ? Nous nous occupons trĂšs peu du prĂ©tendu nĂ©ant qui nous a prĂ©cĂ©dĂ©s, et nous fouillons le prĂ©tendu nĂ©ant qui nous attend. Nous faisons Dieu responsable de l'avenir, et nous ne lui demandons aucun compte du passĂ©. Cependant il est aussi nĂ©cessaire de savoir si nous n'avons aucune racine dans l'antĂ©rieur, que de savoir si nous sommes soudĂ©s au futur. Nous n'avons Ă©tĂ© dĂ©istes ou athĂ©es que d'un cĂÂŽtĂ©. Le monde est-il Ă©ternel ? le monde est-il créé ? Nous ne concevons aucun moyen terme entre ces deux propositions l'une est fausse, l'autre est vraie, choisissez ! Quel que soit votre choix, Dieu, tel que notre raison se le figure, doit s'amoindrir, ce qui Ă©quivaut Ă sa nĂ©gation. Faites le monde Ă©ternel la question n'est pas douteuse, Dieu l'a subi. Supposez le monde créé, Dieu n'est plus possible. Comment serait-il restĂ© toute une Ă©ternitĂ© sans savoir qu'il aurait la pensĂ©e de crĂ©er le monde ? Comment n'en aurait-il point su par avance les rĂ©sultats ? D'oĂÂč en a-t-il tirĂ© l'essence ? de lui nĂ©cessairement. Si le monde sort de Dieu, comment admettre le mal ? Si le mal est sorti du bien, vous tombez dans l'absurde. S'il n'y a pas de mal, que deviennent les sociĂ©tĂ©s avec leurs lois ? Partout des prĂ©cipices ! partout un abĂme pour la raison ! Il est donc une science sociale Ă refaire en entier. Ecoutez, mon oncle tant qu'un beau gĂ©nie n'aura pas rendu compte de l'inĂ©galitĂ© patente des intelligences, le sens gĂ©nĂ©ral de l'humanitĂ©, le mot Dieu sera sans cesse mis en accusation, et la sociĂ©tĂ© reposera sur des sables mouvants. Le secret des diffĂ©rentes zones morales dans lesquelles transite l'homme se trouvera dans l'analyse de l'AnimalitĂ© tout entiĂšre. L'AnimalitĂ© n'a, jusqu'Ă prĂ©sent, Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e que par rapport Ă ses diffĂ©rences, et non dans ses similitudes ; dans ses apparences organiques, et non dans ses facultĂ©s. Les facultĂ©s animales se perfectionnent de proche en proche, suivant des lois Ă rechercher. Ces facultĂ©s correspondent Ă des forces qui les expriment, et ces forces sont essentiellement matĂ©rielles, divisibles. Des facultĂ©s matĂ©rielles ! songez Ă ces deux mots. N'est-ce pas une question aussi insoluble que l'est celle de la communication du mouvement Ă la matiĂšre, abĂme encore inexplorĂ©, dont les difficultĂ©s ont Ă©tĂ© plutĂÂŽt dĂ©placĂ©es que rĂ©solues par le systĂšme de Newton. Enfin la combinaison constante de la lumiĂšre avec tout ce qui vit sur la terre, veut un nouvel examen du globe. Le mĂÂȘme animal ne se ressemble plus sous la Torride, dans l'Inde ou dans le Nord. Entre la verticalitĂ© et l'obliquitĂ© des rayons solaires, il se dĂ©veloppe une nature dissemblable et pareille qui, la mĂÂȘme dans son principe, ne se ressemble ni en deçà ni au delĂ dans ses rĂ©sultats. Le phĂ©nomĂšne qui crĂšve nos yeux dans le monde zoologique en comparant les papillons du Bengale aux papillons d'Europe est bien plus grand encore dans le monde moral. Il faut un angle facial dĂ©terminĂ©, une certaine quantitĂ© de plis cĂ©rĂ©braux pour obtenir Colomb, RaphaĂl, NapolĂ©on, Laplace ou Beethoven ; la vallĂ©e sans soleil donne le crĂ©tin ; tirez vos conclusions ? Pourquoi ces diffĂ©rences dues Ă la distillation plus ou moins heureuse de la lumiĂšre en l'homme ? Ces grandes masses humaines souffrantes, plus ou moins actives, plus ou moins nourries, plus ou moins Ă©clairĂ©es, constituent des difficultĂ©s Ă rĂ©soudre, et qui crient contre Dieu. Pourquoi dans l'extrĂÂȘme joie voulons-nous toujours quitter la terre, pourquoi l'envie de s'Ă©lever qui a saisi, qui saisira toute crĂ©ature ? Le mouvement est une grande ĂÂąme dont l'alliance avec la matiĂšre est tout aussi difficile Ă expliquer que l'est la production de la pensĂ©e en l'homme. Aujourd'hui la science est une, il est impossible de toucher Ă la politique sans s'occuper de morale, et la morale tient Ă toutes les questions scientifiques. Il me semble que nous sommes Ă la veille d'une grande bataille humaine ; les forces sont lĂ ; seulement je ne vois pas de gĂ©nĂ©ral... " 25 novembre. " Croyez-moi, mon oncle, il est difficile de renoncer sans douleur Ă la vie qui nous est propre, je retourne Ă Blois avec un affreux saisissement de coeur. J'y mourrai en emportant des vĂ©ritĂ©s utiles. Aucun intĂ©rĂÂȘt personnel ne dĂ©grade mes regrets. La gloire est-elle quelque chose Ă qui croit pouvoir aller dans une sphĂšre supĂ©rieure ? Je ne suis pris d'aucun amour pour les deux syllabes Lam et bert prononcĂ©es avec vĂ©nĂ©ration ou avec insouciance sur ma tombe, elles ne changeront rien Ă ma destinĂ©e ultĂ©rieure. Je me sens fort, Ă©nergique, et pourrais devenir une puissance ; je sens en moi une vie si lumineuse qu'elle pourrait animer un monde, et je suis enfermĂ© dans une sorte de minĂ©ral, comme y sont peut-ĂÂȘtre effectivement les couleurs que vous admirez au col des oiseaux de la presqu'Ăle indienne. Il faudrait embrasser tout ce monde, l'Ă©treindre pour le refaire ; mais ceux qui l'ont ainsi Ă©treint et refondu n'ont-ils pas commencĂ© par ĂÂȘtre un rouage de la machine ? moi, je serais broyĂ©. A Mahomet le sabre, Ă JĂ©sus la croix, Ă moi la mort obscure ; demain Ă Blois, et quelques jours aprĂšs dans un cercueil. Savez-vous pourquoi ? Je suis revenu Ă Swedenborg, aprĂšs avoir fait d'immenses Ă©tudes sur les religions et m'ĂÂȘtre dĂ©montrĂ©, par la lecture de tous les ouvrages que la patiente Allemagne, l'Angleterre et la France ont publiĂ©s depuis soixante ans, la profonde vĂ©ritĂ© des aperçus de ma jeunesse sur la Bible. Evidemment, Swedenborg rĂ©sume toutes les religions, ou plutĂÂŽt la seule religion de l'HumanitĂ©. Si les cultes ont eu des formes infinies, ni leur sens ni leur construction mĂ©taphysique n'ont jamais variĂ©. Enfin l'homme n'a jamais eu qu'une religion. Le SivaĂÂŻsme, le Vichnouvisme et le BrahmaĂÂŻsme, les trois premiers cultes humains, nĂ©s au Thibet, dans la vallĂ©e de l'Indus et sur les vastes plaines du Gange, ont fini, quelques mille ans avant JĂ©sus-Christ, leurs guerres, par l'adoption de la Trimourti hindoue. De ce dogme sortent, en Perse, le Magisme ; en Egypte, les religions africaines et le MosaĂÂŻsme ; puis le Cabirisme et le PolythĂ©isme grĂ©co-romain. Pendant que ces irradiations de la Trimourti adaptent les mythes de l'Asie aux imaginations de chaque pays oĂÂč elles arrivent conduites par des sages que les hommes transforment en demi-dieux, Mithra, Bacchus, HermĂšs, Hercule, etc., Bouddha, le cĂ©lĂšbre rĂ©formateur des trois religions primitives s'Ă©lĂšve dans l'Inde et y fonde son Eglise, qui compte encore aujourd'hui deux cent millions de fidĂšles de plus que le Christianisme, et oĂÂč sont venues se tremper les vastes volontĂ©s de Christ et de Confucius. Le Christianisme lĂšve sa banniĂšre. Plus tard, Mahomet fond le MosaĂÂŻsme et le Christianisme, la Bible et l'Evangile en un livre, le Coran, oĂÂč il les approprie au gĂ©nie des Arabes. Enfin Swedenborg reprend au Magisme, au BrahmaĂÂŻsme, au Bouddhisme et au Mysticisme chrĂ©tien ce que ces quatre grandes religions ont de commun, de rĂ©el, de divin, et rend Ă leur doctrine une raison pour ainsi dire mathĂ©matique. Pour qui se jette dans ces fleuves religieux dont tous les fondateurs ne sont pas connus, Zoroastre, MoĂÂŻse, Bouddha, Confucius, JĂ©sus-Christ, Swedenborg ont les mĂÂȘmes principes, et se proposent la mĂÂȘme fin. Mais, le dernier de tous, Swedenborg sera peut-ĂÂȘtre le Bouddha du Nord. Quelque obscurs et diffus que soient ses livres, il s'y trouve les Ă©lĂ©ments d'une conception sociale grandiose. Sa thĂ©ocratie est sublime, et sa religion est la seule que puisse admettre un esprit supĂ©rieur. Lui seul fait toucher Ă Dieu, il en donne soif, il a dĂ©gagĂ© la majestĂ© de Dieu des langes dans lesquels l'ont entortillĂ©e les autres cultes humains ; il l'a laissĂ© lĂ oĂÂč il est, en faisant graviter autour de lui ses crĂ©ations innombrables et ses crĂ©atures par des transformations successives qui sont un avenir plus immĂ©diat, plus naturel que ne l'est l'Ă©ternitĂ© catholique. Il a lavĂ© Dieu du reproche que lui font les ĂÂąmes tendres sur la pĂ©rennitĂ© des vengeances par lesquelles il punit les fautes d'un instant, systĂšme sans justice ni bontĂ©. Chaque homme peut savoir s'il lui est rĂ©servĂ© d'entrer dans une autre vie, et si ce monde a un sens. Cette expĂ©rience, je vais la tenter. Cette tentative peut sauver le monde, aussi bien que la croix de JĂ©rusalem et le sabre de la Mecque. L'une et l'autre sont fils du dĂ©sert. Des trente-trois annĂ©es de JĂ©sus, il n'en est que neuf de connues ; sa vie silencieuse a prĂ©parĂ© sa vie glorieuse. A moi aussi, il me faut le dĂ©sert ! " MalgrĂ© les difficultĂ©s de l'entreprise, j'ai cru devoir essayer de peindre la jeunesse de Lambert, cette vie cachĂ©e Ă laquelle je suis redevable des seules bonnes heures et des seuls souvenirs agrĂ©ables de mon enfance. Hormis ces deux annĂ©es, je n'ai eu que troubles et ennuis. Si plus tard le bonheur est venu, mon bonheur fut toujours incomplet. J'ai Ă©tĂ© trĂšs diffus, sans doute ; mais faute de pĂ©nĂ©trer dans l'Ă©tendue du coeur et du cerveau de Lambert, deux mots qui reprĂ©sentent imparfaitement les modes infinis de sa vie intĂ©rieure, il serait presque impossible de comprendre la seconde partie de son histoire intellectuelle, Ă©galement inconnue et au monde et Ă moi, mais dont l'occulte dĂ©nouement s'est dĂ©veloppĂ© devant moi pendant quelques heures. Ceux auxquels ce livre ne sera pas encore tombĂ© des mains comprendront, je l'espĂšre, les Ă©vĂ©nements qui me restent Ă raconter, et qui forment en quelque sorte une seconde existence Ă cette crĂ©ature ; pourquoi ne dirais-je pas Ă cette crĂ©ation en qui tout devait ĂÂȘtre extraordinaire, mĂÂȘme sa fin ? Quand Louis fut de retour Ă Blois, son oncle s'empressa de lui procurer des distractions. Mais ce pauvre prĂÂȘtre se trouvait dans cette ville dĂ©vote comme un vĂ©ritable lĂ©preux. Personne ne se souciait de recevoir un rĂ©volutionnaire, un assermentĂ©. Sa sociĂ©tĂ© consistait donc en quelques personnes de l'opinion dite alors libĂ©rale, patriote ou constitutionnelle, chez lesquelles il se rendait pour faire sa partie de wisth ou de boston. Dans la premiĂšre maison oĂÂč le prĂ©senta son oncle, Louis vit une jeune personne que sa position forçait Ă rester dans cette sociĂ©tĂ© rĂ©prouvĂ©e par les gens du grand monde, quoique sa fortune fĂ»t assez considĂ©rable pour faire supposer que plus tard elle pourrait contracter une alliance dans la haute aristocratie du pays. Mademoiselle Pauline de Villenoix se trouvait seule hĂ©ritiĂšre des richesses amassĂ©es par son grand-pĂšre, un juif nommĂ© Salomon, qui, contrairement aux usages de sa nation, avait Ă©pousĂ© dans sa vieillesse une femme de la religion catholique. Il eut un fils Ă©levĂ© dans la communion de sa mĂšre. A la mort de son pĂšre, le jeune Salomon acheta, suivant l'expression du temps, une savonnette Ă vilain, et fit Ă©riger en baronnie la terre de Villenoix, dont le nom devint le sien. Il Ă©tait mort sans avoir Ă©tĂ© mariĂ©, mais en laissant une fille naturelle Ă laquelle il avait lĂ©guĂ© la plus grande partie de sa fortune, et notamment sa terre de Villenoix. Un de ses oncles, monsieur Joseph Salomon, fut nommĂ© par monsieur de Villenoix tuteur de l'orpheline. Ce vieux juif avait pris une telle affection pour sa pupille, qu'il paraissait vouloir faire de grands sacrifices afin de la marier honorablement. Mais l'origine de mademoiselle de Villenoix et les prĂ©jugĂ©s que l'on conserve on province contre les juifs ne lui permettaient pas, malgrĂ© sa fortune et celle de son tuteur, d'ĂÂȘtre reçue dans cette sociĂ©tĂ© tout exclusive qui s'appelle, Ă tort ou Ă raison, la noblesse. Cependant monsieur Joseph Salomon prĂ©tendait qu'Ă dĂ©faut d'un hobereau de province, sa pupille irait choisir Ă Paris un Ă©poux parmi les pairs libĂ©raux ou monarchiques ; et quant Ă son bonheur, le bon tuteur croyait pouvoir le lui garantir par les stipulations du contrat de mariage. Mademoiselle de Villenoix avait alors vingt ans. Sa beautĂ© remarquable, les grĂÂąces de son esprit Ă©taient pour sa fĂ©licitĂ© des garanties moins Ă©quivoques que toutes celles donnĂ©es par la fortune. Ses traits offraient dans sa plus grande puretĂ© le caractĂšre de la beautĂ© juive ces lignes ovales, si larges et si virginales qui ont je ne sais quoi d'idĂ©al, et respirent les dĂ©lices de l'Orient, l'azur inaltĂ©rable de son ciel, les splendeurs de sa terre et les fabuleuses richesses de sa vie. Elle avait de beaux yeux voilĂ©s par de longues paupiĂšres frangĂ©es de cils Ă©pais et recourbĂ©s. Une innocence biblique Ă©clatait sur son front. Son teint avait la blancheur mate des robes du lĂ©vite. Elle restait habituellement silencieuse et recueillie ; mais ses gestes, ses mouvements tĂ©moignaient d'une grĂÂące cachĂ©e, de mĂÂȘme que ses paroles attestaient l'esprit doux et caressant de la femme. Cependant elle n'avait pas cette fraĂcheur rosĂ©e, ces couleurs purpurines qui dĂ©corent les joues de la femme pendant son ĂÂąge d'insouciance. Des nuances brunes, mĂ©langĂ©es de quelques filets rougeĂÂątres, remplaçaient dans son visage la coloration, et trahissaient un caractĂšre Ă©nergique, une irritabilitĂ© nerveuse que beaucoup d'hommes n'aiment pas Ă trouver dans une femme, mais qui, pour certains autres, sont l'indice d'une chastetĂ© de sensitive et de passions fiĂšres. AussitĂÂŽt que Lambert aperçut mademoiselle de Villenoix, il devina l'ange sous cette forme. Les riches facultĂ©s de son ĂÂąme, sa pente vers l'extase, tout en lui se rĂ©solut alors par un amour sans bornes, par le premier amour du jeune homme, passion dĂ©jĂ si vigoureuse chez les autres, mais que la vivace ardeur de ses sens, la nature de ses idĂ©es et son genre de vie durent porter Ă une puissance incalculable. Cette passion fut un abĂme oĂÂč le malheureux jeta tout, abĂme oĂÂč la pensĂ©e s'effraie de descendre, puisque la sienne, si flexible et si forte, s'y perdit. LĂ tout est mystĂšre, car tout se passa dans ce monde moral, clos pour la plupart des hommes, et dont les lois lui furent peut-ĂÂȘtre rĂ©vĂ©lĂ©es pour son malheur. Lorsque le hasard me mit en relation avec son oncle, le bonhomme m'introduisit dans la chambre habitĂ©e Ă cette Ă©poque par Lambert. Je voulais y chercher quelques traces de ses oeuvres, s'il en avait laissĂ©. LĂ , parmi des papiers dont le dĂ©sordre Ă©tait respectĂ© par ce vieillard avec cet exquis sentiment des douleurs qui distingue les vieilles gens, je trouvai plusieurs lettres trop illisibles pour avoir Ă©tĂ© remises Ă mademoiselle de Villenoix. La connaissance que je possĂ©dais de l'Ă©criture de Lambert me permit, Ă l'aide du temps, de dĂ©chiffrer les hiĂ©roglyphes de cette stĂ©nographie créée par l'impatience et par la frĂ©nĂ©sie de la passion. EmportĂ© par ses sentiments, il Ă©crivait sans s'apercevoir de l'imperfection des lignes trop lentes Ă formuler sa pensĂ©e. Il avait dĂ» ĂÂȘtre obligĂ© de recopier ses essais informes oĂÂč souvent les lignes se confondaient ; mais peut-ĂÂȘtre aussi craignait-il de ne pas donner Ă ses idĂ©es des formes assez dĂ©cevantes ; et, dans le commencement, s'y prenait-il Ă deux fois pour ses lettres d'amour. Quoi qu'il en soit, il a fallu toute l'ardeur de mon culte pour sa mĂ©moire, et l'espĂšce de fanatisme que donne une entreprise de ce genre pour deviner et rĂ©tablir le sens des cinq lettres qui suivent. Ces papiers que je conserve avec une sorte de piĂ©tĂ©, sont les seuls tĂ©moignages matĂ©riels de son ardente passion. Mademoiselle de Villenoix a sans doute dĂ©truit les vĂ©ritables lettres qui lui furent adressĂ©es, fastes Ă©loquents du dĂ©lire qu'elle causa. La premiĂšre de ces lettres, qui Ă©tait Ă©videmment ce qu'on nomme un brouillon, attestait par sa forme et par son ampleur ces hĂ©sitations, ces troubles du coeur, ces craintes sans nombre Ă©veillĂ©es par l'envie de plaire, ces changements d'expression et ces incertitudes entre toutes les pensĂ©es qui assaillent un jeune homme Ă©crivant sa premiĂšre lettre d'amour lettre dont on se souvient toujours, dont chaque phrase est le fruit d'une rĂÂȘverie, dont chaque mot excite de longues contemplations, oĂÂč le sentiment le plus effrĂ©nĂ© de tous comprend la nĂ©cessitĂ© des tournures les plus modestes, et, comme un gĂ©ant qui se courbe pour entrer dans une chaumiĂšre, se fait humble et petit pour ne pas effrayer une ĂÂąme de jeune fille. Jamais antiquaire n'a maniĂ© ses palimpsestes avec plus de respect que je n'en eus Ă Ă©tudier, Ă reconstruire ces monuments mutilĂ©s d'une souffrance et d'une joie si sacrĂ©es pour ceux qui ont connu la mĂÂȘme souffrance et la mĂÂȘme joie. " Mademoiselle, quand vous aurez lu cette lettre, si toutefois vous la lisez, ma vie sera entre vos mains, car je vous aime ; et, pour moi, espĂ©rer d'ĂÂȘtre aimĂ©, c'est la vie. Je ne sais si d'autres n'ont point, en vous parlant d'eux, abusĂ© dĂ©jĂ des mots que j'emploie ici pour vous peindre l'Ă©tat de mon ĂÂąme ; croyez cependant Ă la vĂ©ritĂ© de mes expressions, elles sont faibles mais sincĂšres. Peut-ĂÂȘtre est-ce mal d'avouer ainsi son amour ? Oui, la voix de mon coeur me conseillait d'attendre en silence que ma passion vous eĂ»t touchĂ©e, afin de la dĂ©vorer, si ses muets tĂ©moignages vous dĂ©plaisaient ; ou pour l'exprimer plus chastement encore que par des paroles, si je trouvais grĂÂące Ă vos yeux. Mais aprĂšs avoir longtemps Ă©coutĂ© les dĂ©licatesses desquelles s'effraie un jeune coeur, j'ai obĂ©i, en vous Ă©crivant, Ă l'instinct qui arrache des cris inutiles aux mourants. J'ai eu besoin de tout mon courage pour imposer silence Ă la fiertĂ© du malheur et pour franchir les barriĂšres que les prĂ©jugĂ©s mettent entre vous et moi. J'ai dĂ» comprimer bien des pensĂ©es pour vous aimer malgrĂ© votre fortune ! Pour vous Ă©crire, ne fallait-il pas affronter ce mĂ©pris que les femmes rĂ©servent souvent Ă des amours dont l'aveu ne s'accepte que comme une flatterie de plus. Aussi faut-il s'Ă©lancer de toutes ses forces vers le bonheur, ĂÂȘtre attirĂ© vers la vie de l'amour comme l'est une plante vers la lumiĂšre, avoir Ă©tĂ© bien malheureux pour vaincre les tortures, les angoisses de ces dĂ©libĂ©rations secrĂštes oĂÂč la raison nous dĂ©montre de mille maniĂšres la stĂ©rilitĂ© des voeux cachĂ©s au fond du coeur, et oĂÂč cependant l'espĂ©rance nous fait tout braver. J'Ă©tais si heureux de vous admirer en silence, j'Ă©tais si complĂštement abĂmĂ© dans la contemplation de votre belle ĂÂąme, qu'en vous voyant je n'imaginais presque rien au delĂ . Non, je n'aurais pas encore osĂ© vous parler, si je n'avais entendu annoncer votre dĂ©part. A quel supplice un seul mot m'a livrĂ© ! Enfin mon chagrin m'a fait apprĂ©cier l'Ă©tendue de mon attachement pour vous, il est sans bornes. Mademoiselle, vous ne connaĂtrez jamais, du moins je dĂ©sire que jamais vous n'Ă©prouviez la douleur causĂ©e par la crainte de perdre le seul bonheur qui soit Ă©clos pour nous sur cette terre, le seul qui nous ait jetĂ© quelque lueur dans l'obscuritĂ© de la misĂšre. Hier, j'ai senti que ma vie n'Ă©tait plus en moi, mais en vous. Il n'est plus pour moi qu'une femme dans le monde, comme il n'est plus qu'une seule pensĂ©e dans mon ĂÂąme. Je n'ose vous dire Ă quelle alternative me rĂ©duit l'amour que j'ai pour vous. Ne voulant vous devoir qu'Ă vous-mĂÂȘme, je dois Ă©viter de me prĂ©senter accompagnĂ© de tous les prestiges du malheur ne sont-ils pas plus actifs que ceux de la fortune sur de nobles ĂÂąmes ? Je vous tairai donc bien des choses. Oui, j'ai une idĂ©e trop belle de l'amour pour le corrompre par des pensĂ©es Ă©trangĂšres Ă sa nature. Si mon ĂÂąme est digne de la vĂÂŽtre, si ma vie est pure, votre coeur en aura quelque gĂ©nĂ©reux pressentiment, et vous me comprendrez ! Il est dans la destinĂ©e de l'homme de s'offrir Ă celle qui le fait croire au bonheur ; mais votre droit est de refuser le sentiment le plus vrai, s'il ne s'accorde pas avec les voix confuses de votre coeur je le sais. Si le sort que vous me ferez doit ĂÂȘtre contraire Ă mes espĂ©rances, mademoiselle, j'invoque les dĂ©licatesses de votre ĂÂąme vierge, aussi bien que l'ingĂ©nieuse pitiĂ© de la femme. Ah ! je vous en supplie Ă genoux, brĂ»lez ma lettre, oubliez tout. Ne plaisantez pas d'un sentiment respectueux et trop profondĂ©ment empreint dans l'ĂÂąme pour pouvoir s'en effacer. Brisez mon coeur, mais ne le dĂ©chirez pas ! Que l'expression de mon premier amour, d'un amour jeune et pur, n'ait retenti que dans un coeur jeune et pur ! qu'il y meure comme une priĂšre va se perdre dans le sein de Dieu ! Je vous dois de la reconnaissance j'ai passĂ© des heures dĂ©licieuses occupĂ© Ă vous voir en m'abandonnant aux rĂÂȘveries les plus douces de ma vie ; ne couronnez donc pas cette longue et passagĂšre fĂ©licitĂ© par quelque moquerie de jeune fille. Contentez-vous de ne pas me rĂ©pondre. Je saurai bien interprĂ©ter votre silence, et vous ne me verrez plus. Si je dois ĂÂȘtre condamnĂ© Ă toujours comprendre le bonheur et Ă le perdre toujours ; si je suis, comme l'ange exilĂ©, conservant le sentiment des dĂ©lices cĂ©lestes, mais sans cesse attachĂ© dans un monde de douleur ; eh ! bien, je garderai le secret de mon amour, comme celui de mes misĂšres. Et, adieu ! Oui, je vous confie Ă Dieu, que j'implorerai pour vous, Ă qui je demanderai de vous faire une belle vie ; car, fussĂ©-je chassĂ© de votre coeur, oĂÂč je suis entrĂ© furtivement Ă votre insu, je ne vous quitterai jamais. Autrement, quelle valeur auraient les paroles saintes de cette lettre, ma premiĂšre et ma derniĂšre priĂšre peut-ĂÂȘtre ? Si je cessais un jour de penser Ă vous, de vous aimer, heureux ou malheureux ! ne mĂ©riterais-je pas mes angoisses ? " Vous ne partez pas ! Je suis donc aimĂ© ! moi, pauvre ĂÂȘtre obscur. Ma chĂšre Pauline, vous ne connaissez pas la puissance du regard auquel je crois, et que vous m'avez jetĂ© pour m'annoncer que j'avais Ă©tĂ© choisi par vous, par vous, jeune et belle, qui voyez le monde Ă vos pieds. Pour vous faire comprendre mon bonheur, il faudrait vous raconter ma vie. Si vous m'eussiez repoussĂ©, pour moi tout Ă©tait fini. J'avais trop souffert. Oui, mon amour, ce bienfaisant et magnifique amour Ă©tait un dernier effort vers la vie heureuse Ă laquelle mon ĂÂąme tendait, une ĂÂąme dĂ©jĂ brisĂ©e par des travaux inutiles, consumĂ©e par des craintes qui me font douter de moi, rongĂ©e par des dĂ©sespoirs qui m'ont souvent persuadĂ© de mourir. Non, personne dans le monde ne sait la terreur que ma fatale imagination me cause Ă moi-mĂÂȘme. Elle m'Ă©lĂšve souvent dans les cieux, et tout Ă coup me laisse tomber Ă terre d'une hauteur prodigieuse. D'intimes Ă©lans de force, quelques rares et secrets tĂ©moignages d'une luciditĂ© particuliĂšre, me disent parfois que je puis beaucoup. J'enveloppe alors le monde par ma pensĂ©e, je le pĂ©tris, je le façonne, je le pĂ©nĂštre, je le comprends ou crois le comprendre ; mais soudain je me rĂ©veille seul, et me trouve dans une nuit profonde, tout chĂ©tif ; j'oublie les lueurs que je viens d'entrevoir, je suis privĂ© de secours, et surtout sans un coeur oĂÂč je puisse me rĂ©fugier ! Ce malheur de ma vie morale agit Ă©galement sur mon existence physique. La nature de mon esprit m'y livre sans dĂ©fense aux joies du bonheur comme aux affreuses clartĂ©s de la rĂ©flexion qui les dĂ©truisent en les analysant. DouĂ© de la triste facultĂ© de voir avec une mĂÂȘme luciditĂ© les obstacles et les succĂšs ; suivant ma croyance du moment, je suis heureux ou malheureux. Ainsi, lorsque je vous rencontrai, j'eus le pressentiment d'une nature angĂ©lique, je respirai l'air favorable Ă ma brĂ»lante poitrine, j'entendis en moi cette voix qui ne trompe jamais, et qui m'avertissait d'une vie heureuse ; mais apercevant aussi toutes les barriĂšres qui nous sĂ©paraient, je devinai pour la premiĂšre fois les prĂ©jugĂ©s du monde, je les compris alors dans toute l'Ă©tendue de leur petitesse, et les obstacles m'effrayĂšrent encore plus que la vue du bonheur ne m'exaltait aussitĂÂŽt, je ressentis cette rĂ©action terrible par laquelle mon ĂÂąme expansive est refoulĂ©e sur elle-mĂÂȘme, le sourire que vous aviez fait naĂtre sur mes lĂšvres se changea tout Ă coup en contraction amĂšre, et je tĂÂąchai de rester froid pendant que mon sang bouillonnait agitĂ© par mille sentiments contraires. Enfin, je reconnus cette sensation mordante Ă laquelle vingt-trois annĂ©es pleines de soupirs rĂ©primĂ©s et d'expansions trahies ne m'ont pas encore habituĂ©. Eh ! bien, Pauline, le regard par lequel vous m'avez annoncĂ© le bonheur a tout Ă coup rĂ©chauffĂ© ma vie et changĂ© mes misĂšres en fĂ©licitĂ©s. Je voudrais maintenant avoir souffert davantage. Mon amour s'est trouvĂ© grand tout Ă coup. Mon ĂÂąme Ă©tait un vaste pays auquel manquaient les bienfaits du soleil, et votre regard y a jetĂ© soudain la lumiĂšre. ChĂšre providence ! vous serez tout pour moi, pauvre orphelin qui n'ai d'autre parent que mon oncle. Vous serez toute ma famille, comme vous ĂÂȘtes dĂ©jĂ ma seule richesse, et le monde entier pour moi. Ne m'avez-vous pas jetĂ© toutes les fortunes de l'homme par ce chaste, par ce prodigue, par ce timide regard ? Oui, vous m'avez donnĂ© une confiance, une audace incroyables. Je puis tout tenter maintenant. J'Ă©tais revenu Ă Blois, dĂ©couragĂ©. Cinq ans d'Ă©tudes au milieu de Paris m'avaient montrĂ© le monde comme une prison. Je concevais des sciences entiĂšres et n'osais en parler. La gloire me semblait un charlatanisme auquel une ĂÂąme vraiment grande ne devait pas se prĂÂȘter. Mes idĂ©es ne pouvaient donc passer que sous la protection d'un homme assez hardi pour monter sur les trĂ©teaux de la Presse, et parler d'une voix haute aux niais qu'il mĂ©prise. Cette intrĂ©piditĂ© me manquait. J'allais, brisĂ© par les arrĂÂȘts de cette foule, dĂ©sespĂ©rant d'ĂÂȘtre jamais Ă©coutĂ© par elle. J'Ă©tais et trop bas et trop haut ! Je dĂ©vorais mes pensĂ©es comme d'autres dĂ©vorent leurs humiliations. J'en Ă©tais arrivĂ© Ă mĂ©priser la science, en lui reprochant de ne rien ajouter au bonheur rĂ©el. Mais depuis hier, en moi tout est changĂ©. Pour vous je convoite les palmes de la gloire et tous les triomphes du talent. Je veux, en apportant ma tĂÂȘte sur vos genoux, y faire reposer les regards du monde, comme je veux mettre dans mon amour toutes les idĂ©es, tous les pouvoirs ! La plus immense des renommĂ©es est un bien que nulle puissance autre que celle du gĂ©nie ne saurait crĂ©er. Eh ! bien, je puis, si je le veux, vous faire un lit de lauriers. Mais si les paisibles ovations de la science ne vous satisfaisaient pas, je porte en moi le Glaive et la Parole, je saurai courir dans la carriĂšre des honneurs et de l'ambition comme d'autres s'y traĂnent ! Parlez, Pauline, je serai tout ce que vous voudrez que je sois. Ma volontĂ© de fer peut tout. Je suis aimĂ© ! ArmĂ© de cette pensĂ©e, un homme ne doit-il pas faire tout plier devant lui. Tout est possible Ă celui qui veut tout. Soyez le prix du succĂšs, et demain j'entre en lice. Pour obtenir un regard comme celui que vous m'avez jetĂ©, je franchirais le plus profond des prĂ©cipices. Vous m'avez expliquĂ© les fabuleuses entreprises de la chevalerie, et les plus capricieux rĂ©cits des Mille et une Nuits. Maintenant je crois aux plus fantastiques exagĂ©rations de l'amour, et Ă la rĂ©ussite de tout ce qu'entreprennent les prisonniers pour conquĂ©rir la libertĂ©. Vous avez rĂ©veillĂ© mille vertus endormies dans mon ĂÂȘtre la patience, la rĂ©signation, toutes les forces du coeur, toutes les puissances de l'ĂÂąme. Je vis par vous, et, pensĂ©e dĂ©licieuse, pour vous. Maintenant tout a un sens, pour moi, dans cette vie. Je comprends tout, mĂÂȘme les vanitĂ©s de la richesse. Je me surprends Ă verser toutes les perles de l'Inde Ă vos pieds ; je me plais Ă vous voir couchĂ©e, ou parmi les plus belles fleurs, ou sur le plus moelleux des tissus, et toutes les splendeurs de la terre me semblent Ă peine dignes de vous, en faveur de qui je voudrais pouvoir disposer des accords et des lumiĂšres que prodiguent les harpes des SĂ©raphins et les Ă©toiles dans les cieux. Pauvre studieux poĂšte ! ma parole vous offre des trĂ©sors que je n'ai pas, tandis que je ne puis vous donner que mon coeur, oĂÂč vous rĂ©gnerez toujours. LĂ sont tous mes biens. Mais n'existe-t-il donc pas des trĂ©sors dans une Ă©ternelle reconnaissance, dans un sourire dont les expressions seront incessamment variĂ©es par un immuable bonheur, dans l'attention constante de mon amour Ă deviner les voeux de votre ĂÂąme aimante ? Un regard cĂ©leste ne nous a-t-il pas dit que nous pourrions toujours nous entendre. J'ai donc maintenant une priĂšre Ă faire tous les soirs Ă Dieu, priĂšre pleine de vous - " Faites que ma Pauline soit heureuse ! " Mais ne remplirez-vous donc pas mes jours, comme dĂ©jĂ vous remplissez mon coeur ? Adieu, je ne puis vous confier qu'Ă Dieu ! " " Pauline ! dis-moi si j'ai pu te dĂ©plaire en quelque chose, hier ? Abjure cette fiertĂ© de coeur qui fait endurer secrĂštement les peines causĂ©es par un ĂÂȘtre aimĂ©. Gronde-moi ! Depuis hier je ne sais quelle crainte vague de t'avoir offensĂ©e rĂ©pand de la tristesse sur cette vie du coeur que tu m'as faite si douce et si riche. Souvent le plus lĂ©ger voile qui s'interpose entre deux ĂÂąmes devient un mur d'airain. Il n'est pas de lĂ©gers crimes en amour ! Si vous avez tout le gĂ©nie de ce beau sentiment, vous devez en ressentir toutes les souffrances, et nous devons veiller sans cesse Ă ne pas vous froisser par quelque parole Ă©tourdie. Aussi, mon cher trĂ©sor, sans doute la faute vient-elle de moi, s'il y a faute. Je n'ai pas l'orgueil de comprendre un coeur de femme dans toute l'Ă©tendue de sa tendresse, dans toutes les grĂÂąces de ses dĂ©vouements ; seulement, je tĂÂącherai de toujours deviner le prix de ce que tu voudras me rĂ©vĂ©ler dans les secrets du tien. Parle-moi, rĂ©ponds-moi promptement ? La mĂ©lancolie dans laquelle nous jette le sentiment d'un tort est bien affreuse, elle enveloppe la vie et fait douter de tout. Je suis restĂ© pendant cette matinĂ©e assis sur le bord du chemin creux, voyant les tourelles de Villenoix, et n'osant aller jusqu'Ă notre haie. Si tu savais tout ce que j'ai vu dans mon ĂÂąme ! quels tristes fantĂÂŽmes ont passĂ© devant moi, sous ce ciel gris dont le froid aspect augmentait encore mes sombres dispositions. J'ai eu de sinistres pressentiments. J'ai eu peur de ne pas te rendre heureuse. Il faut tout le dire, ma chĂšre Pauline. Il se rencontre des moments oĂÂč l'esprit qui m'anime semble se retirer de moi. Je suis comme abandonnĂ© par ma force. Tout me pĂšse alors, chaque fibre de mon corps devient inerte, chaque sens se dĂ©tend, mon regard s'amollit, ma langue est glacĂ©e, l'imagination s'Ă©teint, les dĂ©sirs meurent, et ma force humaine subsiste seule. Tu serais alors lĂ dans toute la gloire de ta beautĂ©, tu me prodiguerais tes plus fins sourires et tes plus tendres paroles, il s'Ă©lĂšverait une puissance mauvaise qui m'aveuglerait, et me traduirait en sons discords la plus ravissante des mĂ©lodies. En ces moments, du moins je le crois, se dresse devant moi je ne sais quel gĂ©nie raisonneur qui me fait voir le nĂ©ant au fond des plus certaines richesses. Ce dĂ©mon impitoyable fauche toutes les fleurs, ricane des sentiments les plus doux, en me disant " Eh ! bien, aprĂšs ? " Il flĂ©trit la plus belle oeuvre en m'en montrant le principe, et me dĂ©voile le mĂ©canisme des choses en m'en cachant les rĂ©sultats harmonieux. En ces moments terribles oĂÂč le mauvais ange s'empare de mon ĂÂȘtre, oĂÂč la lumiĂšre divine s'obscurcit en mon ĂÂąme sans que j'en sache la cause, je reste triste et je souffre, je voudrais ĂÂȘtre sourd et muet, je souhaite la mort en y voyant un repos. Ces heures de doute et d'inquiĂ©tude sont peut-ĂÂȘtre nĂ©cessaires ; elles m'apprennent du moins Ă ne pas avoir d'orgueil, aprĂšs les Ă©lans qui m'ont portĂ© dans les cieux oĂÂč je moissonne les idĂ©es Ă pleines mains ; car c'est toujours aprĂšs avoir longtemps parcouru les vastes campagnes de l'intelligence, aprĂšs des mĂ©ditations lumineuses que, lassĂ©, fatiguĂ©, je roule en ces limbes. En ce moment, mon ange, une femme devrait douter de ma tendresse, elle le pourrait du moins. Souvent capricieuse, maladive ou triste, elle rĂ©clamera les caressants trĂ©sors d'une ingĂ©nieuse tendresse, et je n'aurai pas un regard pour la consoler ! J'ai la honte, Pauline, de t'avouer qu'alors je pourrais pleurer avec toi, mais que rien ne m'arracherait un sourire. Et cependant, une femme trouve dans son amour la force de taire ses douleurs ! Pour son enfant, comme pour celui qu'elle aime, elle sait rire en souffrant. Pour toi, Pauline, ne pourrai-je donc imiter la femme dans ses sublimes dĂ©licatesses ? Depuis hier je doute de moi-mĂÂȘme. Si j'ai pu te dĂ©plaire une fois, si je ne t'ai pas comprise, je tremble d'ĂÂȘtre emportĂ© souvent ainsi par mon fatal dĂ©mon hors de notre bonne sphĂšre. Si j'avais beaucoup de ces moments affreux, si mon amour sans bornes ne savait pas racheter les heures mauvaises de ma vie, si j'Ă©tais destinĂ© Ă demeurer tel que je suis ?... Fatales questions ! la puissance est un bien fatal prĂ©sent, si toutefois ce que je sens en moi est la puissance. Pauline, Ă©loigne-toi de moi, abandonne-moi ! je prĂ©fĂšre souffrir tous les maux de la vie Ă la douleur de te savoir malheureuse par moi. Mais peut-ĂÂȘtre le dĂ©mon n'a-t-il pris autant d'empire sur mon ĂÂąme que parce qu'il ne s'est point encore trouvĂ© prĂšs de moi de mains douces et blanches pour le chasser. Jamais une femme ne m'a versĂ© le baume de ses consolations, et j'ignore si, lorsqu'en ces moments de lassitude, l'amour agitera ses ailes au-dessus de ma tĂÂȘte, il ne rĂ©pandra pas dans mon coeur de nouvelles forces. Peut-ĂÂȘtre ces cruelles mĂ©lancolies sont-elles un fruit de ma solitude, une des souffrances de l'ĂÂąme abandonnĂ©e qui gĂ©mit et paie ses trĂ©sors par des douleurs inconnues. Aux lĂ©gers plaisirs, les lĂ©gĂšres souffrances ; aux immenses bonheurs, des maux inouĂÂŻs. Quel arrĂÂȘt ! S'il Ă©tait vrai, ne devons-nous pas frissonner pour nous, qui sommes surhumainement heureux. Si la nature nous vend les choses selon leur valeur, dans quel abĂme allons-nous donc tomber ? Ah ! les amants les plus richement partagĂ©s sont ceux qui meurent ensemble au milieu de leur jeunesse et de leur amour ! Quelle tristesse ! Mon ĂÂąme pressent-elle un mĂ©chant avenir ? Je m'examine, et me demande s'il se trouve quelque chose en moi qui doive t'apporter le plus lĂ©ger souci ? Je t'aime peut-ĂÂȘtre en Ă©goĂÂŻste ? Je mettrai peut-ĂÂȘtre sur ta chĂšre tĂÂȘte un fardeau plus pesant que ma tendresse ne sera douce Ă ton coeur. S'il existe en moi quelque puissance inexorable Ă laquelle j'obĂ©is, si je dois maudire quand tu joindras les mains pour prier, si quelque triste pensĂ©e me domine lorsque je voudrai me mettre Ă tes pieds pour jouer avec toi comme un enfant, ne seras-tu pas jalouse de cet exigeant et fantasque gĂ©nie ? Comprends-tu bien, coeur Ă moi, que j'ai peur de n'ĂÂȘtre pas tout Ă toi, que j'abdiquerais volontiers tous les sceptres, toutes les palmes du monde pour faire de toi mon Ă©ternelle pensĂ©e ; pour voir, dans notre dĂ©licieux amour, une belle vie et un beau poĂšme ; pour y jeter mon ĂÂąme, y engloutir mes forces, et demander Ă chaque heure les joies qu'elle nous doit ? Mais voilĂ que reviennent en foule mes souvenirs d'amour, les nuages de ma tristesse vont se dissiper. Adieu. Je te quitte pour ĂÂȘtre mieux Ă toi. Mon ĂÂąme chĂ©rie, j'attends un mot, une parole qui me rende la paix du coeur. Que je sache si j'ai contristĂ© ma Pauline, ou si quelque douteuse expression de ton visage m'a trompĂ©. Je ne voudrais pas avoir Ă me reprocher, aprĂšs toute une vie heureuse, d'ĂÂȘtre venu vers toi sans un sourire plein d'amour, sans une parole de miel. Affliger la femme que l'on aime ! pour moi, Pauline, c'est un crime. Dis-moi la vĂ©ritĂ©, ne me fais pas quelque gĂ©nĂ©reux mensonge, mais dĂ©sarme ton pardon de toute cruautĂ©. " " Un attachement si complet est-il un bonheur ? Oui, car des annĂ©es de souffrance ne paieraient pas une heure d'amour. Hier, ton apparente tristesse a passĂ© dans mon ĂÂąme avec la rapiditĂ© d'une ombre qui se projette. Etais-tu triste ou souffrais-tu ? J'ai souffert. D'oĂÂč venait ce chagrin ? Ecris-moi vite. Pourquoi ne l'ai-je pas devinĂ© ? Nous ne sommes donc pas encore complĂ©tement unis par la pensĂ©e ? Je devrais, Ă deux lieues de toi comme Ă mille, ressentir tes peines et tes douleurs. Je ne croirai pas t'aimer tant que ma vie ne sera pas assez intimement liĂ©e Ă la tienne pour que nous ayons la mĂÂȘme vie, le mĂÂȘme coeur, la mĂÂȘme idĂ©e. Je dois ĂÂȘtre oĂÂč tu es, voir ce que tu vois, ressentir ce que tu ressens, et te suivre par la pensĂ©e. N'ai-je pas dĂ©jĂ su, le premier, que ta voiture avait versĂ©, que tu Ă©tais meurtrie ? Mais aussi ce jour-lĂ , ne t'avais-je pas quittĂ©e, je te voyais. Quand mon oncle m'a demandĂ© pourquoi je pĂÂąlissais, je lui ai dit " Mademoiselle de Villenoix vient de tomber ! " Pourquoi donc n'ai-je pas lu dans ton ĂÂąme, hier ? Voulais-tu me cacher la cause de ce chagrin ? Cependant j'ai cru deviner que tu avais fait en ma faveur quelques efforts malheureux auprĂšs de ce redoutable Salomon qui me glace. Cet homme n'est pas de notre ciel. Pourquoi veux-tu que notre bonheur, qui ne ressemble en rien Ă celui des autres, se conforme aux lois du monde ? Mais j'aime trop tes mille pudeurs, ta religion, tes superstitions, pour ne pas obĂ©ir Ă tes moindres caprices. Ce que tu fais doit ĂÂȘtre bien ; rien n'est plus pur que ta pensĂ©e, comme rien n'est plus beau que ton visage oĂÂč se rĂ©flĂ©chit ton ĂÂąme divine. J'attendrai ta lettre avant d'aller par les chemins chercher le doux moment que tu m'accordes. Ah ! si tu savais combien l'aspect des tourelles me fait palpiter, quand enfin je les vois bordĂ©es de lueur par la lune, notre amie, notre seule confidente. " " Adieu la gloire, adieu l'avenir, adieu la vie que je rĂÂȘvais ! Maintenant, ma tant aimĂ©e, ma gloire est d'ĂÂȘtre Ă toi, digne de toi ; mon avenir est tout entier dans l'espĂ©rance de te voir ; et ma vie ? n'est-ce pas de rester Ă tes pieds, de me coucher sous tes regards, de respirer en plein dans les cieux que tu m'as créés ? Toutes mes forces, toutes mes pensĂ©es doivent t'appartenir, Ă toi qui m'as dit ces enivrantes paroles " Je veux tes peines ! " Ne serait-ce pas dĂ©rober des joies Ă l'amour, des moments au bonheur, des sentiments Ă ton ĂÂąme divine, que de donner des heures Ă l'Ă©tude, des idĂ©es au monde, des poĂ©sies aux poĂštes ? Non, non, chĂšre vie Ă moi, je veux tout te rĂ©server, je veux t'apporter toutes les fleurs de mon ĂÂąme. Existe-t-il rien d'assez beau, d'assez splendide dans les trĂ©sors de la terre et de l'intelligence pour fĂÂȘter un coeur aussi riche, un coeur aussi pur que le tien, et auquel j'ose allier le mien, parfois ? Oui, parfois j'ai l'orgueil de croire que je sais aimer autant que tu aimes. Mais non, tu es un ange-femme il se rencontrera toujours plus de charme dans l'expression de tes sentiments, plus d'harmonie dans ta voix, plus de grĂÂące dans tes sourires, plus de puretĂ© dans tes regards que dans les miens. Oui, laisse-moi penser que tu es une crĂ©ation d'une sphĂšre plus Ă©levĂ©e que celle oĂÂč je vis ; tu auras l'orgueil d'en ĂÂȘtre descendue, j'aurai celui de t'avoir mĂ©ritĂ©e, et tu ne seras peut-ĂÂȘtre pas dĂ©chue en venant Ă moi, pauvre et malheureux. Oui, si le plus bel asile d'une femme est un coeur tout Ă elle, tu seras toujours souveraine dans le mien. Aucune pensĂ©e, aucune action ne ternira jamais ce coeur, riche sanctuaire, tant que tu voudras y rĂ©sider ; mais n'y demeuras-tu pas sans cesse ? Ne m'as-tu pas dit ce mot dĂ©licieux Maintenant et toujours ! ET NUNC ET SEMPER ! J'ai gravĂ© sous ton portrait ces paroles du Rituel, dignes de toi, comme elles sont dignes de Dieu. Il est et maintenant et toujours, comme sera mon amour. Non, non, je n'Ă©puiserai jamais ce qui est immense, infini, sans bornes ; et tel est le sentiment que je sens en moi pour toi, j'en ai devinĂ© l'incommensurable Ă©tendue, comme nous devinons l'espace, par la mesure d'une de ses parties. Ainsi, j'ai eu des jouissances ineffables, des heures entiĂšres pleines de mĂ©ditations voluptueuses en me rappelant un seul de tes gestes, ou l'accent d'une phrase. Il naĂtra donc des souvenirs sous le poids desquels je succomberai, si dĂ©jĂ la souvenance d'une heure douce et familiĂšre me fait pleurer de joie, attendrit, pĂ©nĂštre mon ĂÂąme, et devient une intarissable source de bonheur. Aimer, c'est la vie de l'ange ! Il me semble que je n'Ă©puiserai jamais le plaisir que j'Ă©prouve Ă le voir. Ce plaisir, le plus modeste de tous, mais auquel le temps manque toujours, m'a fait connaĂtre les Ă©ternelles contemplations dans lesquelles restent les SĂ©raphins et les Esprits devant Dieu rien n'est plus naturel, s'il Ă©mane de son essence une lumiĂšre aussi fertile en sentiments nouveaux que l'est celle de tes yeux, de ton front imposant, de ta belle physionomie, cĂ©leste image de ton ĂÂąme ; l'ĂÂąme, cet autre nous-mĂÂȘmes dont la forme pure, ne pĂ©rissant jamais, rend alors notre amour immortel. Je voudrais qu'il existĂÂąt un langage autre que celui dont je me sers, pour t'exprimer les renaissantes dĂ©lices de mon amour ; mais s'il en est un que nous avons créé, si nos regards sont de vivantes paroles, ne faut-il pas nous voir pour entendre par les yeux ces interrogations et ces rĂ©ponses du coeur si vives, si pĂ©nĂ©trantes, que tu m'as dit un soir - " Taisez-vous ! " quand je ne parlais pas. T'en souviens-tu, ma chĂšre vie ? De loin, quand je suis dans les tĂ©nĂšbres de l'absence, ne suis-je pas forcĂ© d'employer des mots humains trop faibles pour rendre des sensations divines ? les mots accusent au moins les sillons qu'elles tracent dans mon ĂÂąme, comme le mot Dieu rĂ©sume imparfaitement les idĂ©es que nous avons de ce mystĂ©rieux principe. Encore, malgrĂ© la science et l'infini du langage, n'ai-je jamais rien trouvĂ© dans ses expressions qui pĂ»t te peindre la dĂ©licieuse Ă©treinte par laquelle ma vie se fond dans la tienne quand je pense Ă toi. Puis, par quel mot finir, lorsque je cesse de t'Ă©crire sans pour cela te quitter ? Que signifie adieu, Ă moins de mourir ? Mais la mort serait-elle un adieu ? Mon ĂÂąme ne se rĂ©unirait-elle pas alors plus intimement Ă la tienne ? O mon Ă©ternelle pensĂ©e ! naguĂšre je t'offris Ă genoux mon coeur et ma vie ; maintenant, quelles nouvelles fleurs de sentiment trouverai-je donc en mon ĂÂąme, que je ne t'aie donnĂ©es ? Ne serait-ce pas t'envoyer une parcelle du bien que tu possĂšdes entiĂšrement ? N'es-tu pas mon avenir ? Combien je regrette le passĂ© ! Ces annĂ©es qui ne nous appartiennent plus, je voudrais te les rendre toutes, et t'y faire rĂ©gner comme tu rĂšgnes sur ma vie actuelle. Mais qu'est-ce que le temps de mon existence oĂÂč je ne te connaissais pas ? Ce serait le nĂ©ant, si je n'avais pas Ă©tĂ© si malheureux. " " Ange aimĂ©, quelle douce soirĂ©e que celle d'hier ! Combien de richesses dans ton cher coeur ? ton amour est donc inĂ©puisable, comme le mien. Chaque mot m'apportait de nouvelles joies, et chaque regard en Ă©tendait la profondeur. L'expression calme de ta physionomie donnait un horizon sans bornes Ă nos pensĂ©es. Oui, tout Ă©tait alors infini comme le ciel, et doux comme son azur. La dĂ©licatesse de tes traits adorĂ©s se reproduisait, je ne sais par quelle magie, dans tes gentils mouvements, dans tes gestes menus. Je savais bien que tu Ă©tais tout grĂÂące et tout amour, mais j'ignorais combien tu Ă©tais diversement gracieuse. Tout s'accordait Ă me conseiller ces voluptueuses sollicitations, Ă me faire demander ces premiĂšres grĂÂąces qu'une femme refuse toujours, sans doute pour se les laisser ravir. Mais non, toi, chĂšre ĂÂąme de ma vie, tu ne sauras jamais d'avance ce que tu pourras accorder Ă mon amour, et tu te donneras sans le vouloir peut-ĂÂȘtre ! Tu es vraie, et n'obĂ©is qu'Ă ton coeur. Comme la douceur de ta voix s'alliait aux tendres harmonies de l'air pur et des cieux tranquilles ! Pas un cri d'oiseau, pas une brise ; la solitude et nous ! Les feuillages immobiles ne tremblaient mĂÂȘme pas dans ces admirables couleurs du couchant qui sont tout Ă la fois ombre et lumiĂšre. Tu as senti ces poĂ©sies cĂ©lestes, toi qui unissais tant de sentiments divers, et reportais si souvent tes yeux vers le ciel pour ne pas me rĂ©pondre ! Toi, fiĂšre et rieuse, humble et despotique, te donnant tout entiĂšre en ĂÂąme, en pensĂ©e, et te dĂ©robant Ă la plus timide des caresses ! ChĂšres coquetteries du coeur ! elles vibrent toujours dans mon oreille, elles s'y roulent et s'y jouent encore, ces dĂ©licieuses paroles Ă demi bĂ©gayĂ©es comme celles des enfants, et qui n'Ă©taient ni des promesses, ni des aveux, mais qui laissaient Ă l'amour ses belles espĂ©rances sans craintes et sans tourments ! Quel chaste souvenir dans la vie ! Quel Ă©panouissement de toutes les fleurs qui naissent au fond de l'ĂÂąme, et qu'un rien peut flĂ©trir, mais qu'alors tout animait et fĂ©condait ! Ce sera toujours ainsi, n'est-ce pas, mon aimĂ©e ? En me rappelant, au matin, les vives et fraĂches douceurs qui sourdirent en ce moment, je me sens dans l'ĂÂąme un bonheur qui me fait concevoir le vĂ©ritable amour comme un ocĂ©an de sensations Ă©ternelles et toujours neuves, oĂÂč l'on se plonge avec de croissantes dĂ©lices. Chaque jour, chaque parole, chaque caresse, chaque regard doit y ajouter le tribut de sa joie Ă©coulĂ©e. Oui, les coeurs assez grands pour ne rien oublier doivent vivre, Ă chaque battement, de toutes leurs fĂ©licitĂ©s passĂ©es, comme de toutes celles que promet l'avenir. VoilĂ ce que je rĂÂȘvais autrefois, et ce n'est plus un rĂÂȘve aujourd'hui. N'ai-je pas rencontrĂ© sur cette terre un ange qui m'en a fait connaĂtre toutes les joies pour me rĂ©compenser peut-ĂÂȘtre d'en avoir supportĂ© toutes les douleurs ? Ange du ciel, je te salue par un baiser. Je t'envoie cette hymne Ă©chappĂ©e Ă mon coeur, je te la devais ; mais elle te peindra difficilement ma reconnaissance et ces priĂšres matinales que mon coeur adresse chaque jour Ă celle qui m'a dit tout l'Ă©vangile du coeur dans ce mot divin " CROYEZ ! " " Comment, coeur chĂ©ri, plus d'obstacles ! Nous serons libres d'ĂÂȘtre l'un Ă l'autre, chaque jour, Ă chaque heure, chaque moment, toujours. Nous pourrons rester, pendant toutes les journĂ©es de notre vie, heureux comme nous le sommes furtivement en de rares instants ! Quoi ! nos sentiments si purs, si profonds, prendront les formes dĂ©licieuses des mille caresses que j'ai rĂÂȘvĂ©es. Ton petit pied se dĂ©chaussera pour moi, tu seras toute Ă moi ! Ce bonheur me tue, il m'accable. Ma tĂÂȘte est trop faible, elle Ă©clate sous la violence de mes pensĂ©es. Je pleure et je ris, j'extravague. Chaque plaisir est comme une flĂšche ardente, il me perce et me brĂ»le ! Mon imagination te fait passer devant mes yeux ravis, Ă©blouis, sous les innombrables et capricieuses figures qu'affecte la voluptĂ©. Enfin, toute notre vie est lĂ , devant moi, avec ses torrents, ses repos, ses joies ; elle bouillonne, elle s'Ă©tale, elle dort ; puis elle se rĂ©veille jeune, fraĂche. Je nous vois tous deux unis, marchant du mĂÂȘme pas, vivant de la mĂÂȘme pensĂ©e ; toujours au coeur l'un de l'autre, nous comprenant, nous entendant comme l'Ă©cho reçoit et redit les sons Ă travers les espaces ! Peut-on vivre longtemps en dĂ©vorant ainsi sa vie Ă toute heure ? Ne mourrons-nous pas dans le premier embrassement ? Et que sera-ce donc, si dĂ©jĂ nos ĂÂąmes se confondaient dans ce doux baiser du soir, qui nous enlevait nos forces ; ce baiser sans durĂ©e, dĂ©nouement de tous mes dĂ©sirs, interprĂšte impuissant de tant de priĂšres Ă©chappĂ©es Ă mon ĂÂąme pendant nos heures de sĂ©paration, et cachĂ©es au fond de mon coeur comme des remords ? Moi, qui revenais me coucher dans la baie pour entendre le bruit de tes pas quand tu retournais au chĂÂąteau, je vais donc pouvoir t'admirer Ă mon aise, agissant, riant, jouant, causant, allant. Joies sans fin ! Tu ne sais pas tout ce que je sens de jouissances Ă te voir allant et venant il faut ĂÂȘtre homme pour Ă©prouver ces sensations profondes. Chacun de tes mouvements me donne plus de plaisir que n'en peut prendre une mĂšre Ă voir son enfant joyeux ou endormi. Je t'aime de tous les amours ensemble. La grĂÂące de ton moindre geste est toujours nouvelle pour moi. Il me semble que je passerais les nuits Ă respirer ton souffle, je voudrais me glisser dans tous les actes de ta vie, ĂÂȘtre la substance mĂÂȘme de tes pensĂ©es, je voudrais ĂÂȘtre toi-mĂÂȘme. Enfin, je ne te quitterai donc plus ! Aucun sentiment humain ne troublera plus notre amour, infini dans ses transformations et pur comme tout ce qui est un ; notre amour vaste comme la mer, vaste comme le ciel ! Tu es Ă moi ! toute Ă moi ! Je pourrai donc regarder au fond de tes yeux pour y deviner la chĂšre ĂÂąme qui s'y cache et s'y rĂ©vĂšle tour Ă tour, pour y Ă©pier tes dĂ©sirs ! Ma bien-aimĂ©e, Ă©coute certaines choses que je n'osais te dire encore, mais que je puis t'avouer aujourd'hui. Je sentais en moi je ne sais quelle pudeur d'ĂÂąme qui s'opposait Ă l'entiĂšre expression de mes sentiments, et je tĂÂąchais de les revĂÂȘtir des formes de la pensĂ©e. Mais, maintenant, je voudrais mettre mon coeur Ă nu, te dire toute l'ardeur de mes rĂÂȘves, te dĂ©voiler la bouillante ambition de mes sens irritĂ©s par la solitude oĂÂč j'ai vĂ©cu, toujours enflammĂ©s par l'attente du bonheur, et rĂ©veillĂ©s par toi, par toi si douce de formes, si attrayante en tes maniĂšres ! Mais est-il possible d'exprimer combien je suis altĂ©rĂ© de ces fĂ©licitĂ©s inconnues que donne la possession d'une femme aimĂ©e, et auxquelles deux ĂÂąmes Ă©troitement unies par l'amour doivent prĂÂȘter une force de cohĂ©sion effrĂ©nĂ©e ! Sache-le, ma Pauline, je suis restĂ© pendant des heures entiĂšres dans une stupeur causĂ©e par la violence de mes souhaits passionnĂ©s, restant perdu dans le sentiment d'une caresse comme dans un gouffre sans fond. En ces moments, ma vie entiĂšre, mes pensĂ©es, mes forces, se fondent, s'unissent dans ce que je nomme un dĂ©sir, faute de mots pour exprimer un dĂ©lire sans nom ! Et maintenant, je puis t'avouer que le jour oĂÂč j'ai refusĂ© la main que tu me tendais par un si joli mouvement, triste sagesse qui t'a fait douter de mon amour, j'Ă©tais dans un de ces moments de folie oĂÂč l'on mĂ©dite un meurtre pour possĂ©der une femme. Oui, si j'avais senti la dĂ©licieuse pression que tu m'offrais, aussi vivement que ta voix retentissait dans mon coeur, je ne sais oĂÂč m'aurait conduit la violence de mes dĂ©sirs. Mais je puis me taire et souffrir beaucoup. Pourquoi parler de ces douleurs quand mes contemplations vont devenir des rĂ©alitĂ©s ? Il me sera donc maintenant permis de faire de toute notre vie une seule caresse ! ChĂ©rie aimĂ©e, il se rencontre tel effet de lumiĂšre sur tes cheveux noirs qui me ferait rester, les larmes dans les yeux, pendant de longues heures occupĂ© Ă voir ta chĂšre personne, si tu ne me disais pas en te retournant " Finis, tu me rends honteuse. " Demain, notre amour se saura donc ! Ah ! Pauline, ces regards des autres Ă supporter, cette curiositĂ© publique me serre le coeur. Allons Ă Villenoix, restons-y loin de tout. Je voudrais qu'aucune crĂ©ature ayant face humaine n'entrĂÂąt dans le sanctuaire oĂÂč tu seras Ă moi ; je voudrais mĂÂȘme qu'aprĂšs nous il n'existĂÂąt plus, qu'il fĂ»t dĂ©truit. Oui, je voudrais dĂ©rober Ă la nature entiĂšre un bonheur que nous sommes seuls Ă comprendre, seuls Ă sentir, et qui est tellement immense que je m'y jette pour y mourir c'est un abĂme. Ne t'effraie pas des larmes qui ont mouillĂ© cette lettre, c'est des larmes de joie. Mon seul bonheur, nous ne nous quitterons donc plus ! " En 1823, j'allais de Paris en Touraine par la diligence. A Mer, le conducteur prit un voyageur pour Blois. En le faisant entrer dans la partie de la voiture oĂÂč je me trouvais, il lui dit en plaisantant - Vous ne serez pas gĂÂȘnĂ© lĂ , monsieur Lefebvre ! En effet, j'Ă©tais seul. En entendant ce nom, en voyant un vieillard Ă cheveux blancs qui paraissait au moins octogĂ©naire, je pensai tout naturellement Ă l'oncle de Lambert. AprĂšs quelques questions insidieuses, j'appris que je ne me trompais pas. Le bonhomme venait de faire ses vendanges Ă Mer, il retournait Ă Blois. AussitĂÂŽt je lui demandai des nouvelles de mon ancien faisant. Au premier mot, la physionomie du vieil Oratorien, dĂ©jĂ grave et sĂ©vĂšre comme celle d'un soldat qui aurait beaucoup souffert, devint triste et brune ; les rides de son front se contractĂšrent lĂ©gĂšrement, il serra ses lĂšvres, me jeta un regard Ă©quivoque et me dit - Vous ne l'avez pas revu depuis le collĂšge ? - Non, ma foi, rĂ©pondis-je. Mais nous sommes aussi coupables l'un que l'autre, s'il y a oubli. Vous le savez, les jeunes gens mĂšnent une vie si aventureuse et si passionnĂ©e en quittant les bancs de l'Ă©cole, qu'il faut se retrouver pour savoir combien l'on s'aime encore. Cependant, parfois, un souvenir de jeunesse arrive, et il est impossible de s'oublier tout Ă fait, surtout lorsqu'on a Ă©tĂ© aussi amis que nous l'Ă©tions Lambert et moi. On nous avait appelĂ©s le PoĂšte-et-Pythagore ! Je lui dis mon nom, mais en l'entendant la figure du bonhomme se rembrunit encore. - Vous ne connaissez donc pas son histoire, reprit-il. Mon pauvre neveu devait Ă©pouser la plus riche hĂ©ritiĂšre de Blois, mais la veille de son mariage il est devenu fou. - Lambert, fou ! m'Ă©criai-je frappĂ© de stupeur. Et par quel Ă©vĂ©nement ? C'Ă©tait la plus riche mĂ©moire, la tĂÂȘte la plus fortement organisĂ©e, le jugement le plus sagace que j'aie rencontrĂ©s ! Beau gĂ©nie, un peu trop passionnĂ© peut-ĂÂȘtre pour la mysticitĂ© ; mais le meilleur coeur du monde ! Il lui est donc arrivĂ© quelque chose de bien extraordinaire ? - Je vois que vous l'avez bien connu, me dit le bonhomme. Depuis Mer jusqu'Ă Blois, nous parlĂÂąmes alors de mon pauvre camarade, en faisant de longues digressions par lesquelles je m'instruisis des particularitĂ©s que j'ai dĂ©jĂ rapportĂ©es pour prĂ©senter les faits dans un ordre qui les rendit intĂ©ressants. J'appris Ă son oncle le secret de nos Ă©tudes, la nature des occupations de son neveu ; puis le vieillard me raconta les Ă©vĂ©nements survenus dans la vie de Lambert depuis que je l'avais quittĂ©. A entendre monsieur Lefebvre, Lambert aurait donnĂ© quelques marques de folie avant son mariage ; mais ces symptĂÂŽmes lui Ă©tant communs avec tous ceux qui aiment passionnĂ©ment, ils me parurent moins caractĂ©ristiques lorsque je connus et la violence de son amour et mademoiselle de Villenoix. En province, oĂÂč les idĂ©es se rarĂ©fient, un homme plein de pensĂ©es neuves et dominĂ© par un systĂšme, comme l'Ă©tait Louis, pouvait passer au moins pour un original. Son langage devait surprendre d'autant plus qu'il parlait plus rarement. Il disait Cet homme n'est pas de mon ciel, lĂ oĂÂč les autres disaient Nous ne mangerons pas un minot de sel ensemble. Chaque homme de talent a ses idiotismes particuliers. Plus large est le gĂ©nie, plus tranchĂ©es sont les bizarreries qui constituent les divers degrĂ©s dĂąâŹâąoriginalitĂ©. En province, un original passe pour un homme Ă moitiĂ© fou. Les premiĂšres paroles de monsieur Lefebvre me firent donc douter de la folie de mon camarade. Tout en Ă©coutant le vieillard, je critiquais intĂ©rieurement son rĂ©cit. Le fait le plus grave Ă©tait survenu quelques jours avant le mariage des deux amants. Louis avait eu quelques accĂšs de catalepsie bien caractĂ©risĂ©s. Il Ă©tait restĂ© pendant cinquante-neuf heures immobile, les yeux fixes, sans manger ni parler ; Ă©tat purement nerveux dans lequel tombent quelques personnes en proie Ă de violentes passions ; phĂ©nomĂšne rare, mais dont les effets sont bien parfaitement connus des mĂ©decins. S'il y avait quelque chose d'extraordinaire, c'est que Louis n'eĂ»t pas eu dĂ©jĂ plusieurs accĂšs de cette maladie, Ă laquelle le prĂ©disposaient son habitude de l'extase et la nature de ses idĂ©es. Mais sa constitution extĂ©rieure et intĂ©rieure Ă©tait si parfaite qu'elle avait sans doute rĂ©sistĂ© jusqu'alors Ă l'abus de ses forces. L'exaltation Ă laquelle dut le faire arriver l'attente du plus grand plaisir physique, encore agrandie chez lui par la chastetĂ© du corps et par la puissance de l'ĂÂąme, avait bien pu dĂ©terminer cette crise dont les rĂ©sultats ne sont pas plus connus que la cause. Les lettres que le hasard a conservĂ©es accusent d'ailleurs assez bien sa transition de l'idĂ©alisme pur dans lequel il vivait au sensualisme le plus aigu. Jadis, nous avions qualifiĂ© d'admirable ce phĂ©nomĂšne humain dans lequel Lambert voyait la sĂ©paration fortuite de nos deux natures, et les symptĂÂŽmes d'une absence complĂšte de l'ĂÂȘtre intĂ©rieur usant de ses facultĂ©s inconnues sous l'empire d'une cause inobservĂ©e. Cette maladie, abĂme tout aussi profond que le sommeil, se rattachait au systĂšme de preuves que Lambert avait donnĂ©es dans son TraitĂ© de la VolontĂ©. Au moment oĂÂč monsieur Lefebvre me parla du premier accĂšs de Louis, je me souvins tout Ă coup d'une conversation que nous eĂ»mes Ă ce sujet, aprĂšs la lecture d'un livre de mĂ©decine. - Une mĂ©ditation profonde, une belle extase sont peut-ĂÂȘtre, dit-il en terminant, des catalepsies en herbe. Le jour oĂÂč il formula si briĂšvement cette pensĂ©e, il avait tĂÂąchĂ© de lier les phĂ©nomĂšnes moraux entre eux par une chaĂne d'effets, en suivant pas Ă pas tous les actes de l'intelligence, commençant par les simples mouvements de l'instinct purement animal qui suffit Ă tant d'ĂÂȘtres, surtout Ă certains hommes dont les forces passent toutes dans un travail purement mĂ©canique ; puis, allant Ă l'agrĂ©gation des pensĂ©es, arrivant Ă la comparaison, Ă la rĂ©flexion, Ă la mĂ©ditation, enfin Ă l'extase et Ă la catalepsie. Certes, Lambert crut avec la naĂÂŻve conscience du jeune ĂÂąge avoir fait le plan d'un beau livre en Ă©chelonnant ainsi ces divers degrĂ©s des puissances intĂ©rieures de l'homme. Je me rappelle que, par une de ces fatalitĂ©s qui font croire Ă la prĂ©destination, nous attrapĂÂąmes le grand Martyrologe oĂÂč sont contenus les faits les plus curieux sur l'abolition complĂšte de la vie corporelle Ă laquelle l'homme peut arriver dans les paroxysmes de ses facultĂ©s intĂ©rieures. En rĂ©flĂ©chissant aux effets du fanatisme, Lambert fut alors conduit Ă penser que les collections d'idĂ©es auxquelles nous donnons le nom de sentiments pouvaient bien ĂÂȘtre le jet matĂ©riel de quelque fluide que produisent les hommes plus ou moins abondamment, suivant la maniĂšre dont leurs organes en absorbent les substances gĂ©nĂ©ratrices dans les milieux oĂÂč ils vivent. Nous nous passionnĂÂąmes pour la catalepsie, et, avec l'ardeur que les enfants mettent dans leurs entreprises, nous essayĂÂąmes de supporter la douleur en pensant Ă autre chose. Nous nous fatiguĂÂąmes beaucoup Ă faire quelques expĂ©riences assez analogues Ă celles dues aux convulsionnaires dans le siĂšcle dernier, fanatisme religieux qui servira quelque jour Ă la science humaine. Je montais sur l'estomac de Lambert, et m'y tenais plusieurs minutes sans lui causer la plus lĂ©gĂšre douleur ; mais, malgrĂ© ces folles tentatives, nous n'eĂ»mes aucun accĂšs de catalepsie. Cette digression m'a paru nĂ©cessaire pour expliquer mes premiers doutes, que monsieur Lefebvre dissipa complĂštement. - Lorsque son accĂšs fut passĂ©, me dit-il, mon neveu tomba dans une terreur profonde, dans une mĂ©lancolie que rien ne put dissiper. Il se crut impuissant. Je me mis Ă le surveiller avec l'attention d'une mĂšre pour son enfant, et le surpris heureusement au moment oĂÂč il allait pratiquer sur lui-mĂÂȘme l'opĂ©ration Ă laquelle OrigĂšne crut devoir son talent. Je l'emmenai promptement Ă Paris pour le confier aux soins de M. Esquirol. Pendant le voyage, Louis resta plongĂ© dans une somnolence presque continuelle, et ne me reconnut plus. A Paris, les mĂ©decins le regardĂšrent comme incurable, et conseillĂšrent unanimement de le laisser dans la plus profonde solitude, en Ă©vitant de troubler le silence nĂ©cessaire Ă sa guĂ©rison improbable, et de le mettre dans une salle fraĂche oĂÂč le jour serait constamment adouci. - Mademoiselle de Villenoix, Ă qui j'avais cachĂ© l'Ă©tat de Louis, reprit-il en clignant les yeux, mais dont le mariage passait pour ĂÂȘtre rompu, vint Ă Paris, et apprit la dĂ©cision des mĂ©decins. AussitĂÂŽt elle dĂ©sira voir mon neveu qui la reconnut Ă peine ; puis elle voulut, d'aprĂšs la coutume des belles ĂÂąmes, se consacrer Ă lui donner les soins nĂ©cessaires Ă sa guĂ©rison. " Elle y aurait Ă©tĂ© obligĂ©e, disait-elle, s'il eĂ»t Ă©tĂ© son mari ; devait-elle faire moins pour son amant ? " Aussi a-t-elle emmenĂ© Louis Ă Villenoix, oĂÂč ils demeurent depuis deux ans. Au lieu de continuer mon voyage, je m'arrĂÂȘtai donc Ă Blois dans le dessein d'aller voir Louis. Le bonhomme Lefebvre ne me permit pas de descendre ailleurs que dans sa maison, oĂÂč il me montra la chambre de son neveu, les livres et tous les objets qui lui avaient appartenu. A chaque chose, il Ă©chappait au vieillard une exclamation douloureuse par laquelle il accusait les espĂ©rances que le gĂ©nie prĂ©coce de Lambert lui avait fait concevoir, et le deuil affreux oĂÂč le plongeait cette perte irrĂ©parable. - Ce jeune homme savait tout, mon cher monsieur ! dit-il en posant sur une table le volume oĂÂč sont contenues les oeuvres de Spinosa. Comment une tĂÂȘte si bien organisĂ©e a-t-elle pu se dĂ©traquer ? - Mais, monsieur, lui rĂ©pondis-je, ne serait-ce pas un effet de sa vigoureuse organisation ? S'il est rĂ©ellement en proie Ă cette crise encore inobservĂ©e dans tous ses modes et que nous appelons folie, je suis tentĂ© d'en attribuer la cause Ă sa passion. Ses Ă©tudes, son genre de vie avaient portĂ© ses forces et ses facultĂ©s Ă un degrĂ© de puissance au delĂ duquel la plus lĂ©gĂšre surexcitation devait faire cĂ©der la nature ; l'amour les aura donc brisĂ©es ou Ă©levĂ©es Ă une nouvelle expression que peut-ĂÂȘtre calomnions-nous en la qualifiant sans la connaĂtre. Enfin, peut-ĂÂȘtre a-t-il vu dans les plaisirs de son mariage un obstacle Ă la perfection de ses sens intĂ©rieurs et Ă son vol Ă travers les Mondes Spirituels. - Mon cher monsieur, rĂ©pliqua le vieillard aprĂšs m'avoir attentivement Ă©coutĂ©, votre raisonnement est sans doute fort logique ; mais quand je le comprendrais, ce triste savoir me consolerait-il de la perte de mon neveu ? L'oncle de Lambert Ă©tait un de ces hommes qui ne vivent que par le coeur. Le lendemain, je partis pour Villenoix. Le bonhomme m'accompagna jusqu'Ă la porte de Blois. Quand nous fĂ»mes dans le chemin qui mĂšne Ă Villenoix, il s'arrĂÂȘta pour me dire - Vous pensez bien que je n'y vais point. Mais, vous, n'oubliez pas ce que je vous ai dit. En prĂ©sence de mademoiselle de Villenoix, n'ayez pas l'air de vous apercevoir que Louis est fou. Il resta sans bouger Ă la place oĂÂč je venais de le quitter, et d'oĂÂč il me regarda jusqu'Ă ce qu'il m'eĂ»t perdu de vue. Je ne cheminai pas sans de profondes Ă©motions vers le chĂÂąteau de Villenoix. Mes rĂ©flexions croissaient Ă chaque pas dans cette route que Louis avait tant de fois faite, le coeur plein d'espĂ©rance, l'ĂÂąme exaltĂ©e par tous les aiguillons de l'amour. Les buissons, les arbres, les caprices de cette route tortueuse dont les bords Ă©taient dĂ©chirĂ©s par de petits ravins, acquirent un intĂ©rĂÂȘt prodigieux pour moi. J'y voulais retrouver les impressions et les pensĂ©es de mon pauvre camarade. Sans doute ces conversations du soir, au bord de cette brĂšche oĂÂč sa maĂtresse venait le retrouver, avaient initiĂ© mademoiselle de Villenoix aux secrets de cette ĂÂąme et si noble et si vaste, comme je le fus moi-mĂÂȘme quelques annĂ©es auparavant. Mais le fait qui me prĂ©occupait le plus, et donnait Ă mon pĂšlerinage un immense intĂ©rĂÂȘt de curiositĂ© parmi les sentiments presque religieux qui me guidaient, Ă©tait cette magnifique croyance de mademoiselle de Villenoix que le bonhomme m'avait expliquĂ©e avait-elle, Ă la longue, contractĂ© la folie de son amant, ou Ă©tait-elle entrĂ©e si avant dans son ĂÂąme, qu'elle en pĂ»t comprendre toutes les pensĂ©es, mĂÂȘme les plus confuses ? Je me perdais dans cet admirable problĂšme de sentiment qui dĂ©passait les plus belles inspirations de l'amour et ses dĂ©vouements les plus beaux. Mourir l'un pour l'autre est un sacrifice presque vulgaire. Vivre fidĂšle Ă un seul amour est un hĂ©roĂÂŻsme qui a rendu mademoiselle Dupuis immortelle. Lorsque NapolĂ©on-le-Grand et lord Byron ont eu des successeurs lĂ oĂÂč ils avaient aimĂ©, il est permis d'admirer cette veuve de Bolingbroke ; mais mademoiselle Dupuis pouvait vivre par les souvenirs de plusieurs annĂ©es de bonheur, tandis que mademoiselle de Villenoix, n'ayant connu de l'amour que ses premiĂšres Ă©motions, m'offrait le type du dĂ©vouement dans sa plus large expression. Devenue presque folle, elle Ă©tait sublime ; mais comprenant, expliquant la folie, elle ajoutait aux beautĂ©s d'un grand coeur un chef-d'oeuvre de passion digne d'ĂÂȘtre Ă©tudiĂ©. Lorsque j'aperçus les hautes tourelles du chĂÂąteau, dont l'aspect avait dĂ» faire si souvent tressaillir le pauvre Lambert, mon coeur palpita vivement. Je m'Ă©tais associĂ©, pour ainsi dire, Ă sa vie et Ă sa situation en me rappelant tous les Ă©vĂ©nements de notre jeunesse. Enfin, j'arrivai dans une grande cour dĂ©serte, et pĂ©nĂ©trai jusque dans le vestibule du chĂÂąteau sans avoir rencontrĂ© personne. Le bruit de mes pas fit venir une femme ĂÂągĂ©e, Ă laquelle je remis la lettre que monsieur Lefebvre avait Ă©crite Ă mademoiselle de Villenoix. BientĂÂŽt la mĂÂȘme femme revint me chercher, et m'introduisit dans une salle basse, dallĂ©e en marbre blanc et noir, dont les persiennes Ă©taient fermĂ©es, et au fond de laquelle je vis indistinctement Louis Lambert. - Asseyez-vous, monsieur, me dit une voix douce qui allait au coeur. Mademoiselle de Villenoix se trouvait Ă cĂÂŽtĂ© de moi sans que je l'eusse aperçue, et m'avait apportĂ© sans bruit une chaise que je ne pris pas d'abord. L'obscuritĂ© Ă©tait si forte que, dans le premier moment, mademoiselle de Villenoix et Louis me firent l'effet de deux masses noires qui tranchaient sur le fond de cette atmosphĂšre tĂ©nĂ©breuse. Je m'assis, en proie Ă ce sentiment qui nous saisit presque malgrĂ© nous sous les sombres arcades d'une Ă©glise. Mes yeux, encore frappĂ©s par l'Ă©clat du soleil, ne s'accoutumĂšrent que graduellement Ă cette nuit factice. - Monsieur, lui dit-elle, est ton ami de collĂšge. Lambert ne rĂ©pondit pas. Je pus enfin le voir, et il m'offrit un de ces spectacles qui se gravent Ă jamais dans la mĂ©moire. Il se tenait debout, les deux coudes appuyĂ©s sur la saillie formĂ©e par la boiserie, en sorte que son buste paraissait flĂ©chir sous le poids de sa tĂÂȘte inclinĂ©e. Ses cheveux, aussi longs que ceux d'une femme, tombaient sur ses Ă©paules, et entouraient sa figure de maniĂšre Ă lui donner de la ressemblance avec les bustes qui reprĂ©sentent les grands hommes du siĂšcle de Louis XIV. Son visage Ă©tait d'une blancheur parfaite. Il frottait habituellement une de ses jambes sur l'autre par un mouvement machinal que rien n'avait pu rĂ©primer, et le frottement continuel des deux os produisait un bruit affreux. AuprĂšs de lui se trouvait un sommier de mousse posĂ© sur une planche. - Il lui arrive trĂšs rarement de se coucher, me dit mademoiselle de Villenoix, quoique chaque fois il dorme pendant plusieurs jours. Louis se tenait debout comme je le voyais, jour et nuit, les yeux fixes, sans jamais baisser et relever les paupiĂšres comme nous en avons l'habitude. AprĂšs avoir demandĂ© Ă mademoiselle Villenoix si un peu plus de jour ne causerait aucune douleur Ă Lambert, sur sa rĂ©ponse, j'ouvris lĂ©gĂšrement la persienne, et pus voir alors l'expression de la physionomie de mon ami. HĂ©las ! dĂ©jĂ ridĂ©, dĂ©jĂ blanchi, enfin dĂ©jĂ plus de lumiĂšre dans ses yeux, devenus vitreux comme ceux d'un aveugle. Tous ses traits semblaient tirĂ©s par une convulsion vers le haut de sa tĂÂȘte. J'essayai de lui parler Ă plusieurs reprises ; mais il ne m'entendit pas. C'Ă©tait un dĂ©bris arrachĂ© Ă la tombe, une espĂšce de conquĂÂȘte faite par la vie sur la mort, ou par la mort sur la vie. J'Ă©tais lĂ depuis une heure environ, plongĂ© dans une indĂ©finissable rĂÂȘverie, en proie Ă mille idĂ©es affligeantes. J'Ă©coutais mademoiselle de Villenoix qui me racontait dans tous ses dĂ©tails cette vie d'enfant au berceau. Tout Ă coup Louis cessa de frotter ses jambes l'une contre l'autre, et dit d'une voix lente - Les anges sont blancs ! Je ne puis expliquer l'effet produit sur moi par cette parole, par le son de cette voix tant aimĂ©e, dont les accents attendus pĂ©niblement me paraissaient Ă jamais perdus pour moi. MalgrĂ© moi mes yeux se remplirent de larmes. Un pressentiment involontaire passa rapidement dans mon ĂÂąme et me fit douter que Louis eĂ»t perdu la raison. J'Ă©tais cependant bien certain qu'il ne me voyait ni ne m'entendait ; mais les harmonies de sa voix, qui semblaient accuser un bonheur divin, communiquĂšrent Ă ces mots d'irrĂ©sistibles pouvoirs. IncomplĂšte rĂ©vĂ©lation d'un monde inconnu, sa phrase retentit dans nos ĂÂąmes comme quelque magnifique sonnerie d'Ă©glise au milieu d'une nuit profonde. Je ne m'Ă©tonnai plus que mademoiselle de Villenoix crĂ»t Louis parfaitement sain d'entendement. Peut-ĂÂȘtre la vie de l'ĂÂąme avait-elle anĂ©anti la vie du corps. Peut-ĂÂȘtre sa compagne avait-elle, comme je l'eus alors, de vagues intuitions de cette nature mĂ©lodieuse et fleurie que nous nommons dans sa plus large expression le CIEL. Cette femme, cet ange restait toujours lĂ , assise devant un mĂ©tier Ă tapisserie, et chaque fois qu'elle tirait son aiguille elle regardait Lambert en exprimant un sentiment triste et doux. Hors d'Ă©tat de supporter cet affreux spectacle, car je ne savais pas, comme mademoiselle de Villenoix, en deviner tous les secrets ; je sortis, et nous allĂÂąmes nous promener ensemble pendant quelques moments pour parler d'elle et de Lambert. - Sans doute, me dit-elle, Louis doit paraĂtre fou ; mais il ne l'est pas, si le nom de fou doit appartenir seulement Ă ceux dont, par des causes inconnues, le cerveau se vicie, et qui n'offrent aucune raison de leurs actes. Tout est parfaitement coordonnĂ© chez mon mari. S'il ne vous a pas reconnu physiquement, ne croyez pas qu'il ne vous ait point vu. Il a rĂ©ussi Ă se dĂ©gager de son corps, et nous aperçoit sous une autre forme, je ne sais laquelle. Quand il parle, il exprime des choses merveilleuses. Seulement, assez souvent, il achĂšve par la parole une idĂ©e commencĂ©e dans son esprit, ou commence une proposition qu'il achĂšve mentalement. Aux autres hommes, il paraĂtrait aliĂ©nĂ© ; pour moi, qui vis dans sa pensĂ©e, toutes ses idĂ©es sont lucides. Je parcours le chemin fait par son esprit, et, quoique je n'en connaisse pas tous les dĂ©tours, je sais me trouver nĂ©anmoins au but avec lui. A qui n'est-il pas, maintes fois, arrivĂ© de penser Ă une chose futile et d'ĂÂȘtre entraĂnĂ© vers une pensĂ©e grave par des idĂ©es ou par des souvenirs qui s'enroulent ? Souvent, aprĂšs avoir parlĂ© d'un objet frivole, innocent point de dĂ©part de quelque rapide mĂ©ditation, un penseur oublie ou tait les liaisons abstraites qui l'ont conduit Ă sa conclusion, et reprend la parole en ne montrant que le dernier anneau de cette chaĂne de rĂ©flexions. Les gens vulgaires Ă qui cette vĂ©locitĂ© de vision mentale est inconnue, ignorant le travail intĂ©rieur de l'ĂÂąme, se mettent Ă rire du rĂÂȘveur, et le traitent de fou s'il est coutumier de ces sortes d'oublis. Louis est toujours ainsi sans cesse il voltige Ă travers les espaces de la pensĂ©e, et s'y promĂšne avec une vivacitĂ© d'hirondelle, je sais le suivre dans ses dĂ©tours. VoilĂ l'histoire de sa folie. Peut-ĂÂȘtre un jour Louis reviendra-t-il Ă cette vie dans laquelle nous vĂ©gĂ©tons ; mais s'il respire l'air des cieux avant le temps oĂÂč il nous sera permis d'y exister, pourquoi souhaiterions-nous de le revoir parmi nous ? Contente d'entendre battre son coeur, tout mon bonheur est d'ĂÂȘtre auprĂšs de lui. N'est-il pas tout Ă moi ? Depuis trois ans, Ă deux reprises, je l'ai possĂ©dĂ© pendant quelques jours en Suisse oĂÂč je l'ai conduit, et au fond de la Bretagne dans une Ăle oĂÂč je l'ai menĂ© prendre des bains de mer. J'ai Ă©tĂ© deux fois bien heureuse ! Je puis vivre par mes souvenirs. - Mais, lui dis-je, Ă©crirez-vous les paroles qui lui Ă©chappent ? - Pourquoi ? me rĂ©pondit-elle. Je gardai le silence, les sciences humaines Ă©taient bien petites devant cette femme. - Dans le temps oĂÂč il se mit Ă parler, reprit-elle, je crois avoir recueilli ses premiĂšres phrases, mais j'ai cessĂ© de le faire ; je n'y entendais rien alors. Je les lui demandai par un regard ; elle me comprit, et voici ce que je pus sauver de l'oubli. Ici-bas, tout est le produit d'une SUBSTANCE ETHEREE, base commune de plusieurs phĂ©nomĂšnes connus sous les noms impropres d 'ElectricitĂ©, Chaleur, LumiĂšre, Fluide galvanique, magnĂ©tique, etc. L'universalitĂ© des transmutations de cette Substance constitue ce que l'on appelle vulgairement la MatiĂšre. Le Cerveau est le matras[1] oĂÂč l 'ANIMAL transporte ce que, suivant la force de cet appareil, chacune de ses organisations peut absorber de cette SUBSTANCE, et d'oĂÂč elle sort transformĂ©e en VolontĂ©. La VolontĂ© est un fluide, attribut de tout ĂÂȘtre douĂ© de mouvement. De lĂ les innombrables formes qu'affecte l 'ANIMAL, et qui sont les effets de sa combinaison avec la SUBSTANCE. Ses instincts sont le produit des nĂ©cessitĂ©s que lui imposent les milieux oĂÂč il se dĂ©veloppe. De lĂ ses variĂ©tĂ©s. En l'homme, la VolontĂ© devient une force qui lui est propre, et qui surpasse en intensitĂ© celle de toutes les espĂšces. Par sa constante alimentation, la VolontĂ© tient Ă la SUBSTANCE qu'elle retrouve dans toutes les transmutations en les pĂ©nĂ©trant par la PensĂ©e, qui est un produit particulier de la VolontĂ© humaine, combinĂ©e avec les modifications de la SUBSTANCE. Du plus ou moins de perfection de l'appareil humain, viennent les innombrables formes qu'affecte la PensĂ©e. La VolontĂ© s'exerce par des organes vulgairement nommĂ©s les cinq sens qui n'en sont qu'un seul, la facultĂ© de voir. Le tact comme le goĂ»t, l'ouĂÂŻe comme l'odorat, est une vue adaptĂ©e aux transformations de la SUBSTANCE que l'homme peut saisir dans ses deux Ă©tats, transformĂ©e et non transformĂ©e. Toutes les choses qui tombent par la Forme dans le domaine du sens unique, la facultĂ© de voir, se rĂ©duisent Ă quelques corps Ă©lĂ©mentaires dont les principes sont dans l'air, dans la lumiĂšre ou dans les principes de l'air et de la lumiĂšre. Le son est une modification de l'air ; toutes les couleurs sont des modifications de la lumiĂšre ; tout parfum est une combinaison d'air et de lumiĂšre ; ainsi les quatre expressions de la matiĂšre par rapport Ă l'homme, le son, la couleur, le parfum et la forme, ont une mĂÂȘme origine ; car le jour n'est pas loin oĂÂč l'on reconnaĂtra la filiation des principes de la lumiĂšre dans ceux de l'air. La pensĂ©e qui tient Ă la lumiĂšre s'exprime par la parole qui tient au son. Pour lui, tout provient donc de la SUBSTANCE dont les transformations ne diffĂšrent que par le NOMBRE, par un certain dosage dont les proportions produisent les individus ou les choses de ce que l'on nomme les REGNES. Quand la SUBSTANCE est absorbĂ©e en un Nombre suffisant, elle fait de l'homme un appareil d'une Ă©norme puissance, qui communique avec le principe mĂÂȘme de la SUBSTANCE, et agit sur la nature organisĂ©e Ă la maniĂšre des grands courants qui absorbent les petits. La volition met en oeuvre cette force indĂ©pendante de la pensĂ©e, et qui, par sa concentration, obtient quelques-unes des propriĂ©tĂ©s de la SUBSTANCE, comme la rapiditĂ© de la lumiĂšre, comme la pĂ©nĂ©tration de l'Ă©lectricitĂ©, comme la facultĂ© de saturer les corps, et auxquelles il faut ajouter l'intelligence de ce qu'elle peut. Mais il est en l'homme un phĂ©nomĂšne primitif et dominateur qui ne souffre aucune analyse. On dĂ©composera l'homme en entier, l'on trouvera peut-ĂÂȘtre les Ă©lĂ©ments de la PensĂ©e et de la VolontĂ© ; mais on rencontrera toujours, sans pouvoir le rĂ©soudre, cet X contre lequel je me suis autrefois heurtĂ©. Cet X est la PAROLE, dont la communication brĂ»le et dĂ©vore ceux qui ne sont pas prĂ©parĂ©s Ă la recevoir. Elle engendre incessamment la SUBSTANCE. La colĂšre, comme toutes nos expressions passionnĂ©es, est un courant de la force humaine qui agit Ă©lectriquement ; sa commotion, quand il se dĂ©gage, agit sur les personnes prĂ©sentes, mĂÂȘme sans qu'elles en soient le but ou la cause. Ne se rencontre-t-il pas des hommes qui, par une dĂ©charge de leur volition, cohobent[2] les sentiments des masses ? Le fanatisme et tous tes sentiments sont des Forces Vives. Ces forces, chez certains ĂÂȘtres, deviennent des fleuves de VolontĂ© qui rĂ©unissent et entraĂnent tout. Si l'espace existe, certaines facultĂ©s donnent le pouvoir de le franchir avec une telle vitesse que leurs effets Ă©quivalent Ă son abolition. De ton lit aux frontiĂšres du monde, il n'y a que deux pas LA VOLONTE - LA FOI ! Les faits ne sont rien, ils n'existent pas, il ne subsiste de nous que des IdĂ©es. Le monde des IdĂ©es se divise en trois sphĂšres celle de l'Instinct, celle des Abstractions, celle de la SpĂ©cialitĂ©. La plus grande partie de l'HumanitĂ© visible, la partie la plus faible, habite la sphĂšre de l'InstinctivitĂ©. Les Instinctifs naissent, travaillent et meurent sans s'Ă©lever au second degrĂ© de l'intelligence humaine, l'Abstraction. A l'abstraction commence la SociĂ©tĂ©. Si l'Abstraction comparĂ©e Ă l'Instinct est une puissance presque divine, elle est une faiblesse inouĂÂŻe, comparĂ©e au don de SpĂ©cialitĂ© qui peut seul expliquer Dieu. L'Abstraction comprend toute une nature en germe plus virtuellement que la graine ne contient le systĂšme d'une plante et ses produits. De l'abstraction naissent les lois, les arts, les intĂ©rĂÂȘts, les idĂ©es sociales. Elle est la gloire et le flĂ©au du monde la gloire, elle a créé les sociĂ©tĂ©s ; le flĂ©au, elle dispense l'homme d'entrer dans la SpĂ©cialitĂ©, qui est un des chemins de l'Infini. L'homme juge tout par ses abstractions, le bien, le mal, la vertu, le crime. Ses formules de droit sont ses balances, sa justice est aveugle celle de Dieu voit, tout est lĂ . Il se trouve nĂ©cessairement des ĂÂȘtres intermĂ©diaires qui sĂ©parent le RĂšgne des Instinctifs du RĂšgne des Abstractifs, et chez lesquels l'InstinctivitĂ© se mĂÂȘle Ă l'AbstractivitĂ© dans des proportions infinies. Les uns ont plus d'InstinctivitĂ© que d'AbstractivitĂ©, et vice versa, que les autres. Puis, il est des ĂÂȘtres chez lesquels les deux actions se neutralisent en agissant par des forces Ă©gales. La SpĂ©cialitĂ© consiste Ă voir les choses du monde matĂ©riel aussi bien que celles du monde spirituel dans leurs ramifications originelles et consĂ©quentielles. Les plus beaux gĂ©nies humains sont ceux qui sont partis des tĂ©nĂšbres de l'Abstraction pour arriver aux lumiĂšres de la SpĂ©cialitĂ©. SpĂ©cialitĂ©, species, vue, spĂ©culer, voir tout, et d'un seul coup ; Speculum, miroir ou moyen d'apprĂ©cier une chose en la voyant tout entiĂšre. JĂ©sus Ă©tait SpĂ©cialiste, il voyait le fait dans ses racines et dans ses productions, dans le passĂ© qui l'avait engendrĂ©, dans le prĂ©sent oĂÂč il se manifestait, dans l'avenir oĂÂč il se dĂ©veloppait ; sa vue pĂ©nĂ©trait l'entendement d'autrui. La perfection de la vue intĂ©rieure enfante le don de SpĂ©cialitĂ©. La SpĂ©cialitĂ© emporte l'intuition. L'intuition est une des facultĂ©s de L'HOMME INTERIEUR dont le SpĂ©cialisme est un attribut. Elle agit par une imperceptible sensation ignorĂ©e de celui qui lui obĂ©it NapolĂ©on s'en allant instinctivement de sa place avant qu'un boulet n'y arrive. Entre la sphĂšre du SpĂ©cialisme et celle de l'AbstractivitĂ© se trouvent, comme entre celle-ci et celle de l'InstinctivitĂ©, des ĂÂȘtres chez lesquels les divers attributs des deux rĂšgnes se confondent et produisent des mixtes les hommes de gĂ©nie. Le SpĂ©cialiste est nĂ©cessairement la plus parfaite expression de l 'HOMME, l'anneau qui lie le monde visible aux mondes supĂ©rieurs il agit, il voit et il sent par son INTERIEUR. L'Abstractif pense. L'Instinctif agit. De lĂ trois degrĂ©s pour l'homme Instinctif, il est au-dessous de la mesure ; Abstractif, il est au niveau ; SpĂ©cialiste, il est au dessus. Le SpĂ©cialisme ouvre Ă l'homme sa vĂ©ritable carriĂšre, l'infini commence Ă poindre en lui, lĂ il entrevoit sa destinĂ©e. Il existe trois mondes le NATUREL, le SPIRITUEL, le DIVIN. L'HumanitĂ© transite dans le Monde Naturel, qui n'est fixe ni dans son essence ni dans ses facultĂ©s. Le Monde Spirituel est fixe dans son essence et mobile dans ses facultĂ©s. Le Monde Divin est fixe dans ses facultĂ©s et dans son essence. Il existe donc nĂ©cessairement un culte matĂ©riel, un culte spirituel, un culte divin ; trois formes qui s'expriment par l'Action, par la Parole, par la PriĂšre, autrement dit, le Fait, l'Entendement et l'Amour. L'Instinctif veut des faits, l'Abstractif s'occupe des idĂ©es, le SpĂ©cialiste voit la fin, il aspire Ă Dieu qu'il pressent ou contemple. Aussi, peut-ĂÂȘtre un jour le sens inverse de l 'ET VERBUM CARO FACTUM EST, sera-t-il le rĂ©sumĂ© d'un nouvel Ă©vangile qui dira ET LA CHAIR SE FERA LE VERBE, ELLE DEVIENDRA LA PAROLE DE DIEU. La rĂ©surrection se fait par le vent du ciel qui balaie les mondes. L'ange portĂ© par le vent ne dit pas - Morts, levez-vous ! Il dit - Que les vivants se lĂšvent ! Telles sont les pensĂ©es auxquelles j'ai pu, non sans de grandes peines, donner des formes en rapport avec notre entendement. Il en est d'autres desquelles Pauline se souvenait plus particuliĂšrement, je ne sais par quelle raison, et que j'ai transcrites ; mais elles font le dĂ©sespoir de l'esprit, quand, sachant de quelle intelligence elles procĂšdent, on cherche Ă les comprendre. J'en citerai quelques-unes, pour achever le dessin de cette figure, peut-ĂÂȘtre aussi parce que dans ces derniĂšres idĂ©es la formule de Lambert embrasse-t-elle mieux les mondes que la prĂ©cĂ©dente, qui semble s'appliquer seulement au mouvement zoologique. Mais entre ces deux fragments, il est une corrĂ©lation Ă©vidente aux yeux des personnes, assez rares d'ailleurs, qui se plaisent Ă plonger dans ces sortes de gouffres intellectuels. Tout ici-bas n'existe que par le Mouvement et par le Nombre. Le Mouvement est en quelque sorte le Nombre agissant. Le Mouvement est le produit d'une force engendrĂ©e par la Parole et par une rĂ©sistance qui est la MatiĂšre. Sans la rĂ©sistance, le Mouvement aurait Ă©tĂ© sans rĂ©sultat, son action eĂ»t Ă©tĂ© infinie. L'attraction de Newton n'est pas une loi ; mais un effet de la loi gĂ©nĂ©rale du Mouvement universel. Le Mouvement, en raison de la rĂ©sistance, produit une combinaison qui est la vie ; dĂšs que l'un ou l'autre est plus fort, la vie cesse. Nulle part le Mouvement n'est stĂ©rile, partout il engendre le Nombre ; mais il peut ĂÂȘtre neutralisĂ© par une rĂ©sistance supĂ©rieure, comme dans le minĂ©ral. Le Nombre qui produit toutes les variĂ©tĂ©s engendre Ă©galement l'harmonie, qui, dans sa plus haute acception, est le rapport entre les parties et l'UnitĂ©. Sans le Mouvement, tout serait une seule et mĂÂȘme chose. Ses produits, identiques dans leur essence ne diffĂšrent que par le Nombre qui a produit les facultĂ©s. L'homme tient aux facultĂ©s, l'ange tient Ă l'essence. En unissant son corps Ă l'action Ă©lĂ©mentaire, l'homme peut arriver Ă s'unir Ă la lumiĂšre par son INTERIEUR. Le Nombre est un tĂ©moin intellectuel qui n'appartient qu'Ă l'homme, et par lequel il peut arriver Ă la connaissance de la Parole. Il est un nombre que l'impur ne franchit pas, le Nombre oĂÂč la crĂ©ation est finie. L'UnitĂ© a Ă©tĂ© le point de dĂ©part de tout ce qui fut produit ; il en est rĂ©sultĂ© des ComposĂ©s mais la fin doit ĂÂȘtre identique au commencement. De lĂ cette formule spirituelle UnitĂ© composĂ©e, UnitĂ© variable, UnitĂ© fixe. L'Univers est donc la variĂ©tĂ© dans l'UnitĂ©. Le Mouvement est le moyen, le Nombre est le rĂ©sultat. La fin est le retour de toutes choses Ă l'unitĂ©, qui est Dieu. TROIS et SEPT sont les deux plus grands nombres spirituels. TROIS est formule des Mondes créés. Il est le signe spirituel de la crĂ©ation comme il est le signe matĂ©riel de la circonfĂ©rence. En effet, Dieu n'a procĂ©dĂ© que par des lignes circulaires. La ligne droite est l'attribut de l'infini ; aussi l'homme qui pressent l'infini la reproduit-il dans ses oeuvres. DEUX est le Nombre de la gĂ©nĂ©ration. TROIS est le Nombre de l'existence, qui comprend la gĂ©nĂ©ration et le produit. Ajoutez le Quaternaire, vous avec le SEPT, qui est la formule du ciel. Dieu est au-dessus, il est l'UnitĂ©. AprĂšs ĂÂȘtre allĂ© revoir encore une fois Lambert, je quittai sa femme et revins en proie Ă des idĂ©es si contraires Ă la vie sociale, que je renonçai, malgrĂ© ma promesse, Ă retourner Ă Villenoix. La vue de Louis avait exercĂ© sur moi je ne sais quelle influence sinistre. Je redoutai de me retrouver dans cette atmosphĂšre enivrante oĂÂč l'extase Ă©tait contagieuse. Chacun aurait Ă©prouvĂ© comme moi l'envie de se prĂ©cipiter dans l'infini, de mĂÂȘme que les soldats se tuaient tous dans la guĂ©rite oĂÂč s'Ă©tait suicidĂ© l'un d'eux au camp de Boulogne. On sait que NapolĂ©on fut obligĂ© de faire brĂ»ler ce bois, dĂ©positaire d'idĂ©es arrivĂ©es Ă l'Ă©tal de miasmes mortels. Peut-ĂÂȘtre en Ă©tait-il de la chambre de Louis comme de cette guĂ©rite ? Ces deux faits seraient des preuves de plus en faveur de son systĂšme sur la transmission de la VolontĂ©. J'y ressentis des troubles extraordinaires qui surpassĂšrent les effets les plus fantastiques causĂ©s par le thĂ©, le cafĂ©, l'opium, par le sommeil et la fiĂšvre, agents mystĂ©rieux dont les terribles actions embrasent si souvent nos tĂÂȘtes. Peut-ĂÂȘtre aurais-je pu transformer en un livre complet ces dĂ©bris de pensĂ©es, comprĂ©hensibles seulement pour certains esprits habituĂ©s Ă se pencher sur le bord des abĂmes, dans l'espĂ©rance d'en apercevoir le fond. La vie de cet immense cerveau, qui sans doute a craquĂ© de toutes parts comme un empire trop vaste, y eĂ»t Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e dans le rĂ©cit des visions de cet ĂÂȘtre, incomplet par trop de force ou par faiblesse ; mais j'ai mieux aimĂ© rendre compte de mes impressions que de faire une oeuvre plus ou moins poĂ©tique. Lambert mourut Ă l'ĂÂąge de vingt-huit ans, le 25 septembre 1824, entre les bras de son amie. Elle le fit ensevelir dans une des Ăles du parc de Villenoix. Son tombeau consiste en une simple croix de pierre, sans nom, sans date. Fleur nĂ©e sur le bord d'un gouffre, elle devait y tomber inconnue avec ses couleurs et ses parfums inconnus. Comme beaucoup de gens incompris, n'avait-il pas souvent voulu se plonger avec orgueil dans le nĂ©ant pour y perdre les secrets de sa vie ! Cependant mademoiselle de Villenoix aurait bien eu le droit d'inscrire sur cette croix les noms de Lambert, en y indiquant les siens. Depuis la perte de son mari, cette nouvelle union n'est-elle pas son espĂ©rance de toutes les heures ? Mais les vanitĂ©s de la douleur sont Ă©trangĂšres aux ĂÂąmes fidĂšles. Villenoix tombe en ruines. La femme de Lambert ne l'habite plus, sans doute pour mieux s'y voir comme elle y fut jadis. Ne lui a-t-on pas entendu dire naguĂšre - J'ai eu son coeur, Ă Dieu son gĂ©nie ! Au chĂÂąteau de SachĂ©, juin-juillet 1832. [1] Vase de verre Ă long col employĂ© en chimie. [2] Distiller Ă plusieurs reprises pour obtenir une plus grande concentration.
TrĂšssouple dans le temps, la fenĂȘtre pour faire chaque opĂ©ration (introduction des c0j, vĂ©rification des acceptations, vĂ©rification de la ponte) est Ă chaque fois dâau moins 4 jours, ce qui nous laisse largement le temps dâajuster notre calendrier en fonction des autres travaux et mĂ©tĂ©o du moment.
Si parfois il est nĂ©cessaire de rĂ©unir deux faibles colonies pour garantir leur survie, il peut ĂȘtre tout aussi important de diviser une ruche populeuse. Dans la nature, les abeilles ont plusieurs mĂ©thodes de reproduction lâessaimage reproduction naturelle des abeilles et le remplacement dâune reine dĂ©ficiente ou trop ĂągĂ©e. En divisant une ruche, lâapiculteur peut multiplier son cheptel et crĂ©er artificiellement une nouvelle colonie. Une division de ruche porte en consĂ©quence un deuxiĂšme nom, celui dââessaimage artificielâ. Tout est une question de comment et quand faire une division de ruche. Cette mĂ©thode consiste Ă faire naĂźtre une deuxiĂšme colonie Ă partir dâune colonie souche, appelĂ©e aussi âruche mĂšreâ. Apiculteurs inspectant les ruches. Nature photo créé par azerbaijan_stockers â Pourquoi effectuer une division de ruche ? Les raisons de faire une division de ruche peuvent ĂȘtre nombreuses. Multiplier son cheptel, Ă©viter lâessaimage dâune ruche trop puissante. Quelle pĂ©riode pour diviser une ruche ? La question la plus courante est la suivante Quand faire une division de ruche ? La pĂ©riode idĂ©ale pour envisager une division correspond gĂ©nĂ©ralement Ă la saison des essaimages naturels et au moment oĂč les faux-bourdons gravitent autour des ruches environnantes. La prĂ©sence de faux-bourdons mĂ»rs est essentielle pour vous assurer une bonne fĂ©condation de la jeune reine issue de la nouvelle colonie. LâopĂ©ration doit se faire par beau temps, en dĂ©but dâaprĂšs-midi avec des tempĂ©ratures dâau moins 17°c. Les meilleures conditions sont souvent rĂ©unies fin avril / dĂ©but mai, pendant les grandes miellĂ©es de printemps. Faire une division de ruche demande du temps, notamment pour que la nouvelle colonie rassemble les forces nĂ©cessaires pour affronter lâhiver. DâoĂč lâintĂ©rĂȘt de lâeffectuer le plus tĂŽt possible dans la saison. Abeilles sur cadres dans le corps dâune ruche. Comment diviser une ruche ? Pour multiplier une colonie, on dispose des cadres de couvain frais garnis dâabeilles, ainsi que des rĂ©serves de pollen et de miel pour les nourrir dans une ruchette. Le cycle de reproduction de la ruchette dure alors deux mois. Choisir une ruche souche. Une ruche mĂšre parfaite pour cette opĂ©ration doit rĂ©pondre Ă plusieurs critĂšres Elle doit avoir une colonie hivernĂ©e qui a dĂ©jĂ passĂ© son premier hiver Elle doit compter impĂ©rativement au moins 7 cadres de couvain sur 10. La colonie doit ĂȘtre suffisamment populeuse, pour que le prĂ©lĂšvement dâune partie du couvain ne conduise pas Ă son effondrement. Assurez-vous de la prĂ©sence de cellules de faux-bourdons nĂ©s, mais aussi de couvain operculĂ© de faux-bourdons. Le couvain doit ĂȘtre serrĂ© et non en mosaĂŻque. Câest un signe de bonne santĂ©. CrĂ©ation de la nouvelle ruchette. Il faudra trouver la reine de la ruche souche et lui apporter une attention toute particuliĂšre. Pour faire une division de ruche rĂ©ussie, veillez Ă ne surtout pas la transfĂ©rer malencontreusement dans votre ruchette. Assurez-vous de ne pas la perdre, la blesser ou la tuer dans la manipulation. Fermez lâentrĂ©e de la ruchette afin que les abeilles transfĂ©rĂ©es avec les cadres ne puissent sâĂ©chapper. Parmi les cadres, prĂ©levez deux cadres de couvain ouvert dans lesquels vous trouverez des Ćufs frais de moins de 3 jours et un grand nombre dâabeilles. PrĂ©levez un autre cadre qui contient un maximum de couvain operculĂ© en plus des abeilles qui lâoccupent. Ajoutez Ă la ruchette un dernier cadre de rĂ©serve. Placez une partition en rive, contre la paroi gauche de la ruchette. Surmontez-la dâun nourrisseur, fermez la ruche afin de pas perdre de butineuses Ăter 4 cadres de couvain peut affaiblir une ruche qui ne serait pas assez dynamique. Si la ruche souche est trĂšs populeuse et que vous constatez un manque dâabeilles dans la ruchette, vous pouvez secouer un cadre au-dessus afin dâen rĂ©cupĂ©rer les abeilles. Votre ruchette doit contenir 5 cadres dans lâordre suivant de gauche Ă droite 1 cadre de partition, 1 cadre de couvain operculĂ©, 2 cadres ouverts contenant des Ćufs frais et des larves, 1 cadre de miel et de pollen. Si vous possĂ©dez une ruchette 6 cadres, ajoutez un cadre partition supplĂ©mentaire. La ruche souche. Dans la ruche mĂšre, resserrez tous les cadres au milieu de la ruche en prenant soin de ne mettre aucun cadre vide entre les cadres de couvain. Les quatre cadres dont vous avez privĂ© la ruche sont remplacĂ©s par des cadres bĂątis ou des cadres cirĂ©s. Nourrissez de 200 ml de sirop de 50/50 en plus de 10% de miel. RĂ©pĂ©tez lâopĂ©ration plusieurs fois Ă deux jours dâintervalle. DĂ©placer sa ruchette. Une fois fermĂ©e, la ruchette doit ĂȘtre dĂ©placĂ©e Ă 3 km de distance. Attendez alors environ 15 minutes puis ouvrez lâentrĂ©e de la ruchette. Vos butineuses feront un vol de repĂ©rage afin de prendre leurs marques. LâentrĂ©e doit ĂȘtre rĂ©duite tant que la colonie sera faible. Le lendemain, nourrissez de 200 ml de sirop de 50/50 en plus de 10% de miel. Ce dernier stimulera vos abeilles ciriĂšres pour la crĂ©ation de cellules royales. RĂ©pĂ©tez lâopĂ©ration les 3 jours qui suivent puis une fois tous les 3 jours. Il est important de donner de petites quantitĂ©s, jour aprĂšs jour, afin que les abeilles assimilent le sirop et quâelles ne le stockent pas dans les cellules. RĂ©sistez Ă la tentation dâouvrir votre ruchette pendant les 35 prochains jours. Une fois ce dĂ©lai respectĂ©, si Ă lâouverture de la ruchette vous trouvez de la ponte ou du couvain lâopĂ©ration est un succĂšs ! Cadre de couvain dâune ruchette. Comment diviser une ruche sans dĂ©placement ? Il nâest pas donnĂ© Ă tout le monde de pouvoir dĂ©placer la nouvelle ruchette créée Ă plus de 3 km. Une fois votre division de ruche effectuĂ©e, refermez la ruche souche et placez-la Ă 5 ou 6 mĂštres de son emplacement initial. Placez la nouvelle ruchette Ă sa place et nourrissez de la mĂȘme recette de sirop dĂ©taillĂ©e ci-dessus 200 ml de sirop de 50/50 en plus de 10% de miel pendant les 3 jours qui suivent, puis une fois tous les 3 jours. Faites de mĂȘme sur la ruche souche pendant plusieurs jours. La reine de cette ruche va alors continuer Ă pondre. Elle va cependant perdre quelques butineuses qui apporteront des rĂ©serves dans la nouvelle colonie. Vous serez donc dans lâobligation de nourrir pour pallier ce manque, du moins jusquâĂ lâarrivĂ©e de nouvelles butineuses. Dans la ruchette, lâabsence de la reine entraine naturellement la crĂ©ation de nouvelles cellules royales et ainsi la naissance dâune ou plusieurs reines 16 jours plus tard. Prenez toutes les prĂ©cautions nĂ©cessaires pour ne pas affaiblir la nouvelle colonie, et votre mal en patience ! Attendez les 35 jours nĂ©cessaires Ă son renforcement. Une fois la ruchette remplie de couvain et de provisions, vous pouvez la transfĂ©rer dans une ruche. Vous aurez alors rĂ©ussi Ă faire une division de ruche avec brio.
Ensuitelâapiculteur doit procĂ©der Ă la rĂ©unification. En effet, le corps de ruche sans reine doit ĂȘtre placĂ© au-dessus de la premiĂšre ruche. Au prĂ©alable il est indispensable de mettre une grille de rĂ©union entre les deux corps. On peut les trouver en vente ici. La grille ne laisse passer aucune abeille Ă travers les corps.
Fumez pendant 3 Ă 5 heures, ou jusquâĂ ce que la tempĂ©rature interne atteigne 180 degrĂ©s Fahrenheit. Ă mi-chemin du processus de fumage, prenez une lecture de la tempĂ©rature interne. Dans un fumoir Ă©lectrique Masterbuilt, Ă quelle tempĂ©rature fumez-vous une poitrine ? Ceci est une recette de poitrine de 12 livres. Le temps de cuisson de la viande dĂ©pend de sa taille. Ă 225 F, une rĂšgle empirique Ă©quitable est de 50 Ă 60 minutes par livre. RĂ©duisez le temps de cuisson et frottez les quantitĂ©s de composants de moitiĂ© pour une poitrine de 6 livres. IngrĂ©dients Poitrine de 12 livres, non sĂ©chĂ©e une demi-tasse de cassonade paprika fumĂ©, 1/2 tasse 6 cuillĂšres Ă soupe de piment en poudre sel casher, 6 cuillĂšres Ă soupe 4 cuillĂšres Ă soupe de poivre noir, concassĂ© 4 cuillĂšres Ă soupe de cumin en poudre 2 cuillĂšres Ă soupe dâoignon ou dâail en poudre 2 cuillĂšres Ă soupe dâorigan, sĂ©chĂ© 2 cuillĂšres Ă soupe de poudre de coriandre poivre de cayenne, 2 cuillĂšres Ă cafĂ© Ă modifier selon votre goĂ»t Vinaigre de cidre de pomme, non filtrĂ© ACV Copeaux de bois de mesquite ou de hickory Est-il prĂ©fĂ©rable de fumer de la poitrine Ă 225 ou 250 degrĂ©s Fahrenheit ? Lors de la production de poitrine fumĂ©e, certains pitmasters recommandent de viser une tempĂ©rature de 250 degrĂ©s dans le fumoir. La viande cuira plus rapidement Ă cette tempĂ©rature quâĂ 225 degrĂ©s, mais elle aura encore assez de temps pour crĂ©er une bonne texture moelleuse. Aussi, pour faire fondre la graisse, une tempĂ©rature de 250 degrĂ©s est idĂ©ale. Une fois que le gros chapeau a fondu, la poitrine doit avoir une couche succulente de graisse assaisonnĂ©e sur le dessus. La graisse rend toujours Ă des tempĂ©ratures plus basses, mais elle nâa pas la mĂȘme texture. Ă 225 degrĂ©s, combien de temps fumez-vous une poitrine ? Instructions pour fumer la poitrine Retirez tout excĂšs de graisse de la poitrine. Assaisonner avec du sel et du poivre ou frotter la poitrine au goĂ»t. PrĂ©chauffez le gril Ă 225 degrĂ©s Fahrenheit et placez la poitrine dessus. Fumez pendant 6 heures ou jusquâĂ ce que la tempĂ©rature interne atteigne 160 degrĂ©s Fahrenheit. Remettre la poitrine sur le gril aprĂšs lâavoir enveloppĂ©e dans du papier sulfurisĂ© ou du papier dâaluminium. Remettre la poitrine sur le gril et cuire jusquâĂ ce que la tempĂ©rature interne atteigne 200 degrĂ©s F. Avant de trancher, retirez la poitrine du gril et laissez-la reposer pendant au moins 1 heure. Si vous cherchez la meilleure recette de poitrine fumĂ©e, ne cherchez pas plus loin. Vous pouvez choisir parmi une variĂ©tĂ© de recettes de poitrine fumĂ©e. Commencez par notre recette Ă©prouvĂ©e de poitrine de bĆuf fumĂ©e. Traegering est trĂšs amusant! Ă 225 degrĂ©s, combien de temps faut-il pour fumer une livre de poitrine ? QUESTION Monsieur, avez-vous une estimation de la durĂ©e de cuisson dâune poitrine de 8 Ă 10 livres Ă 200-225 degrĂ©s ? Jâenvisageais 1 heure par livre. Est-ce si proche ? Merci beaucoup! R Pour la poitrine, lâĂ©paule de porc et dâautres gros morceaux de viande, environ 1,5 heure par livre Ă 225 degrĂ©s est une bonne estimation. Ce temps peut ĂȘtre influencĂ© par un certain nombre de facteurs, notamment lâĂ©paisseur de la viande, le vent, la tempĂ©rature et la frĂ©quence Ă laquelle vous ouvrez la porte du fumoir. Il mâa fallu 20 heures pour fumer une poitrine de 9 livres par une nuit froide et venteuse il y a quelques semaines. Vous devriez pouvoir estimer environ 13,5 Ă 15 heures si vous avez une journĂ©e trĂšs paisible avec des tempĂ©ratures douces, pouvez garder au moins 225 degrĂ©s et nâouvrez la porte que lorsque vous devez vraiment passer la serpilliĂšre ou vĂ©rifier la tempĂ©rature sur la poitrine. Est-il prĂ©fĂ©rable de fumer une poitrine Ă 200 degrĂ©s F ou 225 degrĂ©s F ? La meilleure façon de prĂ©parer la poitrine de bĆuf est de la faire cuire lentement. Lorsque la viande est chauffĂ©e lentement sur une longue pĂ©riode de temps, la graisse a tout le temps de fondre et le collagĂšne a tout le temps de se dĂ©composer en gĂ©latine. Si vous faites cuire la poitrine trop rapidement, elle aura toujours bon goĂ»t, mais elle nâaura pas la douceur que vous dĂ©sirez. Bien que la poitrine puisse ĂȘtre cuite Ă des tempĂ©ratures un peu plus Ă©levĂ©es nous prĂ©fĂ©rons 225 degrĂ©s, mais vous pouvez augmenter la tempĂ©rature Ă 275 degrĂ©s et obtenir des rĂ©sultats dĂ©cents, 200 degrĂ©s est tout Ă fait appropriĂ©. Cependant, si vous rĂ©glez la tempĂ©rature aussi basse, vous attendrez longtemps. La poitrine de bĆuf doit ĂȘtre cuite pendant 1 1/2 Ă 2 heures par livre Ă 200 degrĂ©s. La cuisson dâun packer entier de 12 livres peut prendre jusquâĂ 24 heures. Pour une fumĂ©e Ă 225 degrĂ©s, nous utilisons une estimation similaire, bien quâil soit prĂ©fĂ©rable de prĂ©voir 2 heures par livre dans ce scĂ©nario. Ă 225 degrĂ©s, combien de temps faudra-t-il pour cuire une poitrine de 13 livres ? Jâaimerais pouvoir vous dire combien de temps prendra le processus de fumage, mais câest la joie du barbecue. Quand câest fait, câest fait. Je prĂ©vois de fumer mes poitrines de 12 Ă 13 livres pendant environ 8 heures Ă 225 degrĂ©s F jusquâĂ ce quâelles atteignent 165 degrĂ©s F. Cependant, entre 145 et 165 degrĂ©s F, votre poitrine entrera dans une phase de refroidissement oĂč le liquide sâĂ©chappant de la surface de la la poitrine la refroidit pendant que votre gril essaie de la cuire. Câest ce quâon appelle le dĂ©crochage, et chaque poitrine que jâai jamais cuisinĂ©e a une plage de temps distincte pour cette phase. Câest lĂ quâun thermomĂštre interne de haute qualitĂ© est utile. Une fois recouvert de papier de boucherie, le deuxiĂšme processus peut prendre de 5 Ă 8 heures. Je donne normalement 2 heures supplĂ©mentaires pour chacun de mes cuisiniers de poitrine car je peux toujours le mettre dans une glaciĂšre et le laisser reposer sâil est fait tĂŽt. Mon mari devient irritable sâil nâest pas terminĂ© Ă temps. Est-il possible que 250F soit trop chaud pour la poitrine? 2 Placez la poitrine sur du papier de boucherie ou du papier sulfurisĂ© sur une plaque Ă pĂątisserie Ă rebords une heure avant de commencer la cuisson. Coupez lâexcĂšs de graisse du bouchon de graisse, en laissant 1/8 Ă 1/4 de pouce. Vous enlĂšverez de lourdes couches de graisse dure jusquâĂ ce que toute la surface soit douce. Vous pouvez demander Ă votre boucher de le faire pour vous. 3 Frottez toute la surface de la viande avec le frottement, en tapotant. Il nâest pas nĂ©cessaire de le marteler Ă la maison. Laisser reposer le bĆuf assaisonnĂ© Ă tempĂ©rature ambiante pendant 1 heure, Ă dĂ©couvert. 4 Allumez un feu de bois ou une cheminĂ©e Ă charbon pour votre fumoir 30 minutes avant de commencer. PrĂ©chauffez le fumoir Ă 250 degrĂ©s Fahrenheit. Ajoutez des morceaux de bois au feu si vous utilisez du charbon de bois pour lâallumer. Si vous utilisez du bois, ajoutez-en un peu plus. 5 Placez la poitrine dans le fumoir une fois que la fumĂ©e est fine et blanche, plutĂŽt que lourde et grise. Si vous utilisez un thermomĂštre Ă sonde, câest le moment de le mettre dans la viande. Remettez le couvercle. Maintenir une tempĂ©rature dâenviron 250 degrĂ©s dans le fumeur. Parce que la plupart des fumoirs Ă bois ne sont pas parfaits et que la tempĂ©rature fluctue, une plage de tempĂ©rature de 225 Ă 275 degrĂ©s est idĂ©ale. 6 AprĂšs environ 4 heures, commencez Ă vĂ©rifier la tempĂ©rature interne de la viande. Il est temps dâenvelopper la poitrine lorsquâelle atteint 160-170 degrĂ©s et quâelle prĂ©sente une croĂ»te brun rougeĂątre foncĂ© ou pratiquement noire Ă lâextĂ©rieur. 7 La bĂ©quille pour envelopper la poitrine, pliez en deux un morceau de papier dâaluminium de 6 pieds de long dans le sens de la longueur et enroulez-le solidement autour de la viande ou utilisez du papier de boucherie frais. Augmentez la tempĂ©rature du fumoir Ă 300 degrĂ©s. Remettez la poitrine enveloppĂ©e dans le fumoir, placez la sonde dans la zone la plus Ă©paisse et faites cuire jusquâĂ ce que la tempĂ©rature interne atteigne un peu plus de 200 degrĂ©s. Combien de temps faut-il pour fumer une poitrine de 14 livres? Combien de temps une poitrine met-elle Ă fumer? Une poitrine entiĂšre de packer prend environ 1 Ă 1 1/2 heures par livre Ă 250 degrĂ©s F pour fumer. Ă des fins de planification, les temps de fumĂ©e de poitrine de 14 livres varient de 14 Ă 17 1/2 heures. Fumer de la viande semble gĂ©nĂ©ralement prendre plus de temps que prĂ©vu, alors commencez tĂŽt et laissez-la reposer plus longtemps. Combien de temps faut-il pour fumer une poitrine de 10 livres? Lors de la cuisson Ă 250 degrĂ©s Fahrenheit, jâaime prĂ©voir 90 minutes pour chaque livre de poitrine fumĂ©e, y compris le temps de repos ou de maintien. Selon la taille de la coupe, le temps de cuisson global peut varier de 8 Ă 16 heures. Chaque poitrine que vous cuisinez prendra un temps diffĂ©rent. Nous avons Ă©galement dĂ©couvert que le Wagyu amĂ©ricain cuit un peu plus vite que le Prime, donc en fumant du Wagyu amĂ©ricain, nous Ă©conomisons environ 10 % du temps. Quand faut-il envelopper une poitrine de boeuf dans du papier dâaluminium ? Quand faut-il emballer une poitrine de boeuf ? Lorsque la poitrine atteint une tempĂ©rature interne de 165 Ă 170 degrĂ©s Fahrenheit, la plupart des gourous du barbecue recommandent de la couvrir.
Uneseule pour un petit essaim (moins de 3 cadres de couvain). Il faut les laisser au minimum dix semaines (on peut les laisser jusquâĂ douze semaines). Les laniĂšres doivent ĂȘtre impĂ©rativement retirĂ©es Ă la fin du traitement pour Ă©viter tout risque de rĂ©sistance (car il reste de la matiĂšre active en faible quantitĂ© dans les laniĂšres). Elles doivent ĂȘtre
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Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 16 Avr 2014 1842 74756 par lavie bonsoir Patmag26 regarde si les Ćufs sont bien aux milieux de la cellule, s'ils sont pas centrĂ©e = bourdonneuse et si tu vois des petites cellules royales avec plusieurs Ćufs , c est cuit =bourdonneuse Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 16 Avr 2014 1910 74757 par Patmag26 c'est bien ça amorce de cellule avec plusieurs Ćufs demain je secoue tout ça et je renforcerai les autres what is life Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 16 Avr 2014 1937 74761 par lavie c'est bien ça amorce de cellule avec plusieurs Ćufs demain je secoue tout ça et je renforcerai les autres what is life moi je ne secoue plus les bourdonneuse parce que les abeilles pondeuses arrivent Ă voler et te flingue la reine de la ruche voisine,je les dĂ©place plusieurs fois Ă quelques jours intervalle,dans le rucher si possible a cĂŽtĂ© des plus faibles. Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 16 Avr 2014 1959 74766 par ZAYA_26740 un temps certain ou un certain temps ok je sors plus sĂ©rieusement super question car j ai un essaim qui me rend fou depuis 15 jours sa pond et je vois pas la reine je commence a me demander si elle est pas bourdonneuse car en plus par moment plusieurs Ćufs dans l alvĂ©ole avant de la brĂ»ler de colĂšre j aimerai connaitre le pourquoi du comment Salut Patmag26, J'avais mis une mĂ©thode infaillible sur le forum, faudrait chercher, mais sur le principe, tu installe une ruche vide Ă l'emplacement d'origine, un tissu blanc tendu au niveau de l'entrĂ©e. L'entrĂ©e de la ruche avec un morceau de grille Ă reine, puis tu secoue les cadres un Ă un sur le tissu, ou carton, tu remet les cadres Ă mesure dans la nouvelle ruche, toutes les abeilles vont rentrer si tu ne trouves rien d'un peu plus gros arrĂȘtĂ© par la grille Ă reine, bin tu sais ce qu'il te reste Ă faire! + Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 16 Avr 2014 2008 74768 par thom49 une ruche bourdonneuse, tu le sait quand tu voit que des cellules de males dans tes cadres c'est que la reine est morte ou trop vieille. Lorsque qu'une colonie perd sa reine, et qu'elle n'est pas remplacĂ©e, les ouvriĂšres pondent des Ćufs haploĂŻdes non fĂ©conder qui donnent des mĂąles . Une reine ĂągĂ©e peut laisser des trous dans le couvain, une reine mal fĂ©condĂ©e qui a Ă©puisĂ© sa rĂ©serve de sa spermathĂšque aussi. Ce qui peut ĂȘtre le cas vus le printemps de l'an dernier. Apiculturement Le meilleur moyen de garder un secret, c'est d'oublier qu'il existe. Jacques de Molay. Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 16 Avr 2014 2020 74772 par Kae83 J'ai du mal a comprendre... Sans reine, les abeilles ne s'en crĂ©ent pas une nouvelle ? Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 16 Avr 2014 2221 74784 par samdu47 si les abeilles ont des oeufs de reine ou des larves d'abeilles suffisament jeune elles peuvent Ă©lever une autre reine. Mais elles ne peuvent pas faire de reine Ă partir des oeufs des ouvriĂšres pondeuses, puisqu'ils ne sont pas fĂ©condĂ©s. Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 17 Avr 2014 0539 74787 par Pierre_IsĂšre Kae83 Le cycle normal c'est qu'une ruche orpheline se remĂšre mais dans certains cas ça se passe mal par exemple les cellules royales n'ont pas Ă©clos normalement, la reine vierge ne s'est pas mis en ponte...la ruche devient alors bourdonneuse et la colonie ne peut pas s'en tirer toute seule. Il y a des solutions pour tenter un remĂ©rage mais ce n'est jamais gagnĂ© d'avance. En cas de remĂ©rage naturel il faut bien attendre 1mois entre le dĂ©part de la vieille reine et la ponte de la nouvelle. passĂ© ce dĂ©lai si la jeune reine ne pond pas des ouvriĂšres se mettent Ă pondre des Ćufs non fĂ©condĂ©s et donc cela donne plein de petits bourdons tous moches, d'oĂč le nom de ruche bourdonneuse...la colonie finit par mourir si rien n'est fait mais les tentatives de remĂ©rage artificiel ont un taux d'Ă©chec Ă©levĂ© . Par ailleurs le repĂ©rage des abeilles ouvriĂšres pondeuses est impossible. Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 17 Avr 2014 0611 74788 par flexogreen Pierrot le fous a une mĂ©thode qui semble lui donner de bon rĂ©sultat, il introduit des reines aprĂšs les avoir endormies.. et ca repart comme en 14. Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 17 Avr 2014 1010 74793 par DrĂŽmeapi Et quelqu'un avait dĂ©crit une mĂ©thode d'introduction de RF dans une colonie bourdonneuse en perturbant les odeurs dans la colo il pose deux feuilles de papier essuie-tout imbibĂ© de gnĂŽle sur la tĂȘte des cadres et introduit sa reine encagĂ©e quelques minutes plus tard. Il me semble qu'il retirait les feuilles de Sopalin papier essuie-tout le lendemain ou le surlendemain. J'ai essayĂ© l'an dernier avec une ruche sortie bourdonneuse de l'hiver et ça avait marchĂ©. Je n'ai plus jamais retrouvĂ© le post pour le remercier . Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 17 Avr 2014 1222 74800 par Pierrolefou Pierrot le fous a une mĂ©thode qui semble lui donner de bon rĂ©sultat, il introduit des reines aprĂšs les avoir endormies.. et ca repart comme en 14. salut flexo ca c est pas du tout ma methode parce que la tes reines elles vont finir comme beaucoup ont finis en 14 dans les tranchĂ©es!!!! c est pas les reines qui faut endormir mais les colo et tu lache la reine quand tout le monde je pars toujours d un principe quand j ai pas de principe je pars pas. Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 17 Avr 2014 1719 74807 par flexogreen Pierrot le fous a une mĂ©thode qui semble lui donner de bon rĂ©sultat, il introduit des reines aprĂšs les avoir endormies.. et ca repart comme en 14. salut flexo ca c est pas du tout ma methode parce que la tes reines elles vont finir comme beaucoup ont finis en 14 dans les tranchĂ©es!!!! c est pas les reines qui faut endormir mais les colo et tu lache la reine quand tout le monde oui je me suis mal exprimĂ©; je voulais dire une fois endormis les ruches , il introduit les reines... les ruches et tu le sais bien, COQUIN !!! Une question Pierrot, le fait tu aussi avec des reines vierges? J'ai deux reines nĂ©es entre mes mains ce soir et je voudrais tester sur deux EA que j ai fait y a pas longtemps. Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 17 Avr 2014 1750 74811 par Olivier_V Et tu endors avec quoi ? Que tu trouves oĂč ? Tu ne secoues mĂȘme pas les bourdonneuses ? Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 17 Avr 2014 1845 - 17 Avr 2014 1846 74812 par yeti8360 Bonsoir, J'ai visitĂ© ce matin une colonie qui a passĂ© l'hiver dans une ruchette sur 5 cadres. C'Ă©tait un essaim artificiel avec une reine nĂ©e en aout 2013. Je l'ai transfĂ©rĂ©e dans une ruche la semaine derniĂšre et j'ai complĂ©tĂ© avec des cires gaufrĂ©es car je n'ai plus de cadres bĂątis. A ma grande surprise, sur la premiĂšre cire gaufrĂ©e en passe d'ĂȘtre Ă©tirĂ©e, il y avait quelques cellules avec deux ou trois Ćufs. La reine est toujours bien prĂ©sente et le couvain sur trois cadres est magnifique. Est ce qu'elle a pondu plusieurs Ćufs par manque de place ou bien y aurait il une ou plusieurs ouvriĂšres pondeuses? Merci pour votre avis. DerniĂšre Ă©dition 17 Avr 2014 1846 par yeti8360. Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 17 Avr 2014 1850 74813 par lavie Et tu endors avec quoi ? Que tu trouves oĂč ? Tu ne secoues mĂȘme pas les bourdonneuses ? BONSOIR INTRODUIRE UNE REINE DANS UNE COLONIE BOURDONNEUSE Faire la manipulation le soir quand toutes les abeilles sont Ă la ruche. PrĂ©parer l'enfumoir, il doit ĂȘtre bien parti mais pas trop chaud ! Mettre une 1/2 cuillĂšre Ă cafĂ© de nitrate d ammonium dans l'enfumoir; au bout de quelques instants, une Ă©paisse fumĂ©e grise et pas vert jaune qui se dĂ©gage c'est du protoxyde d'azote. Faire pĂ©nĂ©trer la fumĂ©e dans la ruche par le trou de vol,ou par le fond, il y a pas besoin de se servir du soufflet tant la fumĂ©e est abondante et sort presque sous pression,quand on entend plus les abeillesenviron une minute on ouvre on laisse aĂ©rĂ©e,les abeilles commencent Ă ce rĂ©veillĂ© aprĂšs 5 a 10 minutes Ă ce moment lĂ on libĂšre la reine sur la tĂȘte des cadres elle s introduit entre les abeilles on referme 8 jours aprĂšs contrĂŽle de ponte ne jamais endormir une reine !!! Les utilisateurs suivant ont remerciĂ© flexogreen Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 17 Avr 2014 1858 74814 par Olivier_V Sans avoir prĂ©alablement secouĂ© les bourdonneuses ? Nitrate d'ammonium en pharmacie je suppose ? Merci des prĂ©cisions. Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 17 Avr 2014 1902 74815 par pasgt Le Nitrate d'ammonium se trouve dans les magasins d'apiculture. Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 17 Avr 2014 1903 74816 par lavie Le nitrate d'ammonium est vendu dans les magasins apicoles Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 17 Avr 2014 1912 74817 par CB J'avais Ă©crit il y a quelques temps tout le bien que je pensais de la mĂ©thode prĂ©sentĂ©e par M. Jean Marie Van Dyck dans ce message . Je l'ai encore utilisĂ©e cette annĂ©e. Sa mĂ©thode Membre de l'association de lutte contre le mikado en gĂ©riatrie. Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 17 Avr 2014 1939 74819 par flexogreen Sans avoir prĂ©alablement secouĂ© les bourdonneuses ? Nitrate d'ammonium en pharmacie je suppose ? Merci des prĂ©cisions. nitrate ammonium chez icko...et les autres. tu fais rien... tu endors et introduit la reine. rien d'autre. c est une remise a zero des mĂ©moires..elles savent plus qui elles sont ni ou elles sont.. Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 17 Avr 2014 1948 74820 par Pierrolefou bonsoir as besoin de secouer les bourdonneuses , elles oublient meme les reperes ,tu peut dĂ©placer la ruche elles reviendront pas a l ancien emplacement. un seul.... HIC ....elles oublient aussi pendant 4 ou 5 jours qu il faut aller bosser!!!! flexo tu peut le faire aussi avec des vierges je vois pas pourquoi ca je pars toujours d un principe quand j ai pas de principe je pars pas. Les utilisateurs suivant ont remerciĂ© flexogreen Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 18 Avr 2014 0725 74848 par DrĂŽmeapi J'avais Ă©crit il y a quelques temps tout le bien que je pensais de la mĂ©thode prĂ©sentĂ©e par M. Jean Marie Van Dyck dans ce message . Je l'ai encore utilisĂ©e cette annĂ©e. Sa mĂ©thode Alors c'Ă©tait toi ! Merci CB pour cette mĂ©thode que j'ai utlisĂ©e l'an dernier avec cognac et succĂšs ! Simplissime et efficace, je la recommande. Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 18 Avr 2014 1241 74855 par CB Alors c'Ă©tait toi ! Merci CB pour cette mĂ©thode que j'ai utlisĂ©e l'an dernier avec cognac et succĂšs ! Bourreau d'enfant et copieur ! Membre de l'association de lutte contre le mikado en gĂ©riatrie. Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 18 Avr 2014 1442 74857 par DrĂŽmeapi Bourreau d'enfant et copieur ! Et encore, tu ne sais toujours pas tout ! Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 20 Avr 2014 2036 74996 par avette 3131 bonjour, le nitrate d'ammonium est il le mĂȘme que celui utilisĂ© en agriculture? est il aussi le mĂȘme que l'ammonitrate quel est le risque d'utiliser un de ces produits? Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 20 Avr 2014 2051 74999 par flexogreen bonjour, le nitrate d'ammonium est il le mĂȘme que celui utilisĂ© en agriculture? est il aussi le mĂȘme que l'ammonitrate quel est le risque d'utiliser un de ces produits? non moins pur celui qui est utilisĂ© en agricole. Pour en mettre la bonne quantitĂ© et la stoker en sĂ©curitĂ©; l avoir dans la caisse Ă outils si on en a besoin... Tu reconnais les tubes Pierrot? Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. 20 Avr 2014 2051 75000 par wLz Salut avette 3131, si ton pseudo fait allusion Ă la rĂ©gion toulousaine, ça doit te dire quelque chose AZF et nitrate dâammonium. Tu vois oĂč je veux en venir pour les risques? BOUM Connexion ou CrĂ©er un compte pour participer Ă la conversation. Forum Forums d'Apiservices / Foire Aux Questions Bourdoneuse au bout de combien de temps ? Temps de gĂ©nĂ©ration de la page secondes
Lorsquun essaim dâabeilles recherche un lieu pour sâinstaller, ce sont des abeilles Ă©claireuses qui partent Ă la recherche du lieu idĂ©al pour construire le nid. Une fois ce lieu repĂ©rĂ© et approuvĂ©, lâensemble de lâessaim sây
Il faut 3 Ă 4 semaines aux abeilles pour commencer Ă produire du miel Ă partir dâune nouvelle ruche. Il a Ă©tĂ© dit quâen dehors de lâhomme, nulle part au monde il nây a rien Ă comparer avec lâincroyable efficacitĂ© de lâindustrie de lâabeille. Les abeilles ont besoin de deux types de nourriture diffĂ©rents. Ă quelle vitesse les abeilles fabriquent-elles du miel ?Sommaire1 Ă quelle vitesse les abeilles fabriquent-elles du miel ?2 Combien de miel une abeille peut-elle fabriquer en une journĂ©e ?3 Combien de temps faut-il Ă une abeille pour fabriquer une cuillĂšre Ă cafĂ© de miel ?4 Combien de fois par an peut-on rĂ©colter du miel ?5 Combien de temps vit une reine des abeilles ?6 Combien de temps faut-il aux abeilles pour fabriquer une ruche ?7 Ă quelle vitesse les abeilles peuvent-elles voler ?8 Quelle distance les abeilles mellifĂšres parcourent-elles pour trouver de lâeau ?9 Combien dâyeux a une abeille ?10 Combien de voyages une abeille fait-elle par jour ?11 Les abeilles mellifĂšres mangent-elles leur propre miel ?12 Combien de miel peuvent fabriquer 10 000 abeilles ?13 Que se passe-t-il si vous rĂ©coltez le miel trop tĂŽt ?14 Combien de temps vivent les abeilles?15 Quelle est la rentabilitĂ© de lâapiculture ?16 Existe-t-il un roi des abeilles ?17 Comment les abeilles choisissent leur reine ?18 Que se passe-t-il si une reine des abeilles vous pique ?19 Ă quelle vitesse les abeilles peuvent-elles remplir un miel super?20 Combien de temps dure la vie dâune abeille ?21 Quelle quantitĂ© de miel faut-il laisser aux abeilles ? Une colonie dâabeilles bien Ă©tablie peut produire beaucoup de miel trĂšs rapidement. Lors dâune forte coulĂ©e de nectar ou de miel, une forte colonie peut remplir de miel un super miel profond de 10 cadres en 2 Ă 3 jours. Alors quâune colonie plus faible mais Ă©tablie peut prendre 1 Ă 2 semaines pour produire la mĂȘme quantitĂ© de miel. Combien de miel une abeille peut-elle fabriquer en une journĂ©e ? Câest environ 10 livres de miel par jour! Bien sĂ»r, cela ne se produit quâune fois de temps en temps, lorsque toutes les conditions ci-dessus sont rĂ©unies. Plus souvent quâautrement, ici en Californie du Sud, nous rencontrons des annĂ©es de sĂ©cheresse qui affligent grandement nos plantes productrices de miel indigĂšnes. Combien de temps faut-il Ă une abeille pour fabriquer une cuillĂšre Ă cafĂ© de miel ? Lâabeille ouvriĂšre moyenne produit 1/12e de cuillĂšre Ă cafĂ© de miel au cours de sa vie, qui dure six semaines. Combien de fois par an peut-on rĂ©colter du miel ? La plupart des apiculteurs rĂ©coltent le miel 2 Ă 3 fois par an/saison. Le miel est normalement rĂ©coltĂ© entre la mi-juin et la mi-septembre. La frĂ©quence de rĂ©colte dĂ©pend de votre climat local et de la vie vĂ©gĂ©tale. Combien de temps vit une reine des abeilles ? Les reines vivent en moyenne 1 Ă 2 ans Page et Peng 2001, bien quâune durĂ©e de vie maximale de 8 ans ait Ă©tĂ© rapportĂ©e dans une Ă©tude Bozina 1961. Le dimorphisme observĂ© dans la caste des femelles dâabeilles mellifĂšres est particuliĂšrement intĂ©ressant car les ouvriĂšres et les reines ont le mĂȘme gĂ©notype mais prĂ©sentent une diffĂ©rence de durĂ©e de vie dâun facteur 10. Combien de temps faut-il aux abeilles pour fabriquer une ruche ? Combien de temps faut-il pour Ă©tablir une nouvelle ruche. Une nouvelle colonie dâabeilles a besoin dâau moins 3 Ă 5 mois pour devenir forte et bien Ă©tablie. Fondamentalement, il faudra une saison pour quâune nouvelle colonie sâĂ©tablisse. Ă quelle vitesse les abeilles peuvent-elles voler ? Quelle distance les abeilles mellifĂšres parcourent-elles pour trouver de lâeau ? Les abeilles parcourront jusquâĂ cinq milles pour trouver de lâeau. Cependant, cela ne signifie pas que toute ruche situĂ©e Ă moins de cinq miles dâune source dâeau est bonne Ă utiliser ! Vous devez fournir de lâeau Ă vos abeilles Ă moins de huit kilomĂštres. Combien dâyeux a une abeille ? Yeux â Aussi incroyable que cela puisse paraĂźtre, lâabeille a CINQ yeux, deux grands yeux composĂ©s et trois yeux ocelles plus petits au centre de sa tĂȘte. Combien de voyages une abeille fait-elle par jour ? Une abeille visite 50 Ă 100 fleurs lors de chaque voyage de collecte et peut rĂ©colter plusieurs milliers de fleurs en une journĂ©e, effectuant 12 voyages ou plus, rĂ©coltant le pollen ou le nectar dâune seule espĂšce florale chacune. Les abeilles mellifĂšres mangent-elles leur propre miel ? Oui, Ă©tonnamment, toutes les espĂšces dâabeilles qui fabriquent du miel en mangent Ă©galement. Toutes les espĂšces dâabeilles qui fabriquent du miel ne sont pas des abeilles domestiques. Les abeilles sont une espĂšce diversifiĂ©e â il en existe des milliers de types diffĂ©rents. Combien de miel peuvent fabriquer 10 000 abeilles ? Il a Ă©tĂ© estimĂ© quâune seule abeille pourrait collecter suffisamment de nectar tout au long de sa vie pour fabriquer une seule cuillĂšre Ă cafĂ© 5 cc de miel. Donc, si vous aviez 10 000 abeilles pendant toute leur vie sans remplacement, elles pourraient produire 5 cc x 10 000 cc de miel ou 50 000 cc ou 500 litres. Que se passe-t-il si vous rĂ©coltez le miel trop tĂŽt ? RĂ©colter trop tĂŽt signifie que vous ne capitalisez pas sur la quantitĂ© totale de miel disponible au cours dâune annĂ©e donnĂ©e. RĂ©colter trop tard risque de se heurter Ă des tempĂ©ratures froides ou glaciales, ainsi que dâen prendre trop et de ne pas en laisser assez Ă la colonie pour lâhiver. Combien de temps vivent les abeilles? Quelle est la rentabilitĂ© de lâapiculture ? Selon le nombre de ruches que vous avez, vous pouvez rĂ©aliser un profit. Cependant, cela dĂ©pend vraiment de la saison et du flux de nectar. Il y a des frais de dĂ©marrage lorsquâon se lance dans lâapiculture. AprĂšs cela, vous pouvez vous attendre Ă un bĂ©nĂ©fice apicole par ruche dâenviron 600 âŹ. Existe-t-il un roi des abeilles ? La vĂ©ritĂ© est quâil nây a pas dâabeille royale Ă lâintĂ©rieur de la ruche. Il existe des abeilles mĂąles, appelĂ©es drones. Cependant, ils ne sont plus nĂ©cessaires aprĂšs lâaccouplement avec la reine et ne jouent aucun rĂŽle actif dans la colonie autre que dâaider Ă se reproduire. Comment les abeilles choisissent-elles leur prochaine reine ? PremiĂšrement, la reine pond plus dâĆufs. Ensuite, les abeilles ouvriĂšres choisissent jusquâĂ vingt des Ćufs fĂ©condĂ©s, apparemment au hasard, pour ĂȘtre de nouvelles reines potentielles. Lorsque ces Ćufs Ă©closent, les ouvriĂšres nourrissent les larves dâun aliment spĂ©cial appelĂ© gelĂ©e royale. Que se passe-t-il si une reine des abeilles vous pique ? Chaque reine des abeilles a un dard et est parfaitement capable de lâutiliser. Les reines des abeilles, cependant, ne piquent presque jamais les gens; elles rĂ©servent leur piqĂ»re aux autres reines. Ătant donnĂ© que le dard dâune reine des abeilles est lisse, cela signifie quâelle peut thĂ©oriquement piquer plusieurs fois sans perdre son dard et mourir dans le processus. Ă quelle vitesse les abeilles peuvent-elles remplir un miel super? Une forte colonie lors dâune forte miellĂ©e peut dessiner de nouvelles fondations et remplir une superposition de miel en 1 semaine, et parfois en 3 Ă 4 jours. Une colonie dâabeilles moyenne prendra entre 2 et 4 semaines, tandis quâune colonie plus faible prendra 1 Ă 2 mois. Combien de temps dure la vie dâune abeille ? Abeilles/DurĂ©e de vie. Quelle quantitĂ© de miel faut-il laisser aux abeilles ? En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, dans les climats plus chauds, vous devriez probablement laisser environ 40 livres de miel pour une ruche de taille moyenne appelons moyenne» une ruche complĂšte occupant une boĂźte de 10 cadres de profondeur. Dans les climats modĂ©rĂ©s qui connaissent des tempĂ©ratures plus froides, 60 livres de miel est la rĂšgle gĂ©nĂ©rale.
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Parexemple, vous pouvez laisser un appĂąt de friandises dans le grenier. Les guĂȘpes aiment beaucoup le poisson fumĂ©. Ils voleront constamment de l'endroit avec l'appĂąt Ă leur nid. Ainsi, vous pouvez calculer son emplacement. Avant de commencer Ă retirer le nid du grenier, vous devez prendre des mesures de sĂ©curitĂ©. Cela aidera Ă Ă©viter les attaques
RĂ©ussir lâintroduction dâune reine vierge est une opĂ©ration difficile. Lâacceptation est plus alĂ©atoire que celle des cellules royales ou des reines techniques dâintroduction des reines viergesNous vous prĂ©sentons ici quelques unes de nos façons dâopĂ©rer, selon les besoins de la saison et en fonction du type de la colonie introduire une reine vierge dans un paquet dâabeilles ?Câest certainement la technique la plus sĂ»re. Celles qui offre le meilleur taux de succĂšs, du niveau de ceux obtenus avec des reines fĂ©condĂ©es. en paquet dâabeilles, il nây a pas dâĂ©levage possible et les abeilles accueillent trĂšs facilement la reine de lâintroduction des reines vierges lors du remplissage des nuclei de fĂ©condationDans notre cas, nous nâutilisons que les nuclei Kieler. Voici comment nous procĂ©dons Verser lâĂ©quivalent dâun pot de miel de 500g rempli dâabeilles dans le nucleus, Introduire la reine vierge directement dans la grappe, Fermer le nuc et le placer 3 Ă 4 nuits dans un local trĂšs frais, DĂ©placer les nuclei Ă la tombĂ©e de la nuit sur votre emplacement de fĂ©condation, et ouvrir la trappe. VĂ©rifier la ponte et lâĂ©tat des rĂ©serves deux semaines plus introduire une reine vierge dans une colonie bourdonneuse ?Paradoxalement, les colonies orphelines, avec de vieilles voire trĂšs vieilles abeilles, acceptent beaucoup mieux les reines vierges que les reines fĂ©condĂ©es... PrĂ©alablement, secouer tous les cadres dâabeilles Ă une dizaine de mĂštres de la ruche pour faire tomber la les abeilles pondeuses [1]. Retirer les accompagnatrices de la cagette, poser la cagette sur les tĂȘtes de cadres, et casser la languette dâaccĂšs au candi, Retourner un nourrisseur couvre-cadre pour faire un espace clos au-dessus du corps, 48 heures plus tard, vĂ©rifiez dĂ©licatement [2] que la reine ait bien Ă©tĂ© libĂ©rĂ©e. Si non, faites coulisser la glissiĂšre de la cagette pour ouvrir grand lâaccĂšs au candi sans que la reine ne puisse sortir directement, VĂ©rifier la ponte et lâĂ©tat des rĂ©serves deux semaines plus introduire une reine vierge dans un essaimCâest de loin la technique la plus alĂ©atoire. Par moment nous obtenons de trĂšs bons taux dâacceptation, parfois câest Ă peine du 50% ...Nous obtenons plus de rĂ©gularitĂ© sur le taux dâacceptation des reines vierges, lorsque lâon parvient Ă orpheliner la colonie receveuse pendant au moins 9 jours. Passer 9 jours, les abeilles nâont plus de possibilitĂ© dâĂ©levage. Au minimum 9 jours avant de recevoir la reine vierge , prĂ©parez dans une ruchette, un essaim avec 2 cadres de couvain ouvert et operculĂ© + 1 cadre de rĂ©serve. DĂ©placer la ruchette dâune cinquantaine de mĂštre pour Ă©liminer les vielles abeilles. Les butineuses retourneront Ă la ruche mĂšre. Avant rĂ©ception de la reine vierge, dĂ©truire toutes les cellules ... sans en oublier aucune ! A rĂ©ception de la cagette, retirer les accompagnatrices. Casser a languette dâaccĂšs au candi puis poser la cagette sur les tĂȘtes de cadres. Retournez un nourrisseur couvre-cadre pour faire un espace clos au-dessus du corps. 48 heures plus tard, vĂ©rifiez dĂ©licatement [2] que la reine a bien Ă©tĂ© libĂ©rĂ©e. Si non, faites coulisser la glissiĂšre de la cagette pour ouvrir grand lâaccĂšs au candi sans que la reine ne puisse sortir directement, VĂ©rifier la ponte et lâĂ©tat des rĂ©serves deux semaines plus articles Ă consulter sur lâintroduction des reines Introduction de reine vierge dans un essaim artificiel, par Didier Delecroix, Introduction des reines, par Doug McCutcheon et al, Introduction des reines, par Gilles Fert Introduction dâune reine pas Ă pas, par Gilles Fert [1] Avec les reines vierges, nous ne prenons pas toujours cette prĂ©caution pourtant utile ![2] sans choquer la ruche Ă lâouverture pour Ă©viter lâemballement de la reine Lexique apicole multilingue Listes de diffusion Nous vous proposons de vous inscrire Ă nos listes de diffusion. Vous serez alors tenus informĂ©s de lâĂ©volution de notre se fait en 2 temps Validez votre adresse mail Puis sĂ©lectionnez les listes de votre choix
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combien de temps laisser un essaim dans une ruchette